Chantier de l'ELT en 2022 © ESO

L’ »Extremely Large Telescope » européen devrait ouvrir l’œil en 2028

12 décembre 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

« Les plus hautes grues du Chili sont actuellement mobilisées pour la construction du plus grand télescope terrestre jamais conçu ». Voici quelques jours, à Bruxelles, le Dr Henri Boffin, astronome de l’ESO, l’Observatoire austral européen, commentait en ces termes les travaux en cours au sommet de la montagne Cerro Armazones, dans le désert d’Atacama, au Chili. Le site, situé à une vingtaine de kilomètres du « Very Large Telescope » européen (le VLT), abrite le chantier de l’ELT, l’ »Extremely Large Telescope« . Construit par l’ESO et ses états membres, le projet est pharaonique. Les astronomes du monde entier ont les yeux rivés sur ce futur télescope géant et son dôme, qui sera aussi haut que l’Atomium.

Quand l’ELT entrera en service, ce sera tout simplement le plus grand télescope terrestre optique jamais construit. Son miroir principal affichera un diamètre de 39 mètres. En comparaison, le VLT, qui fut un temps le plus grand des télescopes optiques de la planète, propose l’équivalent d’un télescope de 16 mètres de diamètre, lorsque ses quatre miroirs monolithiques principaux de 8 mètres de diamètre travaillent ensemble, en interférométrie. Quand il entrera en service, à 3000 mètres d’altitude, l’ELT captera 100 millions de fois plus de lumière que l’œil humain.

Un chantier en cours

À l’occasion du 60e anniversaire de l’ESO, cette organisation intergouvernementale européenne dédiée à l’astronomie qui a été fondée en 1962 par huit pays, dont la Belgique, une journée de rencontres a été organisée au planétarium de Bruxelles. L’occasion de faire le bilan de ces dernières années, mais surtout de se projeter en 2028, date de la première observation prévue pour l’ELT.

« Restons prudents », conseille Emmanuel Jehin, un astronome du FNRS en poste à l’Université de Liège. Il a été un des pilotes du VLT, au Chili, pour le compte de l’ESO, avant de revenir en Belgique. Il est aujourd’hui le représentant scientifique de la Belgique à l’ESO. « Le projet est gigantesque. Les délais auxquels il doit faire face également. L’an dernier, on parlait d’une première lumière en 2027. Un an plus tard, cet objectif a été repoussé d’un an », précise-t-il.

Les images des webcams installées au Chili diffusant en direct des vues depuis la montagne Cerro Armazones montrent le chantier et les fondations de l’enceinte du futur géant.

« L’Atacama est un endroit de rêve pour observer le ciel. C’est un lieu où les étoiles brillent au minimum 300 nuits par an », indique Emmanuel Jehin. « Mais il est aussi très sismique ». C’est pourquoi une série de blocs antisismiques soutiendront le télescope.

Représentation d’artiste de ce que devrait être l’ELT © ESO

L’expertise belge plébiscitée

L’ELT scrutera l’Univers avec une précision inégalée, même par les télescopes spatiaux, comme le James Webb et son miroir principal de 6,5 mètres de diamètre. Avec ses instruments travaillant dans le domaine du visible et de l’infrarouge proche, il s’attaquera aux plus grands défis scientifiques actuels, comme la recherche de planètes habitables du type de la Terre orbitant autour d’étoiles lointaines. Il permettra d’en caractériser les atmosphères, pour, notamment, en déduire si des formes de vie s’y développent. Il remontera le temps pour observer les étoiles et les galaxies les plus âgées de l’Univers. Il éclairera aussi d’un jour nouveau la cosmologie et certaines énigmes de physique fondamentale.

Pour l’heure, les défis de l’ELT sont plutôt d’ordre technologique. Son miroir principal de 39 mètres n’est pas construit dans un bloc de verre d’une seule pièce. Il se compose, en réalité, d’un ensemble de 798 miroirs hexagonaux d’1,4 mètre de diamètre et de 5 cm d’épaisseur à peine. « Des miroirs polis au nanomètre près », précise Michele Cirasuolo, responsable scientifique du programme ELT à l’ESO.  « Un puzzle qui demande à être ajusté le plus précisément possible ». Le revêtement réfléchissant des miroirs, le « coating » comme disent les astronomes, a été confié à l’entreprise belge AGC.

Parmi les détecteurs qui traiteront la lumière reçue par le miroir principal de l’ELT, « METIS » a, lui aussi, bénéficié du savoir-faire des scientifiques belges. Des spécialistes de l’Université de Liège et de la KULeuven ont activement participé au développement de ce spectrographe imageur travaillant dans l’infrarouge moyen. Un instrument de choix pour étudier les exoplanètes, les disques protoplanétaires ou encore le noyau actif de la galaxie.

Chaque année, la Belgique investit 5,9 millions d’euros par an dans l’ESO, à titre de contribution. Depuis 2013, une contribution complémentaire de 13 millions sur dix ans a également été allouée par le gouvernement fédéral. Et ce, dans le cadre de la construction de l’ELT, un programme de plus d’un milliard d’euros.

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