Au large de nos côtes, Sempas surveille la pollution des navires

7 août 2025
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

Le spectromètre optique Sempas développé par l’Institut royal d’aéronomie de Belgique a pris le large au printemps. Installé sur une plateforme technique aux confins du champ d’éoliennes off-shore Mermaid, dans les eaux belges de la mer du Nord, ses deux yeux surveillent les navires qui passent à sa portée. Sa mission? Analyser la composition des fumées rejetées par les cheminées de ces bateaux et y mesurer la concentration de certains composés chimiques.

« Sempas vise, en effet, les panaches de fumée émis par les cheminées des navires en transit au large de nos côtes », commente la Dre Gytha Mettepenningen, Cheffe du projet Sempas au sein de l’Institut royal d’Aéronomie de Belgique (IASB). Cet institut scientifique fédéral, installé à Uccle, a été chargé d’élaborer, de tester puis de valider et de construire un instrument opérationnel capable de détecter certains composés chimiques présents dans les fumées des navires. Le prototype scientifique avait fait ses preuves voici deux ans. Désormais, c’est le modèle opérationnel qui est à pied d’œuvre.

Les dioxydes de soufre et d’azote en ligne de mire

« Sempas (« Ship Emission Monitoring by Passive Remote Sensing ») est un spectromètre optique », reprend Gytha Mettepenningen. « Il est doté de deux caméras mobiles. Elles suivent pendant 10 à 20 minutes les navires qui passent à sa portée et analysent la composition de leurs fumées. L’objectif est de vérifier qu’elles ne sont pas trop chargées en polluants, principalement en dioxyde de soufre et en dioxyde d’azote. »

Chaque composé chimique a sa propre signature spectrale, un peu comme une empreinte digitale. Les fumées trop riches en certains composés chimiques indiquent l’utilisation d’un carburant de mauvaise qualité, sans doute moins cher pour les armateurs, mais aussi beaucoup trop polluant, et donc interdit.

Une fois détectées, ces informations sur les polluants sont transmises à une base de données européenne. Suite à ces observations, et en couplant ces données à l’identification du navire émetteur, les autorités du port de destination peuvent effectuer des contrôles dans les réservoirs du navire suspect. Et, le cas échéant, le mettre à l’amende s’il utilise effectivement un mauvais carburant.

Dre Gytha Mettepenningen, cheffe de projet concernant l’instrument Sempas (IASB) © Christian Du Brulle

Une surveillance qui porte jusqu’à 15 kilomètres

« En fonction des conditions de visibilité, une vingtaine de navires vont ainsi pouvoir être suivis quotidiennement, tout au long de l’année, quand les conditions atmosphériques sont bonnes. Par temps clair, la surveillance opérée par Sempas concernera des navires passant jusqu’à 15 kilomètres du détecteur.»

La surveillance effectuée quotidiennement par l’instrument Sempas viendra compléter celles plus ponctuelles réalisées par l’avion de surveillance du littoral opéré par l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique au départ de l’aéroport d’Ostende. En 2024, dans le cadre du programme national de surveillance aérienne, il a effectué 220 heures de vol au-dessus de la mer du Nord.

Compléter le travail de l’avion renifleur

Parmi ses missions, on retrouve notamment la surveillance des fumées des navires. Mais contrairement au spectromètre Sempas, qui travaille dans le domaine optique, les détecteurs de l’avion reniflent les gaz émis in situ. En survolant les panaches de fumée, les détecteurs de l’avion peuvent ainsi capter et analyser directement leur composition et donc détecter des taux trop élevés de certains polluants.

Chaque année, quelque 200.000 navires traversent la partie belge de la mer du Nord. L’an dernier, l’avion en question a détecté 31 navires présentant des niveaux suspects de soufre et 59 d’azote dans leurs panaches de fumée.

Activités suspectes et navires russes

Dans le cadre de la garde côtière, l’avion de surveillance contribue également à des missions plus larges de mise en application de la réglementation maritime et de la sécurité en mer. Ainsi, les opérateurs aériens signalent régulièrement au centre de la garde côtière les infractions aux règles de la navigation en mer et à l’usage du système d’identification automatique (AIS) des navires ainsi que les violations éventuelles des périmètres de sécurité autour de certaines infrastructures telles que les parcs éoliens ou les fermes aquacoles.

En 2024, 11 navires ont été observés sans signal AIS actif, tous des navires de pêche. En outre, 26 infractions à la navigation ont été constatées, ce qui représente une augmentation significative, principalement des navires naviguant dans la mauvaise direction (navigation fantôme) ou au mouillage dans les voies de navigation. Ces observations ont été systématiquement signalées à la Direction générale de la navigation (SPF Mobilité et Transports) pour suivi. Enfin, en étroite coordination avec le Carrefour de l’Information Maritime (CIM-MIK), l’avion a surveillé quatre activités suspectes dans ou à proximité des zones maritimes belges, dont trois impliquaient des navires russes », rappelle l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique.

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