Volcanisme et tectonique des plaques terrestres au cours du dernier million d'années.

L’olivine s’écoule comme du verre

11 mars 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 3 min

La surface de notre planète est constituée de plaques, rigides, qui se déplacent les unes par rapport aux autres. Mais comment sont-elles entraînées par les mouvements du manteau, chaud et visqueux, situé en dessous? À Louvain-la-Neuve et à Anvers, le spécialiste des matériaux et de leurs défauts, le Pr Hosni Idrissi, de l’Institut iMMC de l’UCLouvain, apporte une nouvelle réponse à cette question. Il vient de mettre au jour un mécanisme de déformation jamais observé jusqu’ici. Il concerne l’olivine et éclaire d’un jour nouveau les propriétés mécaniques de ce minéral fortement impliqué dans la tectonique des plaques.

« Soumise à des contraintes mécaniques élevées, l’olivine se déforme suivant un mécanisme de glissement impliquant la formation d’une fine couche de verre d’olivine d’épaisseur nanométrique à l’interface entre les grains cristallins », explique le chercheur qualifié du FNRS. « Toutefois, la structure cristallographique de l’olivine ne permet pas d’activer suffisamment de mécanismes de déformation intracristallins pour permettre la déformation d’une roche sans induire d’endommagements et provoquer la rupture. »

Changement de paradigme

« Jusqu’ici, les modèles avancés dans la littérature pour expliquer le glissement aux joints de grains dans les matériaux cristallins impliquaient des défauts linéaires appelés ‘disconnections’ ou ‘disclinations’, rarement observés dans l’olivine », précise le Pr Idrissi.  Les observations au microscope électronique de ce verre d’olivine aux joints de grains permettent désormais au chercheur, ainsi qu’à ses collègues français et anversois, de proposer un changement de paradigme.

Leur étude a été menée dans le cadre du projet de recherche européen (Advanced ERC) « TimeMan », attribué au Pr Patrick Cordier (Université de Lille, France). Le Pr Idrissi et son équipe à UCLouvain y apportent leur concours comme « bénéficiaire ERC » et  spécialistes de la microscopie.

Observation de la couche de verre située entre deux grains d’olivine © Hosni Idrissi/UCLouvain

Transition vitreuse entre la lithosphère et l’asthénosphère ?

Leur étude tente d’établir un lien entre la présence de cette couche de verre intercristalline et la chute des propriétés mécaniques entre la lithosphère et l’asthénosphère. La lithosphère est la croûte froide, élastique et fragile directement impliquée dans les tremblements de Terre. L’asthénosphère, située en dessous, est plus ductile et flue (se déforme) très lentement sous l’effet de la convection.

« La frontière entre la lithosphère et l’asthénosphère est une discontinuité mécanique majeure du globe terrestre. Cette couche limite thermique se caractérise par une chute de viscosité de cinq ordres de grandeur généralement associée à l’intervalle de température 1000-1100 °C », précise Hosni Idrissi. « Elle est la clé du couplage entre la dynamique de la convection dans le manteau et celle des plaques lithosphériques.»

Si son origine était encore incertaine, les chercheurs expliquent désormais que « sous fortes contraintes, les parois entre les grains présentent une fine couche vitrifiée qui résulte de l’effondrement mécanique de la structure cristalline. »

Cette observation éclaire d’un nouveau jour les propriétés mécaniques de la roche, car un verre possède des propriétés mécaniques très spécifiques, en particulier une chute brutale de viscosité au voisinage d’une température caractéristique appelée température de transition vitreuse.

Les auteurs suggèrent que le ramollissement de cette fine couche intergranulaire soit le déclencheur de la transition rhéologique entre la lithosphère et l’asthénosphère. « Cette avancée fondamentale dans les connaissances des mécanismes en jeu dans les matériaux, à l’échelle nanoscopique, pourrait un jour avoir des implications concrètes en sismologie. »

Haut depage