Si elles n’étaient qu’une poignée à siéger au Parlement après les 1res élections européennes de 1979, les femmes représentent aujourd’hui près de 40% des eurodéputés. Cet hémicycle est ainsi plus féminisé que la plupart des Parlements nationaux. Pour autant, il reste difficile pour elles d’y occuper des positions d’influence. C’est en tout cas ce que révèlent les recherches de Sophie Kopsch, doctorante FNRS au pôle politique et société de l’institut de recherche Transition de l’UNamur.
Une lasagne décisionnelle
« Ma thèse s’intéresse à l’évolution dans l’accès à trois postes haut placés : présidente de commission parlementaire, coordinatrice de commission, et rapporteuse de commission », fait savoir Sophie Kopsch.
Pour rappel, le Parlement de l’UE dénombre 751 députés, élus par les citoyens des 27 Etats membres. Leur mission : voter les lois proposées par la Commission européenne. Au préalable, les textes sont étudiés, et éventuellement modifiés, au sein des 20 commissions que comprend l’assemblée.
Chaque commission est dirigée par un-e Président-e, choisi-e par ses membres. Ceux-ci sont désignés par les groupes politiques, qui assignent aux commissions un certain nombre de députés, selon le nombre de sièges dont ils disposent au Parlement.
Par ailleurs, ces groupes politiques nomment un coordinateur ou une coordinatrice qui jouera le rôle de porte-parole. Ce sont eux qui choisissent le rapporteur ou la rapporteuse de commission, qui a pour tâche de rédiger un rapport sur le texte étudié par la commission. Un rapport sur lequel se baseront les eurodéputés pour voter favorablement, ou non, un projet de loi.
7 Présidentes pour 16 Présidents
En analysant la carrière politique des 3.654 eurodéputés qui ont siégé entre 1979 et 2019, Sophie Kopsch a constaté une évolution positive dans l’attribution de ces fonctions importantes à des femmes, proportionnellement au nombre d’eurodéputées élues. A une exception près : le poste de Présidente de commission.
« Seul un tiers de ces postes est alloué à des femmes », précise le Pr Jérémy Dodeigne, Président de l’institut de recherches Transitions et promoteur de la thèse en cours. Aussi, sur les 20 commissions et 3 sous-commissions parlementaires que compte le Parlement de l’UE, 7 sont actuellement présidées par des femmes.
« Elles restent néanmoins plutôt bien représentées, puisque 38% du Parlement européen est composé de femmes parlementaires. Même si on est loin de la parité, le fait d’être une femme ne réduit donc pas la probabilité d’être désignée Présidente de commission, ce qui est un résultat fondamental », ajoute-t-il.
Une répartition genrée des compétences
D’après la doctorante et son promoteur, le problème n’est pas tant la sous-représentation des femmes à ces positions d’influence, mais que leur nomination se réalise, souvent, selon un schéma genré. « Nous avons effectivement noté que certaines commissions, et les postes importants en leur sein, sont plus difficiles d’accès aux femmes », constate la doctorante.
La commission du « budget », des « affaires étrangères », ou encore celle du « commerce international », restent majoritairement présidées par des hommes. Quand la commission des « pétitions », ou celle des « libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures », incluent surtout des femmes.
« C’est aussi quelque chose qu’on remarque au niveau national dans la distribution des portefeuilles ministériels », rappelle le Pr Dodeigne. « Les ministères des Affaires sociales ou de l’Enseignement sont typiquement allouées aux femmes ministres, alors que ceux des Affaires étrangères ou de la Défense sont généralement réservés aux hommes. »
Des pratiques politiques à revoir
Au sein du Parlement européen, ce déséquilibre serait à imputer aux pratiques internes des partis et des commissions. « On sait, grâce à d’autres recherches, que certaines pratiques sont très genrées, voire machistes », signale le Pr Dodeigne.
La suite de l’étude visera à déterminer par quels mécanismes et critères ces coordinateurs, rapporteurs et présidents de commissions sont sélectionnés. « Bien qu’il existe des règles, ces processus de nominations sont encore très opaques », note la chercheuse.
A terme, cette étude permettra d’identifier et, surtout, de dénoncer les éventuels dysfonctionnements qui conduisent à attribuer, ou non, certains postes de pouvoir aux femmes, sur base de stéréotypes de genre.