Tout à côté de la gare de Charleroi-sud, l’avenir énergétique des réseaux ferrés en Belgique, en Europe et bien au-delà encore, est une préoccupation quotidienne. Chez Alstom, quelque 100 ingénieurs planchent en continu sur les nouvelles solutions qui rendront les trains et les trams de demain plus sobres, mais également plus sûrs.
« Et ce autant en ce qui concerne l’électronique de puissance qui permet de faire avancer les véhicules que la basse tension nécessaire à la signalisation » précise Marcel Miller, le « patron » d’Alstom Belgique.
Nouvelles solutions technologiques
Son entreprise vient d’empocher 8,2 millions de subsides de la Région Wallonne pour son projet de recherche ATLAS. De son côté, l’entreprise consacre chaque année, en Belgique une vingtaine de millions à sa R&D. Rien que pour ATLAS, elle complétera le subside wallon par 32 millions de fonds propres.
ATLAS vise en réalité à développer des solutions technologiques inédites dans les systèmes de gestion du trafic ferroviaire. Il est donc question avant tout de la sécurité.
Standards européens
« Cela cadre avec le standard ERTMS », précise Michel Rousseau, directeur de l’Innovation chez Alstom. L’ERTMS (European rail trafic management system) est un concept qui remonte aux années 1990. Au fil des années, et avec notre participation active, il s’est mué en standard international. »
ERTMS est un système de gestion européen global du réseau ferroviaire, commun et interopérable. « C’est un projet à long terme dont deux volets sont actuellement devenus des réalités de terrain », précise Michel Rousseau. « Il s‘agit de l’ETCS, soit l’European train control system, qui assure la sécurisation des trains contre le franchissement de feux ou les dépassements de vitesse, et le GSM spécifique au réseau ferroviaire qui fonctionne dans des bandes de fréquences réservées ».
Ecoutez Michel Rousseau, directeur de l’Innovation chez Alstom Charleroi, analyser les enjeux du programme de recherche ATLAS
Un rail plus vert
L’entreprise implantée à Charleroi est aux commandes d’autres programmes de recherche. Deux exemples: Greenrail II et Inograms. Ces programmes soutenus par la Région wallonne mêlent l’expertise de l’industriel avec celle des universités (ULg, UMons, Namur et UCL) et le savoir-faire de PME, qui développent par la même occasion leurs compétences dans des niches technologiques.
« Cette complémentarité avec les PME est très importante », souligne le Ministre Marcourt. « Cela permet à nos petites entreprises de se positionner ensuite pour des marchés plus importants. Seules, elles n’y auraient sans doute pas accès ». On se souviendra de l’exemple de Calyos, une PME de Nivelles, issue de la société EHP, elle-même spin-off de l’Université Libre de Bruxelles. (Voir « Le métro parisien rafraîchit par une technologie spatiale belge »).
Ecodriving et fibres optiques
Avec Greenrail II et Inograms, c’est la carte des économies d’énergies qui est jouée. Greenrail II a permis d’élaborer des algorithmes d’écodriving pour la gestion du trafic et pour les conducteurs de train. La mise au point de cette automatisation partielle a déjà permis aux opérateurs de réaliser de belles économies: « 21 millions d’euros d’économies par an », souligne Marcel Miller, président d’Alstom Belgique.
Améliorer l’efficience énergétique passe par la manière dont on conduit les trains. Cette amélioration passe aussi par la modernisation de la signalisation. Les câbles en cuivre qui relient les systèmes de gestion du réseau sont progressivement remplacés par des fibres optiques. Outre l’économie de six tonnes de cuivre par 100 kilomètres de voie, cette nouvelle technologie permet aussi d’économiser 90% des besoins en énergie. « Les effets leviers sur les coûts d’exploitation sont importants », insiste Marcel Miller.
Du métro de Londres aux trams de Sidney
Et demain? L’avenir se dessine déjà. Notamment pour les transports urbains. Une meilleure utilisation de l’énergie passe aussi par de nouvelles manières de distribution de celle-ci.
Le système HESOP, élaboré par l’industriel, vise par exemple à récupérer une grande partie de l’énergie de freinage des trams et des métros. Plutôt que de simplement la dissiper, et donc la gaspiller, l’industriel travaille sur un système qui redistribue cette énergie sur le réseau, au bénéfice d’autres trams sur la ligne. Le métro de Londres, celui de Milan ou encore le tram de Sidney utilisent déjà cette innovation qui permet une récupération, à 99%, de l’énergie. Ici aussi, cela se traduit par des économies en énergie pour les opérateurs mais également en réduction d’émissions de CO2.
Le système HESOP
La R&D publique wallonne en mutation
Lors de sa visite à Charleroi, le ministre Jean-Claude Marcourt a rappelé l’évolution du soutien de la Région à la R&D des entreprises wallonnes.
De 2008 à 2013, la Wallonie y a consacré 130 millions par an.
En 2014, ce budget a explosé : 295 millions étaient disponibles.
En 2015, l’effort public wallon avoisinera les 220 millions.
Le Ministre de l’Economie, de l’Industrie de l’Innovation et du Numérique en Wallonie qui est désormais également Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles a aussi annoncé une refonte du mode de financement de la R&D dans la région.
« On passe d’une logique top-down à une approche bottom-up », a-t-il dit. « L’initiative va être laissée aux entreprises, seules ou en association avec une ou plusieurs universités. Nous allons aussi financer à l’avenir des infrastructures, y compris des bâtiments. De même, nous allons aussi financer des équipements exceptionnels. L’innovation concernée ne devra pas exclusivement porter sur des produits ou sur la technologie. Pour prétendre à un financement wallon, elle peut très bien aussi porter sur des process, des procédés ».