Pr Cédric Blanpain © Christian Du Brulle

Le Pr Blanpain (ULB) récompensé par le Prix Francqui 2020

7 décembre 2020
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

L’année avait déjà été excellente pour le Pr Cédric Blanpain, directeur du laboratoire Cellules souches et cancer, à l’Université libre de Bruxelles.

Quatre articles scientifiques publiés en 2020 dans des revues prestigieuses. Ajoutons à ce palmarès impressionnant, l’attribution d’une troisième bourse de l’ERC, le très sélectif et très sollicité Conseil européen de la Recherche: le scientifique bruxellois force le respect. Il est d’ailleurs le seul chercheur belge a avoir décroché à ce jour trois bourses de l’ERC depuis la création de cette agence européenne en 2007.

« La première moitié de ma carrière »

Voilà que l’année se termine par l’attribution du Prix Francqui, la plus importante récompense scientifique en Belgique. Clairement, les travaux du Pr Blanpain sur les cellules souches et le cancer sont plébiscités par la communauté internationale. Comme à l’ERC, le jury du Prix Francqui est lui aussi composé d’experts internationaux.

Ce prix couronne « la première moitié de ma carrière scientifique », commente volontiers le Pr Blanpain. Il est attribué à des chercheurs de moins de 50 ans.

À la tête d’une équipe d’une quarantaine de personnes, à Érasme (Faculté de Médecine de l’ULB à Anderlecht), le médecin de formation initiale, chercheur Welbio et lauréat en 2015 d’un des Prix Quinquennaux du FNRS, a engrangé les découvertes en matière de cancer et de cellules souches.

En 2007, son premier « ERC Starting grant » soutenait son projet CancerStem. Au cours des quatre années qui ont suivi, son laboratoire a identifié les cellules à l’origine des cancers épithéliaux les plus répandus. Il a aussi démontré l’existence de cellules souches cancéreuses au sein de leur micro-environnement naturel.

En 2014, son projet EXPAND avait également convaincu le jury de l’ERC, qui lui avait attribué un financement de type « Consolidator grant ». Grâce à cette manne, il a pu mettre en lumière les mécanismes cellulaires et moléculaires régulant l’expansion tissulaire ainsi que la décision sur le sort des cellules au cours de la croissance postnatale et de la réparation des tissus épithéliaux.

Mieux comprendre la mécanique moléculaire du cancer

L’attribution en mars dernier de l’ « ERC Advanced grant » doit lui permettre de définir les différents états tumoraux à un niveau unicellulaire. « C’est la clé de voûte de nos travaux », estime-t-il. « Pourquoi certaines cellules vont-elles engendrer des cancers et d’autres pas? Nous avons commencé par cerner les cellules sensibles. Mais la vraie question est d’ordre mécanistique. Il concerne les mécanismes moléculaires à l’œuvre. »

« Pourquoi certaines cellules se divisent-elles vite et d’autres non? Pourquoi certaines cellules ont-elles tendance à métastaser? », continue-t-il. « Pourquoi certaines résistent-elles aux traitements? Comment passe-t-on d’un état cellulaire à un autre quand on est une cellule cancéreuse? Et comment la communication entre une cellule cancéreuse et ses cellules voisines influence-t-elle cette identité cellulaire? Cela reste un grand mystère. C’est là que se situent les enjeux liés à mon nouvel ERC », précise le chercheur. « Nous espérons pouvoir répondre en partie à ces questions dans les années qui viennent.»

En identifiant les mécanismes qui régulent les fonctions et états transitionnels cellulaires dans les tumeurs, ils espèrent ainsi pouvoir définir de nouvelles vulnérabilités tumorales et fournir de nouvelles opportunités thérapeutiques. Une recherche extrêmement fondamentale, mais aux applications potentielles réelles.

Les secrets des cellules souches 

Et puis bien sûr, il y a aussi la création de sa spin-off, voici deux ans : ChromaCure. Cette spin-off cible des régulateurs de l’initiation et de la progression des tumeurs. La jeune société va développer un programme destiné à identifier des candidats-médicaments capables d’inhiber certaines de ces cibles et va lancer des premiers tests cliniques. « Dans les années qui viennent, un grand bonheur serait de voir cette entreprise mettre un produit sur le marché qui sera vraiment utile aux patients », confie-t-il.

Côté cellules souches, les questions en suspens sont aussi au centre des préoccupations de son laboratoire. « Comment ces cellules contrôlent-elles leur identité? Qu’est-ce qui pilote préférentiellement leur renouvellement par rapport à la différenciation? Ici aussi, nous espérons pouvoir apporter des réponses », indique Cédric Blanpain.

« Tout cela va me tenir très occupé pendant les cinq années à venir », dit-il. « Et dans cinq ans, j’espère être toujours là et pouvoir me poser de nouvelles questions. Clairement, je ne me vois pas changer de carrière ».

Apprendre à vivre avec le vieillissement

Les travaux du Pr Blanpain touchent à de multiples questions touchant la société. Le vieillissement de la population, notamment.

« Grâce aux progrès de la médecine, à la recherche fondamentale, en un siècle, on a gagné 30 ans d’espérance de vie. C’est extraordinaire ! », dit-il. « Avec tout ce que cela comporte comme enjeux, notamment en matière de lutte contre le cancer.

« La médecine personnalisée, c’est très bien. On vise les vulnérabilité de chaque cancer, patient par patient. Mais cela ne marche que pour un nombre limité de patients. Pourquoi? Parce qu’on n’a pas encore découvert les vulnérabilités individuelles de chaque cancer et deuxièmement, on n’a pas encore les médicaments qui ciblent spécifiquement ces maladies. »

« Clairement, c’est l’avenir de la thérapie contre le cancer », dit-il encore. « Mais le chemin est encore long. À ce stade, la prévention reste la meilleure solution pour lutter contre cette maladie. On ne va pas éviter le vieillissement. Il faut apprendre à mieux vivre avec son corps qui vieillit.»

Ces enjeux, comme d’autres, tels le rôle actif joué par les pouvoirs publics en matière de soutien aux chercheurs-entrepreneurs, les « fake news », la vaccination émaillent du podcast qui suit :

Cette année, le prix Francqui est également attribué au Professeur Bart Loeys, de l’Université d’Anvers, pour sa recherche clinique et translationnelle qui a permis de comprendre, diagnostiquer et traiter les maladies génétiques affectant les vaisseaux sanguins, précise le Palais Royal. Les deux lauréats recevront leur prix des mains du Roi, le 16 décembre, au Palais des Académies de Bruxelles.

 

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