Eskers, en Suède. photo CC BY 2.0
Eskers, en Suède. photo CC BY 2.0

D’imposants serpents de sédiments se faufilent sous la glace

9 mai 2017
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Non loin de la Station de recherche belge « Princess Elisabeth »,  en Antarctique, le relief « rocheux » se façonne de manière étonnante depuis des milliers d’années. Ce ne sera que lorsque la glace fondra que ces structures apparaitront. Elles ressembleront alors à certains des paysages actuels de Scandinavie et d’Amérique du Nord. Des paysages riches en « eskers ».

 

« Il s’agit de reliefs résultant de l’accumulation de sédiments sous la glace en mouvement », explique le Pr Frank Pattyn, codirecteur du laboratoire de glaciologie de l’Université Libre de Bruxelles (ULB).  

 
Formés par le dépôt de sédiments

 
Ces « serpents de roche » (on parle plus exactement de « crêtes sédimentaires » dans le jargon) n’avaient jusqu’à aujourd’hui jamais été observés sous une calotte contemporaine. « Parce que la glace, qui est épaisse de plusieurs kilomètres en Antarctique, rend leur observation très difficile. C’est désormais chose faite, grâce aux recherches du Dr Reinhard Drews, un des chercheurs du Laboratoire de glaciologie de l’ULB. Il a étudié la structure de la glace antarctique lors de l’été austral 2015-2016 et a mis au jour l’existence de ces eskers  « du Sud », précise-t-on à l’ULB.

 

C’est en étudiant un système de chenaux sous-glaciaires que les scientifiques ont finalement pu identifier ces discrets eskers. Les observations géophysiques menées par le Laboratoire de Glaciologie de l’ULB montrent que ces chenaux s’élargissent de plus en plus à l’approche de l’océan. Et quand ils s’élargissent, la vitesse d’écoulement de l’eau de fonte diminue. Ce qui force ainsi les sédiments en suspension à se déposer à la sortie des chenaux. 

 

Des crêtes de plusieurs centaines de mètres de haut

 

« Maintenu sur plusieurs milliers d’années, ce processus construit d’énormes crêtes sédimentaires. Sous la glace, ces « serpents de sédiments » peuvent atteindre une hauteur comparable à la tour Eiffel.

 

« Les travaux du Dr Drews montrent deux choses importantes », insiste le Pr Pattyn. « D’une part, nous observons un phénomène actif, ce qui n’est plus le cas dans les paysages déglacés de l’hémisphère nord, et d’autre part, nous identifions en Antarctique des structures cinq fois plus hautes ».

 

Travail de sape

 

En évoluant, les crêtes sédimentaires entaillent la glace qui s’écoule par-dessus. Ces entailles se déplacent ensuite avec la glace et deviendront plus tard des «sillons» dans les plateformes de glace flottante. La glace au niveau de ces sillons est jusqu’à deux fois plus fine que dans ses alentours, rendant ceux-ci potentiellement très vulnérables à la fonte océanique.

 

Les chercheurs pensaient auparavant que les sillons de plateformes de glace étaient exclusivement creusés au contact de l’océan, mais il semble désormais clair que d’autres facteurs entrent en jeu.

 

« Notre étude montre que les sillons dans les plateformes de glace sont déjà initiés sur le continent, et que leur taille dépend fortement des processus de sédimentation qui ont lieu des centaines, voire des milliers d’années auparavant », explique le Dr Reinhard Drews.

 

Ce nouveau lien entre système hydrologique sous-glaciaire, sédimentation active et stabilité des plateformes de glace ouvre la voie à une nouvelle compréhension des mécanismes en jeu sous la calotte antarctique. Elle aide aussi les chercheurs à mieux reconstituer l’étendue des calottes de l’hémisphère nord au cours des dernières périodes glaciaires.

 

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