Entre Ostende et La Panne, à une bonne vingtaine de kilomètres au large, dans les eaux territoriales belges, le SS Kilmore a retrouvé une certaine sérénité. Ou plus exactement une certaine propreté. Cette épave de 86 mètres de long repose bien droite sur sa coque, par quelque 30 mètres de fond. Ce cargo, qui a fait naufrage en juillet 1906, vient d’être nettoyé par des équipes de plongeurs professionnels. Et leur pêche a été bonne! Au fil de quelque 25 jours de plongée, ils ont remonté 8 tonnes de détritus accrochés sur l’épave. Filets de pêche, plombs et autres déchets ont été remontés à la surface et évacués.
Il y a quatre ans, en 2019, une opération similaire avait déjà été menée sur l’épave du West-Hinder, un bateau-phare entré en service en 1864 et qui avait sombré en 1912 suite à une collision avec le vapeur Ekbatana. Pour le West-Hinder, une épave de plus petite taille (32 mètres de long), moitié moins de déchets avaient été récoltés par les plongeurs.
Une mer riche en épaves
C’est que les eaux territoriales belges sont riches en épaves de toutes sortes, comme le montre la carte dressée par les autorités flamandes où chaque point dénote l’existence d’une épave (bateaux, sous-marins, avions.)… On en dénombre actuellement quelque 300.
Mais pourquoi entreprendre ainsi de longues campagnes de nettoyage de ces épaves reposant au fond de la mer ? Parce que 55 d’entre elles sont désormais reconnues comme patrimoine culturel subaquatique.
Outre leur valeur historique et culturelle, et la protection dont elles bénéficient, ces épaves affichent également une valeur écologique importante.
Îlot de biodiversité
« Une épave forme un récif artificiel pour de nombreux animaux marins, ce qui en fait une zone critique de biodiversité pour la faune et la flore », indique-t-on au service Milieu marin du SPF Santé publique.
« En tant que récif artificiel, l’épave offre un abri contre les prédateurs. Dans cet environnement sûr, les espèces peuvent se reproduire, ce qui a un effet positif sur la biodiversité dans toute la mer du Nord ».
Malheureusement, les épaves sont aussi des lieux où se concentrent les déchets. « En raison de leur structure tridimensionnelle, les épaves constituent également un lieu où les déchets marins s’accumulent. Chaque année, de grandes quantités de déchets plastiques sont amenées vers la mer par les égouts, les cours d’eau ou le vent. Une autre part importante de ces déchets qui se retrouvent dans les mers et les océans provient du tourisme, de l’aquaculture et de la pêche », indique encore le service public fédéral.
La lutte contre la pollution marine commence à la maison
« Les filets fantômes, perdus ou abandonnés en mer par les pêcheurs, sont ballottés par les flots durant des années. Ces filets représentent un danger sérieux pour les animaux marins qui s’y empêtrent au risque de se retrouver pris au piège ou de se noyer. En outre, les animaux identifient ces déchets plastiques comme étant de la nourriture. Ils remplissent leur estomac de plastique indigeste qui ne contient aucun élément nutritif et cessent alors de chercher de la nourriture, ce qui les affaiblit considérablement et peut causer leur mort.»
Les microplastiques, ces petits morceaux de matières synthétiques de moins de 5 millimètres, sont également ingérés par les animaux marins. Des particules qui arrivent ensuite dans nos assiettes… D’où la vaste campagne belge « La mer commence chez vous », qui vise à rappeler que nos comportements quotidiens, à la maison ou au littoral, ont aussi un effet sur ce type de pollution marine.
Ou encore, plus globalement, la mise en piste d’un nouveau plan d’action du gouvernement fédéral contre les déchets marins.
Après avoir été débarrassé de 4,5 tonnes de filets de pêche et autres déchets plastiques, de 3 tonnes de plombs de pêche et d’une demi-tonne de pièces métalliques et de chaînes, le Kilmore, restera-t-il désormais exempt de déchets? Rien n’est moins sûr. Alors qu’il faisait route entre Anvers et Liverpool, ce cargo de 2215 tonnes transportait une cargaison de porcelaines peintes à la main, de verre en feuilles et de boulons en cuivre quand il est entré en collision avec le vapeur britannique Montezuma.