Les violences faites aux femmes, et plus particulièrement les violences gynécologiques et obstétricales, sont encore trop méconnues, masquées ou sous-estimées. Le Conseil des Femmes Francophones de Belgique (CFFB) lance une campagne de sensibilisation pour des soins gynécologiques et obstétricaux respectueux, en partenariat avec Synergie Wallonie pour l’Egalité entre les femmes et les hommes.
Intitulée « Médico Bingo! », cette campagne invite à aider les femmes à rester actrices de leur santé, en les informant, en les écoutant et en demandant leur consentement. Elle engage également à respecter leur pudeur, à éviter les jugements et à considérer leur douleur. Une affiche et une brochure expliquent comment éviter ces violences et que faire si on en a subies.
Un large panel d’actes inappropriés
Être infantilisée, minimiser les douleurs, ne pas respecter le consentement libre et éclairé, subir un acte brusque… Voici quelques exemples de violences gynécologiques et obstétricales (VGO). On les définit comme « un ensemble de gestes, de paroles et d’actes médicaux non appropriés ou non consentis qui touchent à l’intégrité physique et mentale des femmes de façon plus ou moins sévère ».
Ces actes ne sont pas toujours justifiés médicalement et s’opposent parfois aux données et recommandations scientifiques. Ils se produisent tout au long de la vie d’une femme: pendant les visites gynécologiques, au cours du suivi pour la grossesse, l’accouchement et le post-partum, ainsi qu’à l’occasion d’examens médicaux n’ayant aucun lien avec la sphère génitale.
Ils se traduisent par des violences et des comportements inappropriés, mais également par un manque de bienveillance, d’information ou d’écoute. Enfin, ils peuvent être empreints de discrimination sur base du physique, de l’origine sociale, d’un handicap ou encore de propos sexistes. Les auteurs de ce type de violence font partie de l’équipe soignante au sens large: gynécologues obstétriciens, sages-femmes, infirmiers, médecins généralistes…
Et pour vous, ça se passe comment?
La campagne de sensibilisation s’est nourrie des résultats d’un sondage lancé le 8 avril 2023 et clôturé le 2 juillet 2023. 392 réponses ont été recueillies. Le profil des répondantes correspond à des femmes plutôt favorisées, hétérosexuelles, nées en Belgique, âgées de 32 à 37 ans, de la province de Liège et de Bruxelles, en couple avec un ou plusieurs enfants.
Deux entretiens ont également été menés avec deux des répondantes et deux avec des professionnels (un médecin et une militante associative). Ainsi que deux groupes de paroles, l’un sur la grossophobie et les VGO, et l’autre sur la précarité et les VGO.
Première question: quelles violences avez-vous vécues? La grande majorité (77%-90%) évoque un manque d’information, de bienveillance et d’explications sur les actes pratiqués, une minimisation de la douleur et des jugements. Nombreuses (57%-71%) sont celles qui font état de l’absence de consentement libre et éclairé et de prise en charge de la douleur, d’actes brusques voire inutiles, de négation des souffrances, de non respect de l’intimité, de réflexions déplacées et d’infantilisation.
Un tiers se dit victime de discrimination sur base du physique, de propos sexistes, d’actes à vif. Enfin, 19% estiment avoir subi une agression sexuelle et 7% un viol.
Concernant les violences liées à la grossesse, plus de 80% ont subi une épisiotomie non consentie, 80% une expression abdominale (application d’une pression sur le fond de l’utérus, avec l’intention spécifique de raccourcir la durée de la 2e phase de l’accouchement, NDLR), un peu plus de 20% le point du mari (point de suture supplémentaire sur le périnée après épisiotomie) et 20% une césarienne non consentie.
Dans le groupe de parole sur les VGO et la grossophobie, les participantes se sont plaintes du matériel non adapté (balance, tensiomètre…) et d’une attention constante faite à leur poids au détriment des symptômes.
Des violences aux conséquences multiples
La première réaction est la sidération: 62% n’ont pas su réagir, ni sur le moment, ni par la suite. Incompréhension, solitude, culpabilisation, humiliation… sont les autres ressentis évoqués par les répondantes. La majorité (74%) est consciente d’avoir subi des violences, 30% sur le moment et 44% par la suite.
Seuls 31% ont demandé de l’aide et/ou du soutien aux amis, à la famille, au personnel médical…
L’étude a aussi montré que ces violences ont un impact important sur le suivi médical et sur la vie personnelle. Elles ont, par exemple, entraîné à changer de médecin, à se méfier du personnel soignant, à arrêter de consulter, à perdre la confiance en soi, à souffrir de stress post-traumatique…
Enfin, ces violences proviennent de tous les milieux, de tous les genres et de toutes les professions. Elles ne sont pas uniquement dues aux gynécologues et obstétriciens.
Quatre pistes de prévention
La première consiste à rendre le pouvoir aux femmes, c’est-à-dire à leur demander leur consentement et respecter leurs choix, à les informer de manière transparente et compréhensible.
La deuxième concerne le respect des bonnes pratiques, à savoir prévenir avant un acte douloureux, respecter la pudeur, être bienveillant et empathique.
Ensuite, ne pas minimiser les douleurs ni les symptômes, bannir l’expression abdominale et le point du mari, ne pas juger ou discriminer, ne pas menacer, ne pas infantiliser…
Enfin, s’il y a eu violences, présenter des excuses, reconnaître les VGO, par exemple, via les services de médiation, faciliter le dépôt d’une plainte si besoin…
Ce projet a été financé par la COCOF, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Wallonie. Il s’agit de l’un des projets retenus dans le cadre du plan intra-francophone 2020-2024 de lutte contre les violences faites aux femmes lancé par les trois Ministres des Droits des femmes, Christie Morreale (PS), Vice-Présidente du Gouvernement wallon, Bénédicte Linard (Ecolo), Vice-présidente du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et Barbara Trachte (Ecolo), Ministre-présidente de la COCOF.