Demain, les parcs éoliens offshores belges seront-ils davantage que des sites de production d’électricité? Depuis des années, leur impact sur l’environnement marin et sa biodiversité fait l’objet d’une surveillance étroite, notamment par les scientifiques de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB). Avec des résultats nuancés selon les espèces considérées.
Mytiliculture dans les eaux belges
Ces trois dernières années, les chercheurs de l’IRSNB ont participé à une expérience pour le moins inhabituelle sur un site de production d’électricité implanté à plus de 30 km des côtes. La question qui leur était posée? Ces parcs, ne pourraient-ils aussi accueillir à l’avenir… une ferme aquacole? Pas question, bien sûr, de produire du saumon sous les pales de ces moulins à vent. C’est de mytiliculture dont il est ici question. Une première mondiale, paraît-il.
Produire des moules au large, entre les pylônes des éoliennes, est une activité économique qui n’a pas encore été tentée. Mais est-elle réaliste? C’est là que l’étude Edulis se situe. Rappelons que l’essentiel des moules proposées en Belgique provient des Pays-Bas (Zélande) et qu’elles sont élevées dans les eaux de l’Escaut oriental où elles sont soumises à l’action des marées. Des marées qui leur apportent des éléments nutritifs deux fois par jour.
Edulis est une collaboration entre l’Université de Gand, l’Institut flamand de recherche sur l’agriculture, la pêche et l’alimentation, l’IRSNB/DO Nature et 5 partenaires privés, dont les parcs éoliens Belwind et C-Power, les deux premiers à s’être développés au large de nos côtes, dès 2008.
Une exploitation réaliste
La conclusion des chercheurs vient de tomber. « La culture des moules dans les parcs éoliens offshore belges est à la fois biologiquement et techniquement réalisable », indique Kelle Moreau, de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont réalisé une longue expérience sur site, depuis 2017. D’épais cordages horizontaux ont été ensemencés par du naissain: un ensemble de jeunes mollusques qui viennent d’éclore. Ces cordages ont, ensuite, été immergés horizontalement, entre les turbines électriques de Belwind et C-Power. Ils étaient soutenus par une série de bouées, ce qui a permis de les maintenir à une profondeur optimale.
Divers paramètres environnementaux ont été soigneusement surveillés (température de l’eau, mais aussi disponibilité de nutriments, état de la mer, etc.). Les chercheurs se sont aussi intéressés à l’accessibilité du site par les embarcations de futurs exploitants. « Le grand défi consiste à concevoir des installations qui puissent résister à l’environnement parfois extrême de la mer du Nord et à investir dans des systèmes robustes, faciles à entretenir et sûrs, y compris en ce qui concerne les navires d’exploitation », précisent les chercheurs.
Une première production prévue pour 2022
En ce qui concerne les premières intéressées, les résultats sont, semble-t-il, alléchants. « Les expériences ont permis de produire une moule de qualité, savoureuse et conforme à toutes les règles de sécurité alimentaire », explique encore Kelle Moreau.
« Le rendement est équivalent à celui des moules suspendues des Pays-Bas et d’Irlande. Il ressort également que les moules des parcs éoliens belges se développent plus rapidement que les moules issues de la culture de fond. Sur leurs cordages immergés au large, ces moules « éoliennes » belges sont prêtes à être consommées après 15 mois de croissance, contre 24 mois pour les autres.
Voilà qui aiguise bien entendu les appétits de certaines entreprises. À commencer par le groupe Colruyt, un des partenaires du projet, particulièrement intéressé par cette filière. Mi-décembre, il indiquait vouloir se lancer dans l’aquaculture pour la production de moules, mais aussi, dans un second temps, d’huîtres et d’algues.
La première récolte commerciale est espérée en 2022. Mais pas nécessairement entre les rotors des parcs éoliens belges. Ce serait plutôt au large de Nieuport, du côté du Westdiep, à 5 kilomètres des côtes, que la première ferme aquacole du groupe privé devrait voir le jour.