Les micro-expressions faciales ne sont pas une exclusivité humaine

11 janvier 2024
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

Un mouvement furtif de l’œil, une dilatation des narines, un bref gonflement sous la mâchoire… La communication non verbale peut prendre de multiples formes. Toutefois, l’être humain n’est pas le seul à pouvoir produire de telles micro-expressions faciales. Le cheval aussi en est capable. C’est ce que montre une étude menée à l’Université Libre de Bruxelles.

« C’est même la première fois que nous démontrons ce genre de micro-expressions chez un être vivant autre que l’Homme », souligne Claude Tomberg, professeure de neurophysiologie et de neurosciences cognitives, à la faculté de médecine.

200 à 300 millisecondes 

Les micro-expressions faciales sont des mouvements rapides dans le visage, ou la face de l’animal. Des mouvements de moins d’une demi-seconde. « Typiquement, cela dure 200 à 300 millisecondes », souligne la chercheuse Lucy de Selliers, qui cosigne l’article scientifique qui vient d’annoncer cette découverte.

« Nous nous demandions depuis plusieurs années si, comme l’être humain, le cheval était capable de générer de tels mouvements faciaux rapides, quasi imperceptibles à l’œil nu », reprend la Pre Claude Tomberg. « Nous avons donc analysé les images vidéo prises lors d’expérimentations très codifiées réalisées sur 22 chevaux. Une caméra surveillait l’animal dans son ensemble. Deux autres caméras, installées de part et d’autre de la tête du cheval, capturaient ses moindres mouvements faciaux. En analysant ces images au ralenti, et en codant tous les mouvements décelés suivant une classification unifiée faisant référence aux muscles qui sont activés, nous avons pu repérer au moins trois types de micro-expressions faciales. Et ce, chez 100 % des chevaux étudiés. »

L’œil, les narines, le menton

Il y a les mouvements au niveau de l’œil. Contrairement à l’être humain, on observe peu le blanc de l’œil d’un cheval. A l’occasion, il peut cependant en montrer un peu plus. Ce signal a été capté lors de l’étude. Tout comme une brève dilatation des narines. Ou encore un mouvement sous le menton de l’animal.

« Tous ces signes sont connus quand ils durent longtemps et qu’ils répondent à certaines intentions ou réactions de l’animal », souligne Claude Tomberg. « La dilatation des narines intervient quand le cheval est stressé et se prépare à courir. Il oxygène ainsi davantage son sang pour répondre plus efficacement à ses besoins physiologiques. »

« Dans le cas des micro-expressions, c’est une autre histoire. Nous pensons qu’il s’agit d’une forme de communication entre l’animal et son entourage. »

Une forme de communication qui reste à décoder 

Dans le cadre de cette étude, les mouvements furtifs des chevaux ont été étudiés dans un environnement sans stress, une salle de pansage, sans que l’animal ne souffre ou connaisse un quelconque épisode de frustration. Les caméras ont filmé les chevaux un à un en présence et en l’absence de l’expérimentateur. « Nous avons aussi analysé ces mouvements et leur fréquence en fonction de l’attitude de l’expérimentateur », précise la scientifique.

Certaines micro-expressions faciales de l’animal ont ainsi été relevées lorsque l’expérimentateur faisait face au cheval, mais pas quand il lui tournait le dos. Leur fréquence était aussi moins élevée quand le cheval se retrouvait seul dans la pièce.

« Notre conclusion est claire: si le cheval produit davantage des micro-expressions faciales en présence d’un expérimentateur, c’est dans un but de communication, celui de diffuser une information. », estime Claude Tomberg. «  Dans le cas présent, il s’agissait de l’aider à recevoir une carotte posée sur un tabouret présent dans son champ de vision, mais inaccessible par ses propres moyens. Une situation expérimentale que nous avions imaginée. »

Il reste, cependant, de nombreuses questions en suspens. « Nous ne savons pas si les êtres humains détectent ces expressions faciales. Ni si les chevaux les détectent entre eux. Et à ce stade, leur signification reste également un mystère », conclut la scientifique.

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