S’appuyant sur ses 40 ans de pratique clinique, Yves Lepers explique ce qu’est réellement sa profession dans «Impertinente ostéopathie!» aux éditions Mardaga. Dans la collection «Santé en Soi», dirigée par la médecin Karin Rondia, le professeur de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) met en garde contre les marchands d’illusions, contre des dérives comme les manipulations crâniennes. Aide les autres professionnels de la santé à mieux comprendre le rôle de l’ostéopathe.
«Je considère que l’ostéopathie est une partie de la médecine comme la chirurgie ou la dentisterie. La chirurgie est une des alternatives thérapeutiques possibles en médecine. La dentisterie, pour des raisons de limitation anatomique de son champ d’action, est un exercice médical à compétence limitée. Je pense que l’ostéopathie présente des analogies avec les deux. À ce titre, il est évident que je n’envisage pas l’exercice de l’ostéopathie sans collaboration avec les autres professionnels de santé.»
L’ostéopathie mal nommée
Le nom «ostéopathe» fait penser à un spécialiste des maladies des os. Pas à un thérapeute qui se base en grande partie sur les liens entre les articulations pour soulager le patient.
C’est Andrew Taylor Still qui a appelé «osteopathy» la discipline qu’il a créée à la fin du XIXe siècle. Selon ce médecin et pasteur étatsunien, la maladie survient lorsqu’une force extérieure modifie les rapports entre les structures anatomiques. Provoque une contraction musculaire qui empêche l’arrivée des «semences de vie» véhiculées par le sang. La guérison passe par des manipulations pour repositionner les éléments déplacés.
«Se référer aujourd’hui à une interprétation littérale de la théorie de Still relève de la croyance, de l’ignorance ou de la malhonnêteté intellectuelle. La plupart des ostéopathes du XXIe siècle ont suivi les évolutions de la science et progressivement adapté leur pratique pour en faire une approche complémentaire à celle de la médecine conventionnelle. D’autres restent fondamentalement attachés aux théories fondatrices, ce qui les met en porte à faux avec les connaissances scientifiques actuelles.»
Une formation universitaire unique en Belgique
Aux États-Unis, pas de différence entre la formation des Doctors in Osteopathy et les Medical Doctors. Les compétences et les possibilités de spécialisation sont les mêmes.
En Belgique? «Une loi-cadre, à la rédaction de laquelle il m’a été donné de participer, existe depuis 1999. Mais n’est toujours pas appliquée… Pourtant, le pays peut s’enorgueillir d’avoir été le premier à organiser un cursus universitaire complet en ostéopathie. L’ULB est toujours un modèle unique. Une vingtaine d’étudiants viennent de terminer les 6 années d’études à la faculté des Sciences de la motricité . Autant d’hommes que de femmes.»
«En ce mois de septembre, un cursus débute au Portugal dans 4 universités, dont une université d’État à Porto», relève l’ostéopathe qui détient une licence en kinésithérapie et un doctorat en philosophie. «J’en suis un des instigateurs. Paradoxalement, le ministère portugais de la Santé reconnaît désormais l’ostéopathie comme pratique de santé de première ligne. Il exige une formation universitaire qui n’excède pas 4 ans.»
Comprendre l’histoire de la douleur
Pour s’assurer de la pertinence d’une prise en charge ostéopathique, le thérapeute procède à un interrogatoire et à un examen clinique minutieux. Le passé du patient est le fil conducteur qui lui permet de comprendre l’histoire de la douleur.
Les ostéopathes, comme les chiropraticiens, se sont fait connaître par des techniques qui craquent quand on exerce un mouvement rapide et de faible amplitude au niveau d’une articulation…
«Ce son ne provient pas des os ni de structures articulaires malmenées. Mais d’une bulle d’air emprisonnée dans le liquide intra-articulaire. La dangerosité des manipulations est réelle, mais extrêmement faible. Il faut s’assurer de la formation de l’ostéopathe auquel on s’en remet. Son appartenance à une union professionnelle reconnue est une première garantie.»
L’ULB mène des recherches en ostéopathie… «Il n’existe bien évidemment aucune industrie susceptible de financer la recherche dans un domaine de la médecine qui ne prescrit pas de médicaments. Ne pose pas de prothèses. Ne propose pas de molécules anesthésiantes ni de matériel chirurgical pour enlever tumeurs ou organes défaillants.»
L’ostéopathe soulage et guérit avec les mains
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes