Série (2/5) : Quand les scientifiques belges font carrière au bout du monde
Après une thèse en astrophysique défendue en 2016, Laetitia Delrez s’est rapidement fait un nom dans la recherche exoplanétaire. Et ce, grâce à sa participation à des projets d’envergure tels que SPECULOOS. Ou encore CHEOPS, une mission spatiale destinée à caractériser des exoplanètes déjà connues.
Ces projets internationaux ont amené la scientifique belge à s’expatrier. Après avoir passé trois années à l’Université de Cambridge, elle travaille actuellement à l’Université de Genève.
Une thèse distinguée par la découverte de TRAPPIST-1
Alors encore doctorante sous la supervision du Dr Michaël Gillon, à l’ULiège, Laetitia Delrez débute sa carrière sur les chapeaux de roue en jouant un rôle important dans la mise au jour du système exoplanétaire TRAPPIST-1.
Cette découverte lui a valu de recevoir le prix Paul & Marie Stroobant, attribué par la classe des Sciences de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Cette récompense est remise tous les deux ans, primant « l’intérêt et la qualité des études d’un(e) scientifique dans les domaines de l’astronomie observationnelle ou théorique ».
Une fois son doctorat en poche, la scientifique poursuit ses recherches sur les exoplanètes en intégrant le projet SPECULOOS. C’est dans ce contexte qu’elle entame un postdoctorat de trois ans à l’Université de Cambridge, institution anglaise participant au projet liégeois.
« À l’époque, j’avais envisagé de postuler au Massachusetts Institute of Technology (États-Unis) qui collabore aussi à SPECULOOS. Mais mon choix s’est finalement porté sur Cambridge. J’ai ainsi rejoint l’équipe du Pr Didier Queloz, pionnier dans le milieu, et lauréat 2019 du prix Nobel de physique. Tout un centre de recherche y est consacré à l’étude des exoplanètes. C’est un environnement de travail très stimulant », assure Laetitia Delrez.
La diversité culturelle, un atout pour la science
Ce postdoctorat lui permet d’élargir significativement son réseau de collaborateurs.
« Cambridge est une université qui se veut très internationale, au point qu’il y a plus de postdoctorants étrangers qu’anglais ! Les échanges entre départements sont plus nombreux qu’en Belgique. De même que les séminaires avec des chercheurs extérieurs. Cela m’a offert la possibilité de rencontrer des profils venant de tous les horizons, ce qui a été très enrichissant », témoigne la chercheuse.
« La diversité est assurément un atout quand on travaille dans la recherche, car elle permet d’avoir des perspectives différentes, et donc d’avancer plus efficacement sur des projets.»
Sur un plan plus personnel, la scientifique indique être ressortie grandie de ce séjour.« Avant de partir, j’étais excitée, mais en même temps un peu anxieuse. C’était la première fois que je partais vivre à l’étranger pour plusieurs années, et ce n’est pas évident de se déraciner. Cela m’a poussé à sortir de ma zone de confort. On repart en quelque sorte de zéro, puisqu’il faut se recréer un réseau, apprendre un nouveau système, une nouvelle culture… J’ai donc appris à devenir plus indépendante et débrouillarde », sourit la postdoctorante.
L’expérience est donc positive, et l’encourage à aller travailler à l’Université de Genève, début 2020. Elle rejoint de cette façon le projet CHEOPS (CHaracterising ExOPlanets Satellite), placé sous la houlette de la Suisse et de l’ESA, avec la participation de dix autres pays.
Les Suisses, premiers découvreurs d’exoplanètes
CHEOPS est le nom du télescope spatial développé depuis 2014 par ce consortium, et placé en orbite en décembre dernier. Son objectif ? Apporter des informations sur la taille, la composition, la formation et l’évolution d’exoplanètes connues.
Laetitia Delrez collabore en ce moment avec l’équipe de l’Observatoire de l’Université de Genève. Cette institution est célèbre pour avoir découvert en 1995 la toute première exoplanète gravitant autour d’une étoile semblable au Soleil.
« Je suis en réalité employée par l’ULiège, participante au projet. Mais j’ai tout de suite souhaité être détachée en tant que chercheuse invitée en Suisse pour me retrouver au cœur du projet. C’est passionnant de travailler avec l’équipe de chercheurs qui a planché sur le projet depuis son commencement. De mon côté, j’analyse et exploite les données recueillies par le télescope », indique la chercheuse.
Concernant le futur, la chercheuse préfère ne pas tirer de plans sur la comète. À long terme, elle espère se faire une place dans le monde académique, en Belgique ou ailleurs. « Je reste attachée à la Belgique, et à Liège en particulier. Mais la mobilité reste essentielle pour développer sa carrière scientifique. Il n’est donc pas du tout impossible que je reparte dans les années à venir. En tout cas, je n’exclus rien », conclut Laetitia Delrez.