À l’Observatoire royal de Belgique, l’étude du Soleil passe par les sciences participatives

7 novembre 2019
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 6 minutes

Les spécialistes du Soleil de l’Observatoire royal de Belgique font appel au public. Ils viennent en effet de lancer un projet de sciences participatives. Baptisé Val-u-Sun, il s’agit, pour les personnes intéressées, d’aider les chercheurs à mieux (re)compter les taches qui maculent de temps à autre la surface du Soleil et à délimiter ses « groupes de taches ».

Le nombre de taches qui apparaissent à la surface du Soleil trahit son activité interne. En les étudiant, les chercheurs tentent de percer le fonctionnement de notre étoile, mais aussi de mettre en lumière d’éventuels phénomènes physiques encore mal connus qui s’y déroulent.

20.000 dessins à analyser

Avec cette opération de science citoyenne, il n’est bien sûr pas question pour un amateur d’observer directement le Soleil. Ce sont les archives de l’Observatoire qui sont ici concernées. « Il s’agit de réinterpréter les dessins d’observation de taches solaires produits depuis 70 ans environ, à Bruxelles », explique le Dr Frédéric Clette, responsable de la station solaire de l’Observatoire royal de Belgique à Uccle.

« Nous aimerions que les volontaires nous disent ce qu’ils voient sur les 20.000 dessins dont nous disposons. Leurs regards neufs sur ces images pourraient nous aider à identifier des structures, des groupes de taches solaires auxquels nous n’avons pas pensé et ainsi faire progresser nos connaissances sur notre étoile ».

« Le jeu de données de départ soumis aux internautes comporte 152 dessins repris sur notre collection de plus de 20.000 dessins », précise le Dr Clette. « Ils couvrent la période allant de 1999 à 2013, soit la durée d’un cycle d’activité solaire complet. Ces dessins contiennent 525 groupes de taches et 3793 taches individuelles ».

Ce dessin, dénué d’annotation, fait partie de la série de dessins mise à la disposition des citoyens © ORB

Sur les deux dessins reproduits ici, on notera que le premier est sans annotation. Il fait partie de la série de dessins mise à la disposition des citoyens. « On y a enlevé tout indice », indique le scientifique.

Ce dessin porte des marquages faits par un observateur professionnel © ORB

Le deuxième dessin est un exemple de dessin avec les marquages faits par un observateur professionnel. Il se situe au dernier maximum d’activité du Soleil. Un Soleil qui est pour l’instant en train de passer le minimum. Ces derniers mois, quasi aucune tache et aucune activité éruptive n’ont donc été recensées.

Des taches suivies depuis 400 ans

Les taches solaires sont des taches sombres qui apparaissent à la surface du Soleil. Les observateurs professionnels les comptent et les dessinent à la main depuis plus de 400 ans, en réalité, depuis l’invention du télescope par Galilée. Ils se servent du télescope comme projecteur et dessinent les taches solaires projetées sur leur feuille.

Bien entendu, les astronomes observent aussi aujourd’hui le Soleil avec des instruments modernes, numériques ou encore avec des satellites. Mais ils continuent également de le faire manuellement, avec un papier et un crayon. « Afin de maintenir la continuité entre les observations passées et récentes », explique-t-on à l’Observatoire.

Table à dessin des astronomes qui surveillent le Soleil. Elle placée sous le télescope solaire. C’est sur cette table qu’une feuille de papier est fixée et que l’astronome dessine les taches solaires qu’il observe ©Christian Du Brulle

En conservant la même méthode, les scientifiques peuvent ainsi comparer les taches solaires du passé avec celles observées aujourd’hui. Ceci donne lieu à une des plus longues archives de données scientifiques de l’histoire des sciences.

Boucles magnétiques et éruptions

Mais à propos, quelles informations ces taches apportent-elles aux astronomes? « Le Soleil est une boule de gaz soumis à des champs magnétiques qui naissent en son sein », expliquent-ils. « De gigantesques boucles magnétiques traversent la surface solaire et s’étendent vers la haute atmosphère de notre étoile (appelée « couronne solaire »). Lorsqu’ils sont assez puissants, ces faisceaux magnétiques laissent une empreinte sombre à la surface du Soleil (dénommée photosphère) ». Voilà pour l’origine de ces taches.

« Habituellement, les taches solaires viennent par paires ou en groupes plus grands : une boucle magnétique a deux points d’ancrage, voire davantage, formant un groupe de taches solaires ».

« Ces boucles magnétiques contiennent des charges d’énergie énormes. À un moment, une boucle magnétique peut devenir instable. Elle n’est plus capable de conserver son énergie. Cette énergie peut alors être libérée sous la forme d’un flash lumineux. C’est ce qu’on appelle une éruption solaire ».

Météorologie spatiale

Plus les taches solaires d’un groupe sont complexes et plus leur nombre est élevé, plus le risque d’éruption solaire est grand. Le nombre de taches solaires semble être une très bonne mesure de la probabilité d’explosions solaires ou d’activité solaire.

« C’est cette machinerie solaire magnétique qui fait la météorologie spatiale », indique encore l’Observatoire. « Pour comprendre la météo spatiale, nous devons donc comprendre le comportement de son conducteur: le champ magnétique. Ce qui nous amène aux taches solaires, qui sont des points de ce champ magnétique intense ».

Le nombre de taches solaires compté par différents observateurs un jour donné peut être combiné avec une méthode statistique pour produire le nombre international quotidien de taches solaires, qui donne une idée de l’activité du Soleil ce jour-là. Ce nombre quotidien peut varier considérablement, le nombre international a lui aussi tendance à varier selon un cycle de 11 ans. Son analyse dans le temps renseigne les chercheurs sur l’activité solaire globale ou encore sur le “climat spatial”.

Le Centre mondial de données du SILSO est responsable de la collecte des observations et du dénombrement des taches solaires dans plus de 80 stations d’observation dans le monde. Mais aussi de la production du nombre quotidien international des taches solaires. Ce centre mondial est basé à… l’Observatoire royal de Belgique. Et ce, depuis près de 40 ans.

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