L’étude est suisse, mais elle ne manquera pas de retenir l’attention des amateurs de ski alpin, largement privés de leur sport de glisse favori cette année, y compris en Belgique. Selon le Dr Ivan Lunati, de l’Empa, l’Institut interdisciplinaire (suisse) de recherche en sciences des matériaux, le risque de contagion par un virus comme le SARS-CoV-2 serait moins important dans une cabine de téléphérique que dans un bureau.
Bien entendu, le chercheur, responsable du laboratoire d’études multi-échelles en physique du bâtiment, nuance son propos. « Cela dépend de la taille des cabines, du type de système de ventilation, de la durée passée dans cet espace confiné », explique-t-il en substance.
Le taux de CO2 comme indicateur
C’est plus précisément la question du renouvellement de l’air dans les cabines qu’il a étudié. On sait que la ventilation dans un espace clos est importante pour limiter les risques de propagation du virus. C’est pour cela que l’aération régulière dans les salles de classe est recommandée, que les rames de métro à Bruxelles roulent avec leurs (petites) fenêtres ouvertes ou encore que la mesure du taux de CO2 dans l’air sera imposée dans les salons de coiffure en Belgique dès leur réouverture le 13 février prochain. Quand trop de CO2 s’accumule dans un espace, il est temps d’aérer.
En ce qui concerne les risques de contamination potentielle dans une cabine de téléphérique, c’est également la mesure du taux de CO2 qui a servi d’étalon au chercheur de l’Empa.
Trois types de cabines de téléphérique ont retenu son attention: des cabines au volume allant de 5 m³ à un peu moins de 50 m³, et susceptibles de transporter de 8 à 80 personnes. Dans la situation la moins favorable, il a constaté que l’air n’était renouvelé que 42 fois par heure dans la cabine. Dans le meilleur des cas, pour les cabines disposant de fenêtres (ouvertes) des deux côtés opposés, ce taux passe à 180 renouvellements par heure.
Bonne ventilation
À première vue, le chiffre de 42 renouvellements d’air par heure peut sembler faible. Une comparaison avec d’autres espaces intérieurs permet de fixer les idées. « Dans un wagon de chemin de fer, il y a sept à quatorze changements d’air par heure », indique le chercheur. Dans un bureau moyen de deux personnes, il ne relève qu’un seul changement d’air par heure.
Alors que dans les cabines de téléphérique, l’ouverture des fenêtres ouvertes contribue à réduire le risque de concentrations d’aérosols, qu’en est-il du taux d’émission d’agents pathogènes ? « Certaines propriétés du Sars-CoV-2 ne sont pas encore claires », estime le Dr Lunati. « En outre, on sait que le taux d’émission dépend du comportement d’une personne infectée. Respire-t-elle calmement, ou est-elle essouflée ? Rit-elle ? Parle-t-elle ? Et si oui, fortement ou doucement ? »
Moins de risque qu’au bureau
Afin de se rapprocher le plus possible de la réalité, les chercheurs suisses ont amélioré divers modèles de calcul pour estimer les infections. Ils ont tenu compte de différents facteurs, comme la propagation du virus dans la population générale, le temps nécessaire aux agents pathogènes pour devenir inactifs, la durée passée dans un espace clos, etc.
Selon leurs estimations, comparé à un repas partagé par 8 personnes parlant fort, dans une salle de 30 m2, le trajet effectué dans une petite cabine de téléphérique avec ses deux fenêtres ouvertes présenterait moins de risques de contamination.
« Ce risque d’infection, lors d’un voyage de 12 minutes en télécabine de petite taille serait aussi beaucoup plus faible que lors d’une journée de travail de 8 heures dans un bureau de 20 m2 occupé par deux personnes, où l’air n’est renouvelé qu’une fois par heure », martèlent-ils.
Une étude « sans » masque
Cette étude ne s’intéresse qu’à un seul des aspects « techniques » des sports d’hiver : les télécabines. Elle ne prend pas en compte les télésièges, ouverts à tous les vents. Ni les risques de contamination dans les gares d’embarquement, les salles hors sac, les restaurants et buvettes d’altitude ou en station. Elle ne prend pas non plus en compte l’impact du port d’un masque.
Les estimations des chercheurs de l’Empa ont, en effet, été initialement conçues pour le cas de skieurs ne portant pas de masque. « Lorsqu’ils sont portés correctement, les masques réduisent le risque de contamination. Et ce, en fonction de leur performance de filtrage respective. Ils protègent très bien, surtout contre la transmission de grosses gouttelettes », explique Ivan Lunati.
Un générateur de toux embarqué
À l’avenir, les chercheurs de l’Empa ont l’intention d’affiner leurs modèles. Ils souhaitent améliorer les données concernant la propagation du virus avec un appareil générateur de toux, développé dans leur laboratoire.
« À partir de deux cylindres, comparables à des poumons, de l’air comprimé spécial est amené par des tuyaux dans une “tête” chauffée à la température du corps. Il est enrichi d’humidité et de gouttelettes, dont la propagation est ensuite enregistrée par deux caméras. Ce dispositif devrait permettre de tester l’impact des masques de protection », conclut l’Empa.