SERIE (1) Kourou : port spatial de l’Europe
Sauf incident de dernière minute, l’avion spatial européen IXV (Intermediate eXperimental Vehicle), élaboré avec le concours de scientifiques et d’industriels belges, devrait gagner l’espace mercredi après-midi, le 11 février, pour une courte mission suborbitale.
Lancé depuis Kourou, le port spatial de l’Europe situé en Guyane française (Amérique du Sud), le petit véhicule expérimental de l’ESA, l’Agence spatiale européenne, doit grimper à 420 kilomètres d’altitude. Il effectuera ensuite une rentrée atmosphérique, tout comme les capsules Soyouz russes qui transportent les astronautes entre la Terre et la Station spatiale internationale (ISS) et qui les ramènent ensuite au sol.
A la différence des capsules Soyouz qui se posent sur la terre ferme (au Kazakhstan), l’IXV devrait amerrir dans l’Océan Pacifique, moins de deux heures après son décollage.
Il s’agit d’un engin hybride de deux tonnes, mi-capsule, mi-navette. Dans le jargon, on parle de corps portant. L’IXV combine la simplicité d’une capsule et les performances d’un véhicule spatial à voilure (comme un avion). L’idée est ici, au moyen de deux “flaps” (des gouvernes mobiles) situés à l’arrière de l’engin de contrôler le vol de l’IXV et de le manœuvrer avec précision.
Moins de deux heures pour aller en orbite et en revenir en douceur
Une fois séparé de son lanceur Vega, à une altitude de 320 km, l’IXV grimpera jusqu’à 420 km d’altitude environ. Après avoir effectué des manœuvres de décélération le faisant passer d’une vitesse hypersonique à une vitesse supersonique, l’IXV déploiera un parachute multi-étages qui ralentira encore davantage sa descente.
Il amerrira ensuite dans l’océan Pacifique. Sa flottaison sera assurée par une série de ballons. L’engin sera ensuite récupéré par un bateau. Il faudra alors plusieurs semaines pour analyser l’avion expérimental et les nombreuses données accumulées par les centaines de capteurs dont il est bardé.
Trois partenaires belges
Le projet IXV a été placé sous la maîtrise d’oeuvre de la société Thales Alenia Space Italia. Une quarantaine d’autres entreprises européennes ont participé de près à ce programme, dont trois partenaires industriels et académiques belges.
Tests en soufflerie à l’Institut Von Karman
L’Institut Von Karman pour la dynamique des Fluides, situé à Rhode-St-Genèse, a réalisé toute une série de tests dans ses souffleries sur une maquette de l’IXV. “Nous avons effectué des analyses de prévol”, explique le Pr Olivier Chazot, coordinateur des recherches sur l’IXV à l’Institut Von Karman.
“Elles ont notamment porté sur des maquettes testées en soufflerie, à Mach 15 ou encore dans le plasmatron”. Le plasmatron est une soufflerie qui permet de simuler les très hautes températures qu’un engin spatial rencontre lors des rentrées dans l’atmosphère.
Ces études ont permis de tester les tuiles en céramique du bouclier thermique de l’IXV, d’affiner le design de l’engin et d’identifier les turbulences que les « flaps » de l’avion spatial peuvent générer en fonction de leurs différentes positions lors de la phase pilotée, la fameuse « rentée portante » comme disent les spécialistes. Ces informations ont été transmises aux ingénieurs chargés notamment de décider de… l’épaisseur idéale à retenir pour les différentes tuiles du bouclier thermique de l’avion.
Tuiles en “Mullite”
Enfin, l’Institut von Karman est également impliqué dans les deux tuiles en mullite qui ont été intégrées sur le ventre de l’IXV. Il s’agit d’un alliage d’oxyde d’aluminium et d’oxyde de silicium.
“Elles vont réagir différemment que les autres tuiles en céramique du blindage thermique”, indique le Pr Chazot. “Cela nous permettra d’en savoir davantage sur les réactions chimiques qui se produisent lors de la rentrée portante de l’avion spatial alors qu’un plasma se forme sur l’enveloppe du véhicule spatial”.
La SABCA actionne… les flaps de l’IXV
La SABCA, basée à Haren (Bruxelles) a développé les actionneurs des flaps mobiles de l’avion spatial, ce qui permet de contrôler et de piloter l’avion lors de sa rentrée atmosphérique. Elle a aussi fourni l’électronique qui commande ces systèmes, des batteries Lithium-ion pour alimenter ces équipements ainsi que les logiciels qui pilotent les flaps. Sans oublier les interfaces avec les ordinateurs de contrôles.
L’ordinateur de bord vient de QuinetiQ Space (Anvers)
La société QinetiQ Space de Kruibeke (province d’Anvers), a fourni pour sa part l’ordinateur de bord de l’IXV. C’est le coeur du système de commande de vol de l’engin spatial. C’est grâce à lui que le retour entièrement automatisé de l’engin expérimental est possible. Cet ordinateur calcule notamment l’angle optimal pour la rentrée atmosphérique du démonstrateur et pour son atterrissage contrôlé.
L’avion spatial européen sera lancé mercredi par une fusée Vega. Il s’agit du plus petit des trois lanceurs spatiaux commercialisé actuellement par Arianespace, à côté du lanceur lourd Ariane 5 et du lanceur russe Soyouz, également tiré depuis Kourou. Pour Vega, il s’agit d’une quatrième mission. Le vol inaugural de Vega a eu lieu il y a tout juste trois ans : le 13 février 2012.
Neuf pays partenaires
La mission IXV de l’ESA est le fruit d’un partenariat de neuf Etats membres de l’agence spatiale européenne: Italie, France, Suisse, Espagne, Belgique (via la Politique Scientifique fédérale), Portugal, Irlande, Pays-Bas, Allemagne, Suède.