Compendium de théologie du 14e siècle, avec un fragment d'un psautier en allemand © BUMP UNamur

Des centaines d’écrits médiévaux retrouvés à la Bibliothèque de l’UNamur

10 novembre 2023
par Camille Stassart
Temps de lecture : 5 minutes

Si l’arrivée de l’imprimerie en Europe, au 15e siècle, a pour effet de multiplier la production d’écrits, elle conduit aussi, à l’époque, à la disparition d’une partie des manuscrits de la période médiévale (5e-15e siècles). Jugés obsolètes, certains ouvrages – surtout ceux en parchemin, un matériau souple et solide – finissent « recyclés » dans les livres imprimés. Ils sont notamment utilisés comme reliure, pour maintenir en place les feuillets, ou encore pour renforcer le dos et/ou les contre-gardes de la reliure. Aujourd’hui encore, des textes entiers, mais plus souvent des fragments, datant du Moyen Age, sont conservés au cœur d’ouvrages mis sous presse à l’époque moderne.

Dans le cadre d’un projet de 5 ans financé par l’Institut Moretus Plantin, fondation d’utilité publique qui gère une partie des fonds de la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (BUMP) de l’UNamur, une équipe de scientifiques réalise l’inventaire et la description de ce patrimoine médiéval.

Recueil de disputes universitaires, fin 14e – début 15e siècles © BUMP UNamur

Une collection encore méconnue

Ce projet, supervisé par les professeurs Xavier Hermand et Jean-François Nieus du Centre de recherche PraME (Pratiques médiévales de l’écrit) de l’UNamur, comporte deux volets. Le premier vise à étudier, dès janvier 2024, des archives médiévales du 15e au 16e siècles, qui renseignent sur le fonctionnement de la seigneurie de Dhuy (commune d’Eghezée). Le second volet, en cours depuis janvier 2023, consiste à faire l’inventaire et la description de textes ou de parties de textes médiévaux réutilisés dans les livres imprimés entre le 16e et le 18e siècles, conservés par la BUMP.

« Il n’existe à ce jour aucun catalogue, aucune description, de ces manuscrits et fragments. Il faut dire que leur étude est une pratique relativement récente dans la communauté scientifique. On ignore donc si certaines périodes du Moyen Age, ou si certains écrits, ont été particulièrement ciblés par ce ‘recyclage’ », indique Nicolas Michel, postdoctorant au centre PraME, en charge de cette phase du projet.

Fragment d’un sacramentaire grégorien datant du 9e siècle © BUMP UNamur

Découverte de deux pièces millénaires

Ces derniers mois, le chercheur a donc épluché plusieurs centaines d’ouvrages imprimés, en vue de retrouver ces productions médiévales. « L’enquête est aujourd’hui terminée, et on a identifié 15 ouvrages complets, ainsi qu’un peu plus de 190 fragments. C’est parfois une page entière, ou simplement des languettes, où on n’a même pas un mot complet. On sait qu’il existe davantage de fragments. Soit ceux-ci sont dissimulés, soit ils nous sont inaccessibles sans disséquer totalement le livre imprimé. Ce qui n’est pas envisagé pour le moment. »

Les plus anciens fragments récupérés sont deux pièces datant du 9e siècle. « Une découverte assez extraordinaire, puisqu’on estime qu’il reste aujourd’hui, dans le monde, entre 8.000 et 10.000 manuscrits antérieurs à l’an 1000 », rappelle le Dr Michel. « On ne connaissait que trois pièces écrites conservées à Namur aussi anciennes, et on vient d’en ajouter deux nouvelles ! »

Fragment d’un Lancelot en prose, datant de la 2e moitié du 19e siècle © BUMP UNamur

Une diversité d’écrits recyclée

Aujourd’hui, Nicolas Michel s’attache à décrire les textes et fragments en analysant leurs contenus, mais aussi leur dimension, leur mise en page, la forme de l’écriture, les décorations éventuelles apposées à l’écrit, ou encore le type d’encre utilisé. Et le chercheur a déjà pu constater que ces productions sont assez diverses. Parmi elles, on retrouve des textes de type liturgique, mais aussi des écrits de nature juridique, des traités, et même des romans, dont un Lancelot en prose du 13e siècle, une œuvre française centrée sur Lancelot, personnage du cycle des romans de la Table ronde. Le chercheur a aussi mis la main sur trois manuscrits complets de cours universitaires donnés en Europe centrale.

Le projet de recherche a aussi pour ambition de déterminer la provenance de ces écrits médiévaux, dans le but d’en apprendre davantage sur les livres dans lesquels ils étaient enfermés. « L’un des objectifs du projet sera, en effet, de savoir comment ce fonds imprimé de la BUMP s’est constitué. »

Un projet pour reformer les écrits médiévaux éparpillés

A la fin du projet, les manuscrits, de même que les archives qui seront étudiées plus tard dans le projet, seront numérisés sur le site web NEPTUN (Numérisation du Patrimoine de l’Université de Namur). Les fragments, de leur côté, seront versés sur la base de données internationales créée par le projet Fragmentarium.

« Ce projet, lancé en 2017 par l’Université de Fribourg (Suisse), a pour but de réunir l’ensemble des fragments collectés par des chercheurs, collectionneurs et historiens du monde entier », précise Nicolas Michel ». « Le but est de potentiellement les assembler afin de reconstituer les textes originaux dont ils sont issus.»
La BUMP représente la première bibliothèque universitaire en Fédération Wallonie-Bruxelles à participer à ce projet novateur, rejoignant, entre autres, la British Library, la Bibliothèque nationale de France, ou encore la bibliothèque du Vatican.

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