Campagne de tests de SEMPAS à Breskens © IASB

Le détecteur Sempas reniflera jour et nuit le souffre émis en mer du Nord

12 septembre 2023
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

La pollution atmosphérique passe aussi par les émissions de divers polluants par les navires qui sillonnent mers et océans. Les bateaux qui passent dans les eaux belges de la mer du Nord sont ainsi étroitement surveillés. L’avion renifleur de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique réalise chaque année de nombreuses missions dans ce cadre. En plongeant dans les panaches de fumée, il peut détecter des concentrations de polluants trop élevés qui signent l’utilisation d’un carburant non conforme.

Toutefois, cet avion ne vole pas en continu. D’où l’idée de compléter sa surveillance par un système terrestre, ou plus exactement marin. ET ce, depuis certains pylônes énergétiques plantés dans les eaux territoriales belges, dans les parcs éoliens, à proximité immédiate des grandes routes maritimes de la mer du Nord.

Une télédétection dans l’ultraviolet et l’infrarouge

« C’est un instrument de ce genre que nous sommes en train de mettre au point », explique Gytha Mettepenningen, doctorante à l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique (IASB), basé à Uccle. Au sein du groupe de recherche en télédétection dans le rayonnement ultraviolet, elle développe l’instrument Sempas (« Ship Emission Monitoring by Passive Remote Sensing »).

« Et nous sommes sur la bonne voie. Cet instrument se compose de deux types de détecteurs optiques. Il s’agit de deux spectromètres. L’un travaille dans l’infrarouge, l’autre dans l’ultraviolet. »

La composition des fumées sous surveillance 

Sempas regarde à travers les panaches de fumée des navires qui passent à proximité, dans un rayon de cinq kilomètres. Ses instruments mesurent les variations du rayonnement solaire et du rayonnement thermique de l’atmosphère qui traversent ces panaches et produisent un spectre d’absorption.

L’absorption des rayons lumineux à des longueurs d’onde spécifiques par les polluants présents dans les panaches de fumée permet ainsi de déterminer la présence de ces polluants et leurs concentrations.

Chaque composé chimique a sa propre signature spectrale, un peu comme une empreinte digitale. Les fumées trop concentrées en certains composés chimiques signent dès lors l’utilisation d’un carburant de mauvaise qualité, sans doute moins chers pour les armateurs, mais aussi beaucoup trop polluant.

Une fois détectées, ces informations sur les polluants sont transmises à une base de données européenne. Suite à ces observations, et en couplant ces données à l’identification du navire émetteur, les autorités du port de destination peuvent effectuer des contrôles dans les réservoirs du navire suspect. Et, le cas échéant, le mettre à l’amende.

Le soufre, l’azote et le dioxyde de carbone dans le collimateur

« Un des instruments est optimisé pour mesurer le soufre et l’azote dans les UV visibles contenus dans la lumière solaire. L’autre instrument mesure un spectre dans l’infrarouge thermique, ce qui permet de détecter la présence du soufre et du CO2. Les deux télescopes de Sempas sont montés sur un pointeur solaire compact de dernière génération, développé par l’IASB. Une fenêtre en germanium protégera le télescope du canal infrarouge contre les éclaboussures de la mer, l’humidité et le sel », précise Frederik Tack, responsable du projet Sempas à l’IASB.

Des essais concluants à Anvers et dans l’estuaire de l’Escaut

Avant de déployer cet instrument sur le pylône énergétique du plus éloigné des parcs éoliens belges en mer du Nord, les instruments font l’objet de multiples tests.

Des mesures sur les fumées des cheminées industrielles du port d’Anvers ont été réalisées entre janvier et mai 2023. Elles ont permis à l’IASB de se familiariser avec l’instrument, d’optimiser les paramètres de mesure et d’aligner le télescope. Ces mesures ont clairement révélé les caractéristiques spectrales du soufre et de l’azote.

D’autres tests ont également été effectués pour mesurer dans l’infrarouge les émissions des navires passant près de Breskens (Pays-Bas), dans l’estuaire de l’Escaut. Ici aussi, les résultats ont été encourageants.

« Ces campagnes ont permis d’obtenir un grand nombre de mesures qui peuvent maintenant être utilisées pour optimiser les algorithmes nécessaires », assure-t-on à l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique. « Cela permettra de déterminer les profils de concentration de polluants à partir des données brutes et de perfectionner nos algorithmes.»

L’installation en mer des deux détecteurs de Sempas est prévue pour le début de l’année prochaine. « Au printemps 2024, nous voulons faire un premier test sur le parc éolien de Mermaid », indique le ministre fédéral belge Vincent Van Quickenborne, en charge notamment de la mer du Nord.

« La combustion de combustibles fossiles dans le transport maritime représente environ 2,5 % des émissions polluantes mondiales, ce qui entraîne des dommages environnementaux considérables », indique-t-on à son cabinet. « Les émissions des navires ont un impact non seulement sur le climat, mais aussi sur la qualité de l’air et, par conséquent, sur la santé publique dans les zones côtières. »

« En outre, quelque 200.000 navires traversent chaque année la partie belge de la mer du Nord, émettant dans l’environnement marin et les zones côtières souvent densément peuplées, outre le CO2, un certain nombre de polluants tels que le soufre, l’azote, des particules fines et des particules de suie. Autant de substances qui peuvent provoquer des problèmes respiratoires, des irritations oculaires, des problèmes pulmonaires, et même des décès prématurés ».

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