Quand les ondes du sommeil s’entrechoquent, le cerveau perd la mémoire

9 juin 2022
Par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Dormir est important pour la mémoire. Cela est connu depuis longtemps. Plus récemment, la recherche a mis en avant que le sommeil pourrait contribuer à l’évolution des changements de la structure du cerveau qui nous poussent vers la maladie d’Alzheimer. Le sommeil participe, en effet, à l’élimination des résidus du fonctionnement cérébral, y compris les protéines considérées par la communauté scientifique comme étant à la base de la pathologie Alzheimer. L’accumulation de ces protéines (bêta-amyloïde et tau) perturbe en retour le sommeil dans une relation bidirectionnelle.

Des chercheurs du Centre de Recherche du Cyclotron/In Vivo Imaging de l’Institut GIGA à l’ULiège (GIGA-CRC-IVI) viennent de démontrer que la coalescence des oscillations cérébrales durant le sommeil était liée à l’accumulation précoce de protéine bêta amyloïde dans le cerveau ainsi qu’à la mémoire.

Couplage prédictif

L’activité du cerveau du patient endormi est étudiée via un électroencéphalogramme (EEG). Il est connu que les fuseaux du sommeil (ensemble d’ondes dont la fréquence est située entre 12 et 14 hertz ) et les ondes lentes sont les deux types d’oscillations dominantes du stade 2 du sommeil, dit « lent ». Celui-ci constitue environ 70% du temps total de sommeil. Les deux oscillations participent aux fonctions de récupération et de solidification de la mémoire.

Ce que l’équipe du Dr Gilles Vandewalle et de ses collègues au GIGA-CRC-IVI vient de montrer est que le couplage précis des fuseaux et des ondes lentes est altéré lorsque la protéine amyloïde bêta commence à s’accumuler chez des personnes âgées de 50 à 70 ans dépourvues de tout problème cognitif.

Si les fuseaux arrivent trop tôt sur les ondes lentes, c’est une indication qu’il y a plus de protéine amyloïde dans le cerveau. Les résultats indiquent aussi que si les fuseaux arrivent trop tôt sur les ondes lentes, les performances de mémorisation des volontaires qui seront mesurées deux ans plus tard seront moins bonnes.

Ce couplage a donc une valeur prédictive du devenir cognitif d’un individu et pourrait donc contribuer à un vieillissement pathologique.

Détecter la maladie avant l’expression des symptômes

« La médecine reste largement démunie face à maladie d’Alzheimer pour laquelle aucune solution thérapeutique curative n’existe. On sait cependant que les processus qui amènent à cette maladie, c’est-à-dire l’accumulation de protéines « toxiques » pour le cerveau et la perte de synapses, commencent des décennies avant l’apparition des symptômes. L’enjeu des essais cliniques actuels est donc de tester chez des personnes à risques, détectées le plus loin possible en amont de la maladie, si une intervention médicamenteuse ou comportementale peut prévenir ou retarder l’arrivée des symptômes », explique Gilles Vandewalle.

La recherche du GIGA-CRC-IVI, menée en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Montréal, apporte un éclairage nouveau sur le lien entre sommeil, cognition et maladie d’Alzheimer. Elle pourrait permettre de détecter très tôt les individus à risques de développer la maladie, de les inclure dans des projets cliniques et, à terme, de mieux les prendre en charge pour prévenir ou retarder la maladie.

D’autres recherches permettront de savoir si améliorer la qualité du sommeil peut aider à ralentir le processus, voire même à l’inverser.

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