Surprise botanique entre Rochefort et Lavaux-Saint-Anne

12 avril 2019
par Daily Science
Temps de lecture : 5 minutes

Le grand polycnème, une plante observée en 1866 du côté de Rochefort, en province de Namur, et dont on avait perdu la trace, vient de refaire son apparition! C’est là un des effets de la digitalisation des données conservées au Jardin botanique de Meise.

Polycnemum majus, le grand polycnème, est une espèce végétale de la famille des Amaranthaceae qui était considérée comme éteinte depuis des dizaines d’années en Belgique. Mais un spécimen d’herbier du Jardin botanique de Meise, numérisé et rendu public sur la plate-forme botanicalcollections a permis sa « redécouverte ».

Au départ d’une étiquette

En août 2018, un spécimen de Polycnemum majus de l’herbier Dens daté du 4 septembre 1866 attire en effet l’attention d’un botaniste éclairé.

Cette espèce est considérée comme éteinte en Belgique depuis 1946. Les étiquettes qui accompagnent les feuilles d’herbier comportent généralement des informations sur la plante et sa localisation. Et dans le cas présent, l’étiquette comprend une description manuscrite du site « Côteaux schisteux. Rochefort, au lieu-dit le Tige ».

L’emplacement précis et la date de collecte sont confirmés par une autre planche d’herbier tirée d’un herbier publié et distribué par les botanistes belges A. Thielens et A. Devos. Les étiquettes de ces deux collections indiquent en outre que les spécimens ont été collectés par François Crépin, célèbre botaniste de la région rochefortoise et auteur de la flore de référence utilisée par tous les botanistes belges au 19e siècle.

Des recherches géographiques révèlent alors que ‘Le Tige’ est encore aujourd’hui un toponyme utilisé dans cette région de la Calestienne. Les photographies aériennes des années 1970 à nos jours montrent en outre que le paysage est demeuré pratiquement inchangé au fil des ans.

Il n’en fallait pas moins pour que notre botaniste se rende dans la région afin de rechercher le site et l’espèce disparue. Et le 9 septembre 2018, après une exploration minutieuse, la surprise est au rendez-vous : une population de Polycnemum majus est redécouverte !

La plupart des individus de Polycnemum majus étaient en train de fructifier au moment de la visite. Un échantillon de graines de ± 30 individus a été prélevé à des fins de conservation ex-situ et est conservé précieusement dans la banque de graines du Jardin botanique de Meise. Elles pourraient par exemple être utilisées pour réintroduire l’espèce si par malheur elle venait à disparaître du site.

Les herbiers, une mine de données

L’étiquette du spécimen d’herbier de 1866, suffisamment détaillée, offrait une occasion unique d’essayer de relocaliser un site historique. Le ‘Tige d’Éprave’ n’a probablement pas subi de fortes perturbations au cours des dernières décennies. Le paysage rural et ouvert, resté en grande partie inchangé, a probablement permis à l’espèce de se maintenir. Toutes les conditions nécessaires sont encore réunies aujourd’hui pour assurer le maintien de la population de P. majus.

La redécouverte de cette espèce, permise grâce à la plate-forme botanicalcollections illustre toute l’importance des herbiers et des données historiques qui permettent de mieux appréhender, des décennies plus tard, la distribution ancienne… mais aussi actuelle des espèces végétales !

Polycnemum majus, un végétal surtout présent dans le namurois

Polycnemum majus est une espèce annuelle appartenant à la famille des Amaranthaceae. La plante mesure entre 5 et 30 cm et possède plusieurs tiges qui se ramifient au niveau du sol. La période de floraison dans le nord-ouest de l’Europe s’étend de juillet à octobre. L’espèce est présente dans des habitats secs, ouverts et perturbés avec des sols peu profonds, généralement calcaires, sablonneux ou caillouteux, tels que des champs cultivés de manière extensive, des terrains vagues et des prairies ouvertes.

 

L’aire de répartition de Polycnemum majus s’étend de l’Europe – principalement la région méditerranéenne et l’Europe centrale et orientale – au Moyen-Orient et à l’Asie centrale.

En Belgique, P. majus est considéré comme éteint depuis 1946. Le seul endroit documenté en Flandre est Lanaken (prov. du Limbourg), où P. majus a été collecté en 1865 et 1866. Sept autres données sont documentées dans la partie sud de la Meuse, dans la région de Calestienne. La plupart des observations ont été effectuées dans les communes de Rochefort, Éprave, Han-sur-Lesse, Belvaux, Ave-et-Auffe, Genîmont et Lavaux-Saint-Anne (province de Namur). Cette région est connue pour sa mosaïque de bandes alternées de calcaires et de schistes calcarifères. La population redécouverte de Polycnemum majus est située à la limite de la réserve naturelle ‘Tige d’Éprave’ qui est adjacente à la route entre Éprave et Rochefort. Elle comprend une pente schisteuse et calcaire exposée au sud, recouverte d’une prairie calcaire semi-ouverte et semi-sèche.

 

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