La vaccination pour les nuls

12 janvier 2021
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 5 min
"La vaccination" par Muriel Moser. Editions de l’Université de Bruxelles. VP 8 euros
“La vaccination” par Muriel Moser. Editions de l’Université de Bruxelles. VP 8 euros

Vacciner, c’est créer des murs virtuels d’immunité. Particulièrement, dans une économie mondialisée favorisant l’extrême mobilité. De quoi protéger chaque individu, mais surtout les personnes les plus à risque de la société: enfants en bas-âge, personnes immunodéficientes et âgées. Dans son livre « La vaccination », paru aux éditions de l’Université de Bruxelles, la Professeure Muriel Moser, ancienne directrice de recherche FNRS  sur la biologie du système immunitaire, illustre de façon vulgarisée les fondements biologiques et les enjeux sociétaux liés à la vaccination.

Immunité collective via la vaccination …

Si elle est suivie par suffisamment d’individus, la vaccination mène à l’immunité collective. Cela signifie qu’elle protège de la maladie visée les personnes à risque, comme les nouveau-nés avant vaccination, les personnes immunodéficientes à la suite d’une maladie ou d’une greffe, et les seniors dont le système immunitaire est moins efficace.

De plus, la vaccination contribue à l’élimination locale d’une maladie, voire à son éradication planétaire. Ce fut le cas de la variole, qui causa plus de 300 millions de morts entre 1900 et 1977. Le 8 mai 1980, l’OMS déclarait que tous les peuples étaient libérés de la variole.

Pour parvenir à éliminer une maladie, il est impératif qu’un nombre minimal d’individus soient vaccinés. Celui-ci est défini selon le critère R0. « En ce qui concerne le SARS-CoV-2, l’estimation de l’Université d’Oxford suggère un R0 de 2,63, mais les estimations varient entre 0,4 et 4,6 », précise la Pre Moser.

Arrondissons le R0 à 3. « Pour un R0 de 3, l’établissement d’une immunité collective requiert environ 66 % (% = 1-(1/R0)) de protection individuelle, après infection ou vaccination, en se basant sur la supposition que l’infection génère une immunité protectrice. Et le très faible nombre de cas de réinfection au SARS-CoV-2 suggère l’existence d’une immunité. »

Autrement dit, avec un R0 égal à 3, une personne infectée va en contaminer 3 autres, créant de la sorte une épidémie se propageant rapidement dans la population non protégée. Mais si l’immunité collective de 66 % est atteinte, l’infection épargnera les personnes non immunisées de la population.

… ou naturelle ?

« Bien que l’infection naturelle provoque généralement une mémoire immunitaire et une protection dans le temps, l’histoire montre qu’aucune immunité de masse n’a été induite sans vaccin », explique la Pre Moser.

Selon l’OMS, « essayer de parvenir à l’immunité collective en laissant se propager librement un virus dangereux serait problématique du point de vue scientifique et contraire à l’éthique. Laisser le virus circuler au sein des populations, quel que soit leur âge ou leur état de santé, revient à laisser le libre champ à des infections, des souffrances et des décès inutiles ».

« Une immunité collective naturelle s’établirait en effet aux dépens de nombreuses vies humaines. Concernant le SARS-CoV-2, de l’ordre de 80 000 décès en Belgique, selon une estimation », poursuit l’ancienne doyenne de la faculté des sciences de l’ULB.

Un effort de recherche sans précédent

Première grande pandémie du XXIe siècle, la Covid-19 a donné lieu à un investissement en recherche sans précédent. Tant en universités qu’en entreprises pharmaceutiques.

« Le 28 mai 2020, 30 pays et de nombreux partenaires internationaux se sont engagés à soutenir le Covid-19 Technology Access Pool (C-TAP), une initiative visant à rendre tous les tests, vaccins, avancées technologiques accessibles à tous dans le monde entier. Cette collaboration internationale inédite et « ouverte » permet de tester rapidement d’une part des thérapies anti-inflammatoires et d’autre part des candidats vaccins », explique Pre Moser.

En septembre 2020, soit moins de 9 mois après le séquençage du SARS-CoV-2, pas moins de quarante candidats vaccins étaient en cours d’évaluation clinique.

Une technologie pour délivrer l’ARNm

Début janvier, après l’avis favorable rendu par l’Agence européenne des médicaments, la Commission Européenne a donné son feu vert au vaccin conçu par Moderna. Il est ainsi le deuxième à accéder au marché européen, après celui de BioNTech/Pfizer.

Tous deux sont des vaccins à ARN messager (ARNm) (modifié dans le cas de BioNTech) encapsulé dans des nanoparticules de lipides. Ces dernières empêchent la destruction de l’ARNm par des enzymes (ribonucléases extracellulaires) et l’amènent à bon port, à savoir dans le cytoplasme cellulaire. Elles ont fait l’objet d’intenses recherches ces dernières années.

Bloquer l’entrée du virus dans la cellule hôte

« L’ARNm fournit l’information génétique nécessaire à la production des protéines (antigènes viraux, NDLR) contre lesquelles l’hôte doit s’immuniser. Plus particulièrement, elle code pour la protéine entière de la protéine S (pour Spike) du SARS-CoV-2. Cette protéine constitue les spicules du virus et est responsable de sa fixation et de son entrée dans les cellules de l’hôte. Elle induit des anticorps neutralisants et stimule une réponse protectrice contre le SARS-CoV », explique la professeure Moser.

Contrairement aux approches vaccinales classiques, injectant notamment des pathogènes atténués ou inactivés, cette approche novatrice est basée sur l’administration d’un brin d’ARNm particulier du pathogène. Ce qui implique que les cellules de l’individu vacciné, en suivant les instructions de l’ARNm, produisent elles-mêmes l’antigène viral. Concernant leur vaccin à ARNm contre la Covid-19, Moderna et BioNTech/Pfizer annoncent une efficacité de 94,5 % et 95 %, respectivement.

Le fonctionnement d’un vaccin à ARNm from Swissmedic on Vimeo.

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