Transparence et sélectivité, la recette des banques éthiques

9 mai 2016
par Adrien Dewez
Durée de lecture : 4 min

Les adjectifs d’« éthique » et « social » ne sont pas ceux qu’on accole généralement à l’institution bancaire. Surtout depuis la crise de 2008. Réaliser des bénéfices n’oblige-t-il pas à mettre de côté certains principes? Pourtant, les banques solidaires existent voire se développent depuis quelques années. Comment font-elles?

 

rentabilite banques solidaires

 

Le secteur bancaire européen, dépouillé des grands groupes financiers, est riche et diversifié. Il existe pas moins de 5.000 institutions de ce type en Europe. Trois chercheurs, un Français, une Belge (le Pr Ariane Szafarz, ULB) et un Finlandais, les ont passées à la loupe. Leur but? Comprendre les banques dites « solidaires ». Il en existe une trentaine sur le vieux continent.

 

Le choix du citoyen

 

Une banque éthique se base sur deux critères. « La transparence et la sélectivité », explique Simon Cornée, chercheur à l’université de Rennes (France). « Ces deux critères expliquent que des épargnants placent leur argent dans des institutions qui proposent des taux d’intérêt moins élevés que leurs concurrents classiques ».

 

« La transparence suppose que les opérations réalisées par la banque soient les plus simples possible de manière à clarifier l’usage qu’elles font de l’argent des épargnants »,  précise-t-il. « Il n’est pas rare qu’elles disent dans quels secteurs elles investissent ou qu’elles publient une liste des emprunteurs ».

 

Une philosophie filtrante

 

L’épargnant sait vers quels types d’investissements son argent est utilisé. Triodos, l’une des banques éthiques présentes en Belgique, à l’instar de New B ou Crelan, met en ce moment à l’honneur l’immobilier durable. Tout en insistant sur sa rentabilité.

 

Ce qui nous amène à la sélectivité. « Une banque sociale mobilise des filtres pour sélectionner les projets qu’elle finance. Dans le cas d’une banque solidaire, nous avons observé un double filtre, financier d’abord, à l’instar des institutions financières classiques qui demandent des éléments démontrant la viabilité économique du projet ainsi qu’un filtre social », indique Simon Cornée. « L’impact sociétal d’une demande de crédit auprès de ces banques doit donc être clairement démontré ».

 

L’éthique, un bon client

Le filtre social reflète d’une certaine manière la philosophie de la banque, souvent inscrite dans sa charte. Un entrepreneur qui souhaite emprunter, et par là mobiliser l’argent des épargnants, doit donc coller à une série de valeurs. En analysant les données de ces institutions, les chercheurs ont remarqué que « plus un projet économique génère un impact sur la société et plus il colle aux valeurs de la banque, plus son taux d’intérêt sera bas. Et, en règle générale, les emprunteurs les plus sociaux sont d’ailleurs ceux qui remboursent le mieux leur emprunt ».

 

Ces deux critères, la sélectivité – les valeurs – et la transparence expliquent pourquoi les épargnants renoncent à un meilleur bénéfice. Intéressants sur le papier, ces deux principes peuvent pourtant conduire à une impasse.

 

« Plus la sélectivité est contraignante, moins la banque va trouver des projets sociétaux et solides financièrement », détaille Panu Kalmi chercheur à l’université de Vaasa en Finlande. « Celle-ci va avoir du mal à utiliser efficacement l’argent des épargnants. À terme, elle devra se retourner vers le système interbancaire » pour placer l’argent des épargnants ».

 

Le système interbancaire n’est pas de nature transparente. La banque éthique se retrouve confrontée à chercher le juste milieu si cher aux épicuriens: savoir proposer la juste mesure de valeurs à respecter afin d’accueillir suffisamment d’emprunteurs et, par là, garantir la transparence aux épargnants.

 

À la recherche de l’entrepreneur social

 

« Les banques solidaires d’aujourd’hui peuvent faire penser aux banques coopératives nées il y a un siècle environ. Avec le temps, ces dernières ont eu tendance à se banaliser et ressembler aux banques classiques. Le phénomène des banques éthiques, depuis les années 1980, tend vraisemblablement à régénérer, revitaliser, le concept de ces banques coopératives », détaille Simon Cornée.

 

La conclusion de ce travail, qui s’est vu décerner le Samuel Warren Prize, s’adresse à tous les entrepreneurs et créateurs sociétaux, durables ou culturels. Bref, tous ceux qui souhaitent développer une idée dotée d’un impact sociétal.

 

 

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