Borderline… Une souffrance bien réelle

10 avril 2014
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 3 minutes
Manuel du borderline  ed. Eyrolles, 252 pages 25 euros
Manuel du borderline
ed. Eyrolles, 252 pages
25 euros

«Après un quasi-siècle d’incompréhension et d’impuissance du monde soignant, le destin des borderlines a enfin pris une autre direction», déclarent les psychiatres Martin Desseilles, Bernadette Grosjean et Nader Perroud des universités de Namur, de Californie et de Genève. «Nous savons désormais que cette maladie est bien réelle, et parfaitement traitable. Il reste encore beaucoup à faire. Les idées préconçues ne disparaissent pas du jour au lendemain. Et si de multiples traitements spécialisés ont fait leurs preuves, ils demeurent longs, ardus et difficiles d’accès.»

 

Depuis 1884, le terme anglais «borderline», «état limite», désigne la souffrance des personnes qui changent tout le temps d’humeur. Ont des difficultés relationnelles. Ne savent pas qui elles sont, ce qu’elles veulent dans la vie… Ce trouble de la personnalité se déclare généralement dans l’adolescence. Il touche 4% de la population. Plus souvent les femmes que les hommes. Ce sont surtout les problèmes relationnels qui handicapent les borderlines.

 

Redonner espoir

 

On ne sait pas exactement ce qui cause cette maladie. Dans nos pays, le besoin de performance, l’individualisme forcené, pourraient en être les raisons principales. L’héritage génétique? Il existe très peu d’études. L’impulsivité semble se transmettre dans les familles. Plus de 70% des parents de borderline ont, ou ont eu, des troubles psychiatriques. Des recherches scientifiques montrent qu’il existe aussi une relation entre la maltraitance pendant l’enfance et ce mal-être.

 

Les trois psychiatres ne se contentent pas de leur déclaration. Ils ont uni leurs efforts pour produire un «Manuel du borderline» grand public (éd. Eyrolles, 25 euros). L’objectif n’est pas de remplacer les spécialistes de la santé. Mais de redonner espoir. D’accompagner concrètement les malades, leurs proches, les psychothérapeutes. En retraçant l’historique de la maladie. En aidant à identifier ses symptômes. En présentant des thérapies qui ont fait leurs preuves. Les auteurs ont aussi créé un site pour se tester, questionner, témoigner.

 

Les médicaments ne sont pas à la base des traitements envisagés. Ils ne traitent pas le trouble borderline ou ses symptômes. Mais les antidépresseurs sont efficaces pour surmonter les états dépressifs des malades. Certains antipsychotiques stoppent les ruminations, soulagent les moments de stress. Pris occasionnellement, les anxiolytiques sont utiles. Sans pouvoir supprimer la cause de l’angoisse, des troubles de sommeil.

 

Une thérapie du non-jugement

 

Une intervention psychothérapeutique peut avoir un impact biologique comme un médicament. L’important est la cohérence de ces deux approches. Pour les psychiatres Martin Desseilles, Bernadette Grosjean et Nader Perroud: «Soigner par l’esprit, par la présence, par les mots, par l’empathie, par la validation, par le son de la vie ou par un certain regard que l’on porte sur sa vie, par la capacité d’écouter l’inécoutable, d’entendre l’inaudible…, aucune pilule ne peut faire cela. Pour le borderline, ce sera d’abord la relation et même le non-verbal, le cadre, la présence consistante et non blessante d’un autre bienveillant et non jugeant qui ouvre des portes…»

 

Les centaines de formes de psychothérapies ont souvent des points communs. L’efficacité du traitement serait plus liée au choix du psychothérapeute qu’à la technique utilisée. Les recherches mettent en particulier l’accent sur la capacité du psy à former une alliance de travail avec le patient. Sur son expérience et sa maîtrise de la technique.

 

Les trois spécialistes des états limites consacrent un chapitre du «Manuel du borderline» à la thérapie comportementale dialectique (TCD). Devant l’incapacité des soignants de la comprendre et de la soigner, la psychologue Marsha Linehan a développé cette méthode efficace, très pratiquée aux États-Unis. Elle a eu l’idée d’ajouter des touches de validation aux techniques des thérapies cognitivo-comportementales (TCC). Dire en même temps au malade qu’il faut changer de comportement et qu’on comprend pourquoi il le fait est le fondement de la méthode. La professeure à l’Université de Washington s’est aussi inspirée de l’acceptation du moment présent pour donner naissance à la TCD. Ses principes sont avant tout basés sur le non-jugement des patients borderlines. Sur l’humilité des thérapeutes et de la thérapie.

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