18%. C’est en moyenne le pourcentage de filles inscrites dans la filière d’ingénieur civil dans les différentes universités francophones de Belgique. Lola Damski et Lola Wajskop en ont fait partie. Ravies d’avoir fait ce choix d’études, elles ont voulu faire quelque chose pour augmenter le nombre de filles en Polytech. « C’était pour nous un juste retour des choses », indique Lola Wajskop.
L’an dernier, alors qu’elles étaient en deuxième année de master à l’Ecole polytechnique de Bruxelles, elles ont donc décidé d’organiser une conférence afin de sensibiliser les étudiantes de l’enseignement secondaire. Les retours ont été tellement positifs que les deux jeunes femmes vont à nouveau en organiser.
La première fut organisée en février 2016. L’un des objectifs de « Yes she can » – du nom de leur initiative – était d’expliquer aux étudiantes ce que sont les études d’ingénieurs. « Ce sont des études qui changent beaucoup avec le temps. Nous-mêmes, lorsque nous avons commencé, ne savions pas exactement en quoi elles consistaient », se rappelle Lola.
Polytech? Tu es sûre?
« L’idée de la conférence était aussi que les étudiantes puissent associer des visages féminins au métier d’ingénieur », poursuit-elle.
Les deux Lola ont donc demandé à des femmes ingénieures issues d’entreprises partenaires de venir témoigner. Etaient conviés à la conférence tant les filles que les garçons ainsi que les familles, les professeurs…
« Au plus les gens sont au courant, au plus les mentalités vont changer, déclare Lola Wajskop. Avec Lola, quand on était en secondaire et qu’on disait aux gens qu’on allait faire Polytech, on nous répondait : tu es sûre ? Ce ne sont pas des études pour les filles. Le but de notre démarche est qu’à l’avenir, à une fille qui dit qu’elle veut faire Polytech, on lui réponde : « ah cool ! », comme pour n’importe quel type d’études ».
Et de poursuivre : « Certains nous disent : pourquoi est-ce important qu’il y ait davantage de filles ingénieurs ? Peut-être qu’elles n’aiment pas ce genre de filière. Nous sommes persuadées que la société ne nous a pas menées vers les mêmes choses alors que rien ne justifie cette différence. Nous avons le même cerveau », souligne Lola.
Une filière, de multiples métiers
Les deux jeunes ingénieures, qui ont étudié dans la même école secondaire, ont eu la chance d’avoir un professeur de mathématiques qui les a « boostées à fond », confie Lola Wajskop. « Si je n’avais pas eu ce professeur, je n’aurais peut-être pas fait ces études-là. On me conseillait plutôt de faire Solvay. Mais l’avantage des études de Polytech, c’est qu’elles sont très ouvertes. Les gens imaginent les ingénieurs avec des casques de chantier sur la tête mais avec les nouvelles technologies, le biomédical… on est loin du béton », raconte Lola Wajskop.
Parmi ses ami(e)s, il y en a qui travaillent dans l’aéronautique, dans l’industrie automobile, dans la chimie et la pharmacie. D’autres élaborent des prothèses de hanche ou des machines capables d’assister les chirurgiens.
C’est ce large spectre qui a attiré Lola Wajskop vers les études d’ingénieur. « J’ai plutôt un esprit analytique et j’aime résoudre des problèmes. Mon professeur m’a dit : fais Polytech, tu auras de bonnes connaissances et tu ne te fermes pas de portes », se rappelle-t-elle.
Sensibiliser les écoles et les entreprises
Les deux Lola ne regrettent pas une seconde leur choix et espèrent convaincre d’autres filles de franchir le pas. Grâce à leur conférence organisée cette année aux alentours du 8 mars, journée internationale de la femme. Elles visent les étudiant(e)s de 5ème et 6ème secondaire car « c’est à partir de la 5ème qu’on a commencé à penser à ce qu’on allait faire », note Lola Wajskop. « On pense que c’est là que se situe le problème même si le travail devrait commencer plus tôt, dès la maternelle. Mais nous faisons ce qu’on peut à notre échelle », déclare-t-elle.
Une amie et diplômée en même temps qu’elle a rejoint l’aventure de « Yes she can » Livia va plutôt se concentrer sur les entreprises. « Une fille ingénieure, qui elle est sur les chantiers avec son casque, nous a raconté avoir reçu des fleurs de la part de son patron le jour de la fête des secrétaires ! Alors qu’elle est ingénieure ! », confie Lola Wajskop. Il y a donc aussi du travail à mener à ce niveau-là. « Les choses évoluent dans les grosses boîtes américaines par exemple qui ont une politique du genre, mais en Belgique il y a encore des choses à faire. Je ne crois pas que ce soit par méchanceté, c’est juste vieux jeu », estime-t-elle.
Un recrutement en pleine évolution
Au niveau du recrutement par contre, les choses ont changé. Les femmes ingénieures trouvent facilement du travail car les entreprises savent qu’elles seront complémentaires aux hommes dans les équipes. « Je rêve qu’à la sortie des études, il y ait autant de femmes que d’hommes car ce n’est pas très agréable en tant que femme de se dire qu’on a peut-être été engagée à un poste parce qu’on est une fille. Je n’ai pas envie d’être engagée pour une question de quota », clame-t-elle.
Pour cela, les campagnes de sensibilisation doivent continuer. C’est ce qui avait été fait à l’Université de Mons en 2008. Mais pour Diane Thomas, qui avait participé à cette campagne, il faut faire attention à la manière dont on communique sur le sujet.
« Cette année, nous avons eu une rencontre avec les étudiantes de première année en ingénieur. Elles ont dit qu’elles n’aimaient pas qu’on mette trop le fait d’être une femme en avant. Ainsi, dans les brochures, il faut mettre des photos de femmes ingénieures mais il faut que ce soit des photos réelles ; pas des mannequins », confie-t-elle. En 2008, l’université avait réalisé une brochure sur les femmes ingénieures et certaines filles avaient émis des critiques à propos des photos sur lesquelles on voyait des femmes très apprêtées : maquillage, manucure, coiffure parfaite… « La communication n’est pas facile : elle peut faire du bien mais aussi du tort », note-t-elle.
Dans leurs visuels, les deux Lola, elles, utilisent des photos de leurs amies ingénieures. Leur rêve serait de pouvoir mettre ces photos accompagnées de leur slogan « Yes she can ! » dans les stations de métro à Bruxelles. « Il n’y a rien de révolutionnaire dans ce qu’on propose », sourit-elle.
A l’UCL, une brochure a été éditée il y a deux ans. Intitulée « les filles, vous êtes ingénieuses », elle présentait des témoignages de filles inscrites en première bachelier ainsi que d’une ingénieure de la société IBA. L’année suivante, le nombre de filles inscrites à l’Ecole polytechnique a quasiment doublé: 62 contre 38. Coïncidence ?