Malaise infirmier : et si on rebaptisait la profession?

8 mai 2017
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 3 min

Le constat, en Belgique, est limpide. « Vers l’âge de 50 ans, on assiste à un arrêt massif des carrières des infirmières », indique Céline Decleire, doctorante en sociologie à l’Université de Namur et assistante à l’Université Saint-Louis (Bruxelles). « Et ce ne sont pas des problèmes musculo-squelettiques qui poussent ces professionnelles à écourter leur carrière. Le malaise est plus profond ».

 

Une situation préoccupante, alors qu’avec une population vieillissante, les besoins en soins infirmiers se font de plus en plus grands. « Du côté d’Actiris et du Forem, la pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur est avérée », souligne la chercheuse.

 

Une thèse en co-promotion

 

Le métier devient-il trop lourd? Est-il trop frappé par un manque de considération? S’agit-il d’un problème de valorisation financière?

 

La thèse qu’elle est en passe de boucler, réalisée en co-promotion au sein de ces deux universités, porte sur les causes de ce malaise infirmier. Pour le cerner, la chercheuse s’est nourrie d’une part des résultats belges de l’enquête NEXT (Nurses’ Early Exit), menée dans les années 2000 en Europe, mais aussi d’un travail qualitatif réalisé auprès de quelques dizaines de professionnelles en Belgique francophone.

 
L’avis des infirmières hospitalières

 

« J’ai mené des interviews approfondies avec des infirmiers et des infirmières travaillant en milieu hospitalier, qui disposent déjà d’une bonne expérience du métier, et qui sont toujours actifs au sein d’un hôpital », précise Céline Decleire.

 

Pas question donc de professionnelles qui ont finalement quitté le métier, ni d’infirmier(e)s œuvrant au sein d’une structure de soins à domicile ou dans une maison de repos, par exemple.

 

Le décor étant planté, que livre comme enseignements le travail de la doctorante?

 

« Ce ne sont pas des considérations économiques qui poussent les infirmières hospitalières belges à interrompre précocement leur carrière », souligne d’emblée Céline Decleire. « Les salaires et les primes disponibles pour le travail de nuit, de week-end, etc. assurent un niveau de revenus correct », expliquait-elle lors du dernier séminaire du Centre d’Études Sociologiques de l’Université Saint-Louis.

 

Perte de sens et conflit intergénérationnel

 

Les principaux griefs évoqués portent davantage sur le manque de considération de leur travail, sur les relations parfois difficiles avec les médecins, sur la surcharge de travail liée notamment aux avancées technologiques ou aux logiques économiques qui desservent les soins.

 
« Mais aussi sur un conflit intergénérationnel », indique Céline Decleire. Les « anciennes » n’étant plus nécessairement en phase avec la conception du métier qu’en ont les plus jeunes. C’est le sens même de leur travail qui est ici remis en question. Il y a confrontation de modèles professionnels. Avec des stratégies de résistance. Les jeunes ne sont engagées qu’au compte-goutte, afin d’assurer la survie d’une certaine conception du métier, suivant une sorte de compagnonnage ».

 
Cesser d’idéaliser le métier

 
Pour surmonter le malaise infirmier, Céline Decleire évoque l’approche suisse proposée par le sociologue Michel Nadot.

 

« Le métier d’infirmier(e) est un métier d’opérateur de soins de santé comme un autre », analyse-t-elle. « Il véhicule par contre toujours une image différente, irrationnelle, idéalisante, touchante. Sans en pervertir le sens, au risque sinon d’entraîner déception et tristesse, Michel Nadot propose de renommer les sciences infirmières en « médiologie de la santé ». Une approche qui rappelle que ce métier se situe bien au centre de différents styles de relations dans le domaine de la santé, tout en lui conservant son sens », conclut Céline Decleire.

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