En une fraction de seconde, une onde lumineuse effectue de l’ordre d’un million de milliards de cycles oscillatoires. Contrairement aux oscillations des ondes sonores, les oscillations de la lumière sont si rapides qu’un appareillage extrêmement complexe est nécessaire pour pouvoir directement les observer. Indirectement, grâce aux progrès en physique des lasers notamment, il est cependant possible de mesurer précisément les fréquences de ces oscillations lumineuses. Et ce, grâce aux peignes de fréquences optiques.
Il s’agit d’une sorte de règle graduée de lumière, comportant des centaines de milliers de dents, chacune correspondant à une fréquence. Ces graduations très rapprochées permettent d’effectuer des mesures extrêmement précises de la lumière. Entre autres, de mesurer les variations de la distance Terre-Lune avec une précision équivalente à la taille d’un … cheveu.
« On peut montrer que le signal temporel qui correspond à un peigne de fréquences est constitué d’une succession régulière d’impulsions lumineuses, appelé train d’impulsion. Ces impulsions sont ultra-courtes et ont une durée d’un millionième de milliardième de seconde, voire moins », explique Nicolas Englebert du Laboratoire OPERA-Photonique de l’Ecole polytechnique de Bruxelles.
Deux voies de production
Il existe actuellement deux grandes méthodes pour générer un train d’impulsion : soit via un laser à impulsions soit via une cavité optique passive.
« Certains lasers peuvent directement générer un train d’impulsions. Ce dernier est très énergétique, mais le délai entre deux impulsions successives est sujet à des variations même en l’absence de perturbations extérieures », poursuit le chercheur.
L’autre solution se base sur les résonateurs optiques passifs, réalisés, par exemple, à l’aide de fibres optiques. Elle permet de générer une impulsion qui s’y propage indéfiniment, soit un soliton (c’est-à-dire une onde solitaire qui se propage sans se déformer dans un milieu non linéaire et dispersif) de cavité lorsqu’un faisceau laser continu est injecté à son entrée. La période du train résultant, en l’absence de perturbation extérieure, est ici fixe contrairement aux lasers impulsionnels. Malheureusement, son énergie est limitée.
Chaque plateforme possède donc ses avantages et inconvénients. Or, pour certaines applications, comme celles exploitant le LiDAR, capable de détecter et d’estimer la distance par la lumière ou un laser, il est nécessaire d’avoir un train d’impulsions à la fois énergétique et ultra-stable.
Stabilité et puissance
« Ces solitons émergent au sein d’un résonateur à signal injecté dans lequel se trouve une section d’amplification finement ajustée. Le but de cette section est de compenser une partie des pertes que subit l’onde (le soliton) à chaque tour. Si l’amplification est trop faible par rapport aux pertes, le soliton ne peut exister. Par contre, si l’amplification est supérieure à ces pertes, une émission laser se produira. Grâce à cette compensation partielle des pertes, il devient tout à fait possible d’extraire une grande partie de l’énergie du soliton (plus de 30%!) sans compromettre son existence », souligne Nicolas Englebert.
De plus, comme la section d’amplification est choisie telle que l’émission laser ne se produise pas, le train d’impulsion hérite des propriétés de stabilité des résonateurs passifs. Le soliton de cavité actif (ACS) combine ainsi les avantages des trains d’impulsions générés par les lasers impulsionnels et les résonateurs passifs.
Perspectives et brevet
Ce nouveau type d’impulsions hybrides et universelles pourrait permettre des avancées majeures dans de nombreux domaines, tels que les horloges de haute précision. « Il pourrait déclencher de nombreuses expériences sur différentes plates-formes, en particulier dans le domaine de l’optique intégré où les résonateurs passifs ont le monopole, mais où les applications en dehors des laboratoires tardent à apparaître. »
« Ce nouveau concept ne se limite pas à la génération de solitons. Grâce à cette nouvelle cavité hybride, des composants induisant beaucoup de pertes (cristal, fibre particulière …) peuvent maintenant être placés dans un résonateur, ouvrant la voie à l’étude de phénomènes jusqu’à présent inaccessibles expérimentalement », précise le chercheur.
L’invention fait l’objet d’une demande de brevet déposée au nom de l’ULB.