Le burn-out guette les parents qui veulent trop bien faire

8 janvier 2021
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
« Le burn-out parental », par Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam. Editions Odile Jacob. VP 19,90 euros, VN 15,99 euros

Les psychologues Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam partagent les résultats de leurs recherches et leurs expériences de mamans dans «Le burn-out parental», une seconde édition publiée chez Odile Jacob. Les deux professeures à l’UCLouvain montrent comment ce surmenage survient, se développe. Proposent des stratégies pour le surmonter. Éviter qu’il réapparaisse. Témoignages et tests pratiques à l’appui.

Le livre s’adresse aux parents épuisés. «Quand on est au fond du trou, que plus rien ne va et qu’on n’a plus de force du tout, il est difficile de conserver l’espoir que les choses vont aller mieux», constate Moïra Mikolajczak, codirigeante avec Isabelle Roskam du Training Institute for Parental Burnout et du Parental Burnout Research Lab de l’UCLouvain.

«Et pourtant, c’est là un fait indéniable: le burn-out ne fait pas partie de ces troubles qui, une fois qu’ils se déclarent, durent toute une vie. Pour peu qu’on ne se laisse pas aller à ses envies les plus noires, le burn-out a toujours une fin. Chez certains, il durera deux semaines, chez d’autres quatre mois ou d’autres encore deux ans. Et une fois qu’on en sort, on peut retrouver ses forces. Savourer à nouveau pleinement la joie d’être parent.»

«À la faveur d’un hasard, j’ai débuté cette collaboration avec Isabelle», poursuit la professeure à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation qui a dominé l’épuisement parental. «En dépit de ses cinq enfants, ma collègue n’a jamais fait l’expérience du burn-out. Ce fut une expérience intellectuelle et humaine riche que d’étudier ce phénomène ensemble. Puis de rédiger ce livre à quatre mains.»

Négligence, violence et addiction

Deux études des chercheuses, menées avec James Gross, directeur du
Stanford Psychophysiology Laboratory en Californie, ont été publiées en 2019. Réalisées auprès de plus de 1.500 parents francophones et près d’un millier de parents anglophones, les enquêtes montrent que le burn-out décuple le risque de négligence ou de violence envers les enfants. Ces comportements disparaissent lorsque les parents sont efficacement soignés.

Le surmenage parental peut aussi précipiter ou aggraver des addictions à la caféine, à la cocaïne chez de jeunes cadres stressés. Provoquer des difficultés conjugales. Exacerber le désir d’évasion. Encourager les relations extraconjugales.

Le burn-out est un trouble de la famille du stress. «Les données que nous avons accumulées actuellement suggèrent que le burn-out parental affecte aussi la santé», relèvent les psychologues qui organisent des consultations psychologiques spécialisées en parentalité. «En prélevant une mèche de cheveux à l’arrière du crâne, il est possible de remonter dans le temps et de mesurer le cortisol, l’hormone de stress, qu’une personne a sécrété au cours des trois mois précédents.»

Cultiver l’image de soi et le bien-être conjugal

Quand on est en burn-out, ou sur le point de basculer, identifier ce qui pèse dans sa balance personnelle est une étape essentielle. Elle permet de visualiser les risques à éviter, à éliminer. D’identifier de nouvelles ressources ou protections à mobiliser, à solliciter.

Le niveau de compétences émotionnelles constitue le facteur psychologique le plus prédictif de résistance au stress. Identifier ses émotions, les comprendre, les exprimer, les gérer et les utiliser permet de diminuer le stress de 25 à 40%.

Le plus souvent, ce n’est pas la situation, mais sa perception qui déclenche le stress. «Un des plus grands communs dénominateurs entre tous les parents qui souffrent de burn-out, c’est d’avoir une image de soi négative en tant que parents», expliquent les chercheuses. «Une fois l’image de soi entamée, il devient impossible de s’engager dans son métier de parent. En effet, quand on se sent incapable de réussir une tâche, quelle qu’elle soit, on ne s’y engage plus. C’est une question de protection vis-à-vis de soi-même!»

Pour soigner l’image de soi, il faut réussir à tirer parti des expériences positives avec l’enfant. Les relater, par exemple, dans un journal de bord afin qu’elles laissent des traces dans la mémoire des parents. On peut proposer à l’enfant de tenir lui aussi un journal de bord.

S’extraire ou se prémunir du burn-out parental dépend aussi des ressources déployées au sein du couple. En période de stress, il est essentiel pour Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak de «préserver ou de booster la satisfaction conjugale, sous peine de tomber très rapidement dans un cercle vicieux où le stress diminue la satisfaction conjugale. Ce qui augmente le stress».

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