Grains de café © Christian Du Brulle

La Belgique, pays du café

13 août 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Série (3/3) : « Devoirs de vacances » (Partie 2)

Avec ou sans sucre? On ne le sait sans doute pas assez, mais la Belgique a joué, et joue encore, un rôle important en ce qui concerne le café. Bien entendu, les précieux grains de « Coffea » ne sont pas cultivés en province de Hainaut, ni en Flandre orientale. Et si les prix de l’Arabica sont fixés à New York et ceux du Robusta à Londres, c’est en Belgique, au port d’Anvers, que se trouve le plus important lieu de stockage de café brut au monde. Une situation qui s’explique par le rôle historique dans ce type de commerce joué par Anvers, mais aussi par son climat: une température modérée et une humidité stable étant les garants d’une bonne conservation du café vert.

Au Jardin botanique à Meise, non loin de Bruxelles, des recherches scientifiques sont menées sur cette plante consommée aux quatre coins de la planète. Une exposition historique et scientifique y est présentée sur le sujet. Aux panneaux didactiques, s’ajoutent une visite des serres abritant quelques spécimens de caféiers et un détour par un bar spécialisé dans le café, avec dégustation. Un rendez-vous incontournable.

Sacs de café © Christian Du Brulle

Les malheurs du café en Asie ont donné naissance aux plantations de thé

« S’il existe une centaine d’espèces de caféiers différents dans le monde, seules deux grandes espèces sont commercialisées », rappelle Franck Hidvegi, un des scientifiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui travaille au Jardin botanique de Meise. « Il s’agit du Robusta et de l’Arabica. L’Arabica a été découvert à l’origine sur les hauts plateaux d’Éthiopie. Il a reçu son nom au 18e siècle, quand Linnée le désigna sous l’appellation scientifique Coffea arabica.»

« La culture du café Arabica s’est ensuite disséminée dans toute la bande intertropicale », continue-t-il. « Dans la seconde moitié du 19e siècle, les plantations de café en Asie ont été frappées par une maladie fongique dévastatrice. Dans de nombreux pays, la culture du café a alors été remplacée par des plantations de thé. C’est à cette époque qu’une nouvelle variété de café plus résistante, le Robusta, a été découverte au Congo. »

Une révélation, à l’Exposition universelle de Paris de 1900

C’est le Belge Lucien Linden qui révélera l’existence du Coffea robusta, en 1900, à l’Exposition universelle de Paris. Il la présenta comme une variété robuste, résistante à la rouille et ayant un potentiel économique. D’autres espèces de caféiers du Congo furent également présentées lors de l’événement, dont le Coffea laurentii. Par la suite, il s’est avéré que le Robusta et le Lanrentii étaient identiques au Coffea canephora, décrit trois ans plus tôt, au départ de matériel provenant du Cameroun. Néanmoins, le café Robusta est resté comme nom commercial. Et cela a été un succès. Aujourd’hui, le Robusta représente près de la moitié de la production mondiale.

« La production totale de l’année caféière 2020/21 est estimée à 169,60 millions de sacs (de 60 kilos) », précise l’Organisation internationale du café, dans son rapport de mai 2021 sur le marché du café. « La production d’Arabica augmentant de 2,3% à 99,24 millions de sacs tandis que la production de Robusta devrait s’établir à 70,36 millions de sacs. »

Sac de café vert © Christian Du Brulle

44 chromosomes pour l’Arabica, 22 pour le Robusta

Le berceau du café Arabica se situe en Éthiopie. Mais, en réalité, ce café aux grains oblongs marqués d’un sillon en forme de « s » résulte du croisement de deux espèces de caféiers. Le café robusta (Coffea canephora), l’autre espèce de café très cultivée, fournit le pollen et est donc la plante “mâle” ; le Coffea eugenioides étant la plante femelle. Ce croisement est intervenu il y a plus de 500.000 ans dans la partie nord du Rift. Résultat: l’Arabica a hérité du génome complet (22 chromosomes) de ses deux parents. Il possède donc deux fois plus de matériel génétique (44 chromosomes) que les autres espèces de caféiers.

Mais cette richesse génétique ne le met pas à l’abri d’un danger imminent, lié au réchauffement global de la planète. « C’est une espèce des hauts plateaux », souligne Piet Stoffelen, le botaniste en charge des collections d’Afrique centrale au Jardin botanique. « Et dans les montagnes, l’impact des modifications climatiques est très élevé. De son côté, le Robusta est plus résistant à la chaleur et aux maladies. C’est en partie pour cette raison que davantage de café Robusta que d’Arabica sera produit à l’avenir.»

Nouvelles espèces à Meise

Dans ce contexte, la recherche scientifique prend tout son sens. « Entre 1980 et 2020, 53 nouvelles espèces de café ont été décrites », signale l’exposition.

« Dont une par Piet Stoffelen! », pointe Franck Hidvégi. « Il est à l’origine de la découverte d’un caféier dont les grains ne contiennent pas de… caféine ». « C’est exact », confirme Piet Stoffelen. « Mais j’ai encore deux autres publications scientifiques en préparation annonçant la découverte de deux nouvelles espèces : une au Cameroun et une autre en République démocratique du Congo », confie-t-il.

« Cette nouvelle espèce était déjà présente dans nos herbiers depuis 1935. Tout récemment, nous l’avons redécouverte dans nos collections et nous nous sommes mis à la recherche de spécimens vivants. Une quête couronnée de succès. Un premier plant a été retrouvé il y a cinq ans en RDC. D’autres ont suivi. Cela nous a permis de les étudier et de suivre leur cycle naturel sur plusieurs saisons ». Un nouveau Robusta à découvrir bientôt dans notre tasse de café du petit-déjeuner ? Ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour. En effet, ce nouveau Robusta étant avant tout un caféier sauvage.

 

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