L’imposante sonde scientifique européenne JUICE (JUpiter ICy moons Explorer), qui doit explorer trois des principales lunes de la planète Jupiter, a finalement été lancée dans l’espace vendredi 14 avril peu après 14h10. Le lancement initial avait été reporté de 24 heures, suite à de mauvaises conditions météorologiques au-dessus du Centre spatial guyanais.
Tirée depuis Kourou, en Guyane française, au moyen de l’avant-dernier exemplaire du lanceur lourd européen de la génération « Ariane 5 », JUICE ne devrait pas se mettre en orbite autour de Jupiter avant 2031.
Fabriquée par Airbus Defence and Space pour le compte de l’Agence spatiale européenne (ESA), JUICE est la première mission européenne d’exploration du système jovien. D’un budget de 1,6 milliard d’euros, elle passera au moins trois ans à observer en détail trois de ses lunes glacées : Europe, Ganymède et Callisto. « JUICE étudiera ces lunes comme de potentiels habitats pour la vie en répondant à deux questions fondamentales : quelles sont les conditions de formation des planètes et d’émergence de la vie ? Comment le système solaire fonctionne-t-il ? », explique-t-on chez Arianespace, qui est en charge de la commercialisation des lanceurs européens.
Les Belges à bord
La sonde comporte une dizaine de charges utiles scientifiques. Une partie des données que livreront ces instruments scientifiques sera analysée à l’Université de Liège. C’est déjà à Liège, et plus particulièrement au Centre spatial de Liège, que deux des principaux instruments de JUICE, les instruments MAJIS (Moons And Jupiter Imaging Spectrometer) et UVS (spectromètre travaillant dans l’ultra-violet), ont été testés.
Les deux instruments y ont été soumis à des tests de robustesse face aux radiations. Les responsables de ces instruments voulant s’assurer qu’ils fonctionneront de manière optimale une fois à proximité de Jupiter.
De Liège à Anvers, via Bruxelles
Cette ambitieuse mission scientifique a aussi mobilisé pas mal de scientifiques à Bruxelles. L’Observatoire royal de Belgique (ORB) est ainsi impliqué dans quatre des dix instruments de JUICE. Tim Van Hoolst, planétologue à l’ORB, est co-investigateur de l’instrument de radioscience 3GM (Gravity and Geophysics of Jupiter and the Galilean Moons) et du MAGnétomètre Jovien J-MAG. Il explique que « les deux instruments seront utilisés afin de sonder l’intérieur des lunes. Le magnétomètre observera le champ magnétique induit généré par l’océan situé sous la surface, tandis que l’instrument de radioscience mesurera le champ de gravité, la rotation et les marées des lunes. »
« Les déformations de marée de Ganymède, qui se traduisent hebdomadairement par des mouvements verticaux de la surface de glace de plusieurs mètres, seront également mesurées avec un altimètre (GAnymede Laser Altimeter, GALA) », rapporte Marie Yseboodt, co-investrigatrice de l’instrument GALA. Un instrument qui déterminera aussi avec exactitude la topographie de Ganymède.
Les scientifiques bruxellois participeront aussi à l’analyse des données de l’instrument MAJIS afin de déterminer les propriétés des glaces et minéraux présents à la surface des lunes de glace et leur relation avec le sous-sol. De quoi apporter des réponses à des questions toujours ouvertes : quelle est l’épaisseur de leur coquille de glace ? Et celle de leur océan ? Quelle est leur composition ? Pourquoi Ganymède génère-t-elle son propre champ magnétique ?
Plus globalement, la mission JUICE tentera de déterminer si ces lunes de glace présentent les conditions nécessaires à l’émergence de la vie. On le sait, l’existence d’eau liquide est une des conditions nécessaires à l’émergence et au maintien de la vie, en plus de la présence de nutriments et d’énergie. En étudiant l’intérieur des lunes de glace, JUICE déterminera si ces conditions sont remplies.
Allô, JUICE? Ici la Terre
À Anvers (Hoboken), l’entreprise Antwerp Space a, quant à elle, développé le sous-système de communication de la sonde pour le compte d’Airbus Defence and Space. Ce sous-système assurera la liaison avec la Terre pendant toute la durée de la mission. Un défi, quand on sait que la distance moyenne entre la Terre et Jupiter est d’environ 800 millions de kilomètres et que les intenses radiations existant autour de la planète et de ses lunes peuvent détruire n’importe quelle technologie développée sur Terre si elle n’est pas protégée correctement. Les sociétés nivelloises Lambda-X et EHP ont également fourni des composants pour cette mission scientifique.
Irons-nous un jour habiter sur une lune du système solaire ? La Dre Véronique Dehant (ORB), impliquée dans la mission JUICE, posait déjà la question en 2015, dans un des volumes de « l’Académie en poche ». Pour une réponse plus éclairée à ce sujet, rendez-vous dans 8 ans, au plus tôt!
Note: ce texte publié le 13 avril 2023 a été mis à jour le 14 avril 2023 à 14h40.