Série : Vétérinaires sous pression (3/3)
En médecine vétérinaire rurale et d’urgence, la pénurie est alarmante. La proportion de jeunes vétérinaires spécialisés en animaux de rente est passée de 28% à 12% en 25 ans. Soit un déclin de 57%. Or, ces vétérinaires ont un rôle sociétal essentiel : ils sont les garants de la sécurité sanitaire et de la chaîne alimentaire liée à l’élevage. En effet, ils surveillent les épizooties (épidémies frappant une ou plusieurs espèces animales) et les zoonoses (maladies dont les agents infectieux se transmettent naturellement des animaux à l’humain) ainsi que leur évolution, et interviennent pour freiner leur propagation. Ils sont également chargés de s’assurer que la viande provenant des animaux abattus est sûre pour la consommation.
En Belgique, les provinces de Luxembourg et de Hainaut sont les plus touchées par la pénurie de vétérinaires ruraux, avec des taux de remplacement de 50 % et 52 %. Autrement dit, pour deux vétérinaires partant à la retraite, un seul commence sa carrière. Chaque année, parmi environ 280 vétérinaires nouvellement diplômés, seulement une petite vingtaine choisissent de se consacrer aux animaux de rente, ce qui est largement insuffisant pour répondre aux besoins. De plus, il est crucial qu’ils acceptent de travailler dans ces provinces en difficulté et qu’ils … tiennent le coup sur le long terme. En effet, selon l’Observatoire du monde vétérinaire wallon (OBSVET), 50% des jeunes se désinscrivent de l’Ordre des médecins vétérinaires et quittent la profession endéans les 5 années suivant l’obtention de leur diplôme.

Encourager la rencontre avec la ruralité
En dernière année de master, les étudiants vétérinaires doivent réaliser un stage pratique de plusieurs semaines auprès d’un vétérinaire établi et soigner des animaux sous sa houlette. L’an dernier, à peine 6 étudiants ont réalisé ce stage en médecine rurale en province de Luxembourg.
Avec seulement 4 praticiens pour 10.000 bovins, cette région fait face à une pénurie critique. Pour attirer les futurs diplômés, plusieurs initiatives ont été mises en place. Parmi elles, le financement d’une camionnette-laboratoire qui permettra aux étudiants de se rendre chez des éleveurs locaux pour apprendre la médecine de troupeau sur le terrain. Cette clinique ambulatoire, qui devrait être opérationnelle à la prochaine rentrée académique, offrira aussi aux étudiants de dernière année de master l’occasion de rencontrer de potentiels maîtres de stage… en espérant que ce « speed-dating » soit fructueux !
Une autre initiative, destinée à favoriser la rencontre avec la ruralité en province de Luxembourg, est l’attribution d’une bourse de 1000 euros. Cette bourse soutient tant les praticiens ruraux maîtres de stage que les étudiants de 3e master dans la réalisation du stage pratique. De quoi faire naître des vocations et développer l’activité dans cette région.

Un isolement rebutant
La désaffection pour le monde rural n’est pas que belge, elle est européenne. « Elle est particulièrement prégnante en France où les régions agricoles sont généralement isolées, exigeant de rouler de nombreux kilomètres pour passer d’une ferme à l’autre. Par ailleurs, la vie sociale dans les villages est souvent assez réduite. Or aux yeux des jeunes, ces paramètres sont très importants », mentionne Pre Tatiana Art, doyenne de la Faculté de médecine vétérinaire (ULiège).
Cette pénibilité géographique et ce manque de diversité d’activités sociales se retrouvent également en Ardenne belge, région particulièrement rurale et isolée. « A cela s’ajoute le manque d’écoles et de crèches qui, selon certaines enquêtes, dissuade les jeunes qui ont l’envie de fonder une famille d’envisager un avenir à long terme dans cette partie du pays », conclut Dr Leonard Theron, médecin vétérinaire rural et collaborateur au sein d’OBSVET.
