La fertilité des enfants qui ont été soignés pour une leucémie n’est pas aussi bonne que celle rencontrée dans la population générale. C’est là un des principaux enseignements de l’étude rétrospective réalisée par le Dr Caroline Piette, médecin oncologue et hématologue pédiatrique à l’hôpital de la Citadelle, à Liège.
« On estime aujourd’hui qu’un enfant sur 600 développera un cancer avant l’âge de 15 ans », explique la scientifique. « En Belgique, cela concerne environ 325 enfants par an”. Parmi les types de cancer diagnostiqués, la leucémie est le cancer le plus fréquent (31% des cas).
« Dans les années 1970, le taux de survie à 10 ans des jeunes patients leucémiques n’était que de 15%. Actuellement, on en est à plus de 85%», a-t-elle expliqué lors du dernier sommet scientifique consacré à la survie après le cancer. Un sommet organisé par l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (EORTC), basée à Bruxelles.
C’est la bonne nouvelle. Ce type de cancer se soigne de mieux en mieux. Mais qu’en est-il de la qualité de vie des «survivants»? Cette thématique était au centre du sommet de l’EORTC. Y compris la question de la fertilité ultérieure des enfants leucémiques.
Impact à long terme sur la qualité de vie
« Les traitements sont divers », précise l’oncologue pédiatrique. « Le plus fréquent est la chimiothérapie, mais il y a aussi la radiothérapie de la tête, voire du corps entier ». Toutes ces options thérapeutiques peuvent avoir un impact sur la qualité de vie des jeunes patients, la gestion des effets secondaires et les séquelles à long terme. C’est là un des défis que les médecins ont à relever en oncologie pédiatrique. La question de la fertilité devient dans ce cadre un problème à prendre davantage en compte.
« C’est évidemment assez complexe. La question de la fertilité, ou de l’infertilité, concerne les systèmes endocrinien et reproductif des patients. Mais aussi des critères socioculturels », précise le Dr Piette.
« Notre étude a porté sur des patients traités pour une leucémie entre 1971 et 1998 dans une vingtaine d’institutions en France et en Belgique. Au total, on dénombrait 3228 patients, entrant dans nos critères, dans les trois études EORTC plus vastes sur lesquelles nous avons travaillé.
En affinant ces critères, il ne restait plus que 1429 patients auxquels un questionnaire spécifique a été envoyé. Le constat? De ce questionnaire, qui n’a été rempli que par 502 patients, il ressort que 75% des femmes ont pu concevoir un enfant. Un chiffre qui passe à 72% pour les hommes qui souhaitaient devenir pères. “Ces chiffres qui sont un peu moins élevés que ceux rencontrés dans la population générale”, souligne le médecin.
Désescalade thérapeutique
“Ces chiffres nous livrent une tendance. Ils ne nous permettent pas de tirer de conclusions définitives”, souligne la spécialiste. “Des études complémentaires sont nécessaires. Par contre, notre étude a le mérite de pointer un des problèmes de qualité de vie auquel les anciens patients risquent d’être confrontés sur le long terme. Pour les médecins, cette problématique doit nous amener à réfléchir à nos traitements. L’idée étant de mieux cibler les types de traitements, leur agressivité, leur durée en fonction de chaque diagnostic, de chaque pronostic. On parle, dans les cas les plus favorables, de désescalade thérapeutique”.
Droit à l’oubli
C’est là un des axes de réflexion de l’EORTC. Comment assurer une meilleure qualité de vie aux « survivants » de cancers. La question de la leucémie infantile et des problèmes ultérieurs de fertilité en est un exemple.
Mais d’autres thématiques, davantage socio-économiques, sont également étudiées. Par exemple le droit à l’oubli… Ce droit à ne pas devoir mentionner, dix ans par exemple après un traitement concluant, l’existence d’un ancien cancer quand on sollicite un prêt bancaire ou qu’on soumet sa candidature à un nouvel emploi. La qualité de vie des survivants passe aussi par une absence de discrimination…