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Le monde quantique reste-t-il un mystère ? Pour le Pr Thibault Damour, physicien théoricien de renommée internationale, la réponse à cette question est double. « Non! Cela fait presque cent ans que le monde quantique a été complètement compris du point de vue des équations, de la mathématique », dit-il. « Mais du point de vue du sens physique, les débats restent vifs. Les scientifiques ne s’accordent pas encore sur le sens qu’il faut donner à cette réalité quantique… »
Le monde quantique concerne un pan énorme de la physique. « La physique quantique est partout autour de nous », précise le scientifique. « C’est elle qui permet de comprendre l’infiniment grand et l’infiniment petit, des particules au comportement de l’Univers tout entier ».
Pour le non-initié, le monde quantique peut apparaître bien mystérieux en effet. Il n’est pas simple à conceptualiser. Comment concevoir en effet, à la seule lumière de notre expérience quotidienne, qu’une particule peut se trouver en même temps à deux endroits différents? Ou qu’un chat peut être à la fois mort… et vivant?
La bande dessinée comme outil de représentation
Le physicien français, professeur à l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques, tente de l’expliquer à un large public par… une bande dessinée: « Le mystère du monde quantique », publié par les Editions Dargaud.
C’est un dessinateur bruxellois, Mathieu Burniat, issu de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre, qui a mis la main au crayon pour traduire en images les pérégrinations de Bob et de son chien Rick, en quête de compréhension de ce monde mystérieux. Au scénario, on retrouve bien entendu le Pr Damour. Bob et Rick? Les deux héros de papier ne sont pas sans rappeler un autre duo célèbre en Belgique (et ailleurs dans l’Univers): Tintin et Milou.
« C’est effectivement un clin d’œil à la Belgique », souligne Thibault Damour. Comme il y en a d’autres dans ce livre. Et pas que des clins d’yeux! Pointons par exemple l’évocation des Conseils de Physique Solvay, organisés à Bruxelles. On y aperçoit notamment le Pr François Englert (ULB), prix Nobel de physique en 2013, en pleine discussion (en 2011), à l’hôtel Métropole, où se déroulent régulièrement ces fameux Conseils Solvay.
Des mondes multiples et superposés
« La bande dessinée permet d’aborder l’explication actuelle la plus satisfaisante du monde quantique », précise Thibault Damour. « Cette explication dit que le monde quantique global est fait de la superposition de plusieurs réalités, qu’on appelle parfois la réalité des mondes multiples. Et graphiquement, cela peut se représenter par des couleurs différentes. On peut dessiner des scènes de personnages de la vie de tous les jours et les superposer d’autres couleurs, qui donnent une bonne idée de ce qu’est la réalité quantique.
Le résultat est que certaines planches de l’album semblent « floues ». C’est bien entendu voulu.
Écoutez le Pr Damour détailler (en trois minutes) les raisons de ce flou « macroscopique ». Il y est notamment question d’Albert Einstein et de Hugh Everett, un des « penseurs » de ces réalités superposées et légèrement décalées.
138 pages pour amorcer une meilleure compréhension
Lors de sa quête du monde quantique, le jeune « Bob » voyage dans le temps et rencontre quelques acteurs clés de cette science fascinante.
Dans la planche reproduite ci-dessous, il vient de rencontrer Max Planck, qui après lui avoir préparé une crêpe… lui explique comment et pourquoi il en est arrivé à découvrir la constante qui porte son nom.
Nous ne sommes ici qu’à la page 20 de la bande dessinée, qui en compte 138 au total. Une BD qui est complétée par une quinzaine de pages de notes qui précisent diverses notions abordées. (Cliquer sur l’image pour agrandir la planche).
Décodage
L’illustration en tête d’article provient de la case supérieure droite de la planche de la page 14 du livre. En voici le détail.
Il s’agit d’une évocation du 25e Conseil de Physique Solvay, organisé à Bruxelles en 2011, dans les salons de l’hôtel Métropole, place de Brouckère, à Bruxelles. Son titre : « The theory of the quantum world »
À gauche, le Pr François Englert (ULB) est en pleine discussion avec un des orateurs du Conseil. Le Pr Englert recevra deux ans plus tard (2013) le prix Nobel de Physique pour ses travaux sur le mécanisme de Brout, Englert et Higgs qui prédit l’existence d’une nouvelle particule élémentaire: le boson scalaire. Une particule observée pour la première fois en 2012 au CERN, à Genève.
À droite, on remarque le Pr Marc Henneaux, directeur des Instituts Solvay (il porte un noeud papillon). Les Instituts Solvay organisent les Conseils Solvay de physique et de chimie.
Le Pr Henneaux discute avec le mathématicien Edward Witten (Princeton), médaillé Fields. L’équation dans le phylactère est celle relative à « l’évolution d’une observable quantique dans la représentation de Heisenberg”.