De la mousse dans l’espace

11 juin 2021
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Qu’ont en commun les boissons pétillantes, les meringues et le pain ? Tous trois sont produits au départ d’une mousse. L’étude de la formation et de l’évolution de celle-ci est au cœur de l’expérience scientifique qui sera mise en place à bord de la Station Spatiale internationale (ISS) cet après-midi, sous la surveillance du centre de contrôle spatial belge B.USOC (Belgian User Support and Operations Centre).

Des applications à gogo

Le secteur alimentaire est loin d’être le seul domaine où les mousses liquides sont utilisées. Elles interviennent comme base des détergents utilisés dans les car-wash. Associées au CO2, elles sont injectées dans les réservoirs souterrains pour en faire sortir le pétrole.

Les mousses servent aussi à éteindre des incendies de solvants organiques, lesquels ne peuvent être éteints avec de l’eau. En recouvrant toute la zone en feu, elles empêchent le transfert d’oxygène de l’extérieur vers l’intérieur, faisant mourir le feu.

En médecine aussi, les mousses sont très utiles. Elles servent de pansement à appliquer sur une plaie cutanée, et même lors d’opérations internes pour éviter qu’un organe coupé ne saigne trop longtemps.

Des études en apesanteur

« Actuellement, les utilisations des mousses sont basées sur un savoir-faire. Elles sont purement empiriques. En effet, il existe très peu de connaissances scientifiques dans ce domaine. Pourquoi ? Car les mousses liquides se stabilisent très vite sur Terre. Prenez la mousse de votre bain : elle devient très vite sèche, car le liquide descend à cause de la gravité. C’est ce phénomène qui rend impossible l’étude sur Terre des mousses contenant une quantité substantielle de liquide », explique la Dre Dominique Langevin, directrice de recherche CNRS au Laboratoire de physique des solides de l’Université Paris Sud.

Sous sa houlette, des expériences, regroupées sous l’appellation FOAM-C, sont menées à bord de l’ISS pour mieux comprendre la formation, l’évolution et le comportement des mousses liquides.

Photo de mousse à bord de l’ISS © B.USOC – Cliquez pour agrandir

La Belgique aux commandes

L’expérience FOAM-C se déroule dans une petite boîte contenant un carrousel avec 20 alvéoles, chacune étant remplie d’une solution moussante. « Celle-ci est alors agitée par un piston magnétique pour former de fines bulles. À l’aide de plusieurs caméras situées à l’intérieur du dispositif expérimental, des images de la mousse sont capturées et diffusées au sol pour analyse », explique Alice Michel, responsable de projet B.USOC.

Salle des opérations au B.USOC © B.USOC – Cliquez pour agrandir

Le B.USOC, situé à l’Institut royal d’Aéronomie spatiale de Belgique (IASB), est responsable des opérations du « Fluid Science Laboratory », un rack situé à l’intérieur du module européen Columbus, ainsi que des expériences qui y sont menées. Depuis mi-2018, les opérateurs du B.USOC ont déjà réalisé cinq expériences scientifiques consécutives: CompGran, RUBI, la première phase de FOAM-C, RUBI-X et CompGran-2.

Dans le cadre de la 2e phase de FOAM-C, qui débute ce vendredi pour 7 mois, le B.USOC contrôle les paramètres de l’expérience, fait tourner le carrousel, reçoit les données expérimentales numérisées, et les transfère à une équipe internationale de scientifiques.

Carrousel avec 20 alvéoles de l’expérience FOAM-C © B.USOC – Cliquez pour agrandir

Changer la chimie

Qu’étudie concrètement FOAM-C ? Lorsque peu d’eau est présente, les bulles sont déformées. Quand il y a beaucoup d’eau, elles apparaissant, au contraire, bien sphérique. Le point qui intéresse les scientifiques est celui situé à la limite entre ces deux états. Il est dénommé « jamming transition ».

Evolution de la forme des bulles en fonction de la teneur en eau et en air, et représentation du point de « Jamming Transition »  ©B.USOC – Cliquez pour agrandir

« Nous allons ré-étudier deux échantillons avec lesquels nous avons eu des problèmes lors de la première phase de l’expérience en 2020. Nous allons également ajouter de la glycérine à l’eau pour la rendre plus visqueuse et voir comment se comporte la mousse. Enfin, nous allons étudier des émulsions de mousse . C’est-à-dire des mousses contenant des gouttelettes d’huile, lesquelles sont plus petites que les bulles. Cela nous permettra de comprendre le rôle joué par les petites particules entre les bulles lors de l’évolution de la mousse. Il s’agit essentiellement de changer la chimie », poursuit la Dre Dominique Langevin.

L’expérience FOAM-C a été développée par Airbus DS pour l’Agence spatiale européenne. Le travail a été financé par l’ESA et le CNES. C’est l’astronaute français, Thomas Pesquet, qui placera les solutions moussantes dans les alvéoles du rack FSL. L’opération est à voir en direct, ce vendredi dès 16h15 (heure belge).

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