Série (4/4) « La transition sur le grill »
Riche en initiatives de transition, l’arrondissement verviétois fait l’objet d’une attention particulière de la part de chercheurs de l’UCLouvain. C’est que les ingrédients du succès qu’ils ont précédemment découverts dans la biovallée drômoise sont également présents sur ce territoire. A savoir, la participation des citoyens, des associations, des entrepreneurs et des pouvoirs publics au même projet sociétal de transition écologique et sociale. Avec un accent mis sur l’alimentation.
La vallée de la Drôme, un territoire en transition
Avant de parler du cas belge, abordons l’exemple français qui rayonne dans le monde entier. Située en région Auvergne-Rhône-Alpes à proximité immédiate des centres urbains que constituent Valence et Montélimar, la vallée de la Drôme est un petit territoire rural de 2200 km² et de 54.000 habitants qui s’étend des contreforts des Alpes et à la vallée du Rhône.
« La vallée de la Drôme constitue un terrain d’étude particulièrement fécond concernant la question de la transition écologique et sociale et du rôle que peut jouer l’action publique afin de favoriser cette transition », explique Olivier De Schutter, Professeur de droit international à l’UCLouvain et membre de la Plateforme de recherche LPTransition.
Cette dernière est constituée d’une équipe interdisciplinaire de chercheurs concentrés sur des questions écologiques et sociales, réalisant la recherche en co-construction avec les acteurs de terrain.
Une biovallée de référence
En Drôme, les initiatives locales préparant la transition écologique et sociale foisonnent dans les domaines de l’alimentation, de l’énergie et de l’éducation.
« C’est ce foisonnement qui a retenu notre attention, et dont nous avons voulu comprendre les raisons. Or – et c’est un autre élément qui fait de la vallée de la Drôme un terrain d’étude particulièrement intéressant pour traiter des questions de transition -, cette prolifération s’accompagne d’un dispositif “innovant” : le projet Biovallée. Entre 2009 et 2014, les quatre communautés de communes de la vallée, impliquant 102 communes au total, ont porté ensemble un programme de politiques publiques visant à faire de leur vallée le territoire européen de référence en matière de développement durable », explique Pr De Schutter.
Le projet Biovallée souhaite faire du territoire un exemple de réussite en gestion et valorisation des ressources. Et ce, en visant les objectifs ambitieux suivants : diminuer les consommations énergétiques du territoire de 20% en 2020 et de plus de 50% en 2040. Couvrir les consommations énergétiques par la production locale d’énergie renouvelable à 100% à l’horizon 2040 et à 25% en 2020. Proposer 80% d’aliments biologiques ou locaux en restauration collective en 2020. Atteindre 50% d’agriculteurs et de surfaces en agriculture biologique en 2020.
En 2018, le bio certifié représentait 32% de la biovallée contre 12 % en Rhône-Alpes et 5 % pour la totalité du territoire français.
Dans ce façonnage du territoire, le projet a vocation à associer l’ensemble des acteurs du territoire : citoyens, associations, entreprises et pouvoirs publics. Et c’est bien là sa force.
Une biovallée à Verviers ?
Cercles d’entrepreneurs, initiatives citoyennes de transition, conférence des bourgmestres, projets du GAL (groupe d’action locale) et de la Fondation rurale de Wallonie, actions associatives, développement du maraîchage et de l’agriculture biologique : le territoire de l’arrondissement verviétois est riche en dynamiques de transition sociale et écologique.
Il comporte un centre stratégique où se situent la ville de Verviers (50.000 habitants) et sa périphérie (Pepinster et Dison). Le territoire compte un peu plus de 200.000 habitants. « Le potentiel humain, tant en termes de consommateurs que d’initiatives, est indéniable », explique Virginie Hess, chargée de projet chez Ecoscénique.
Sous la houlette du ministre wallon de l’Environnement, elle a réalisé un travail exploratoire sur l’opportunité de développer, en Wallonie, un projet territorial et multi acteurs inspiré du laboratoire de la transition mené en Drôme.
La Charte de Milan comme socle d’un projet-pilote de développement territorial
Le 28 février 2018, les 20 communes francophones de l’arrondissement de Verviers (de Verviers, Pepinster et Plombières au nord à Stoumont au sud) ont signé ensemble la charte de Milan, sous l’impulsion du Réseau Aliment-Terre. Ils se sont ainsi engagés collectivement à soutenir le droit à une alimentation saine, nutritive, et surtout locale. La porte d’entrée de ce projet pilote de développement territorial axé sur la transition écologique et sociale ? Le circuit court et le produit local.
La Charte de Milan prône un nouveau modèle alimentaire et agricole et propose des mesures concrètes pour combattre le gaspillage alimentaire, la faim et l’obésité dans le monde. C’est le principal héritage de l’exposition universelle de 2015.
Pouvoirs publics, entrepreneurs et citoyens, main dans la main
En plus des vingt conseils communaux, des groupements locaux d’entrepreneurs ont également signé la Charte. « Ceux-ci s’engagent également à soutenir toute action promotionnant une alimentation saine et durable. Fait unique, ils marchent ensemble avec les pouvoirs publics dans une même direction. C’est là une des forces incontestables de cette dynamique. Car si les collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la réforme des systèmes agroalimentaires, elles ne peuvent y arriver sans l’appui des autres parties prenantes du territoire que sont les entreprises et les citoyens », analyse Virginie Hess.
La plus grande force du projet verviétois se situe dans la mobilisation conjointe des sphères politiques, économiques et associatives/citoyennes autour de ses objectifs. « Cette tripartite est l’un des principaux gages de réussite et de pérennité d’une démarche territoriale de transition. L’exemple de la Biovallée l’illustre bien », mentionne Olivier De Schutter.
Un laboratoire de la transition alimentaire
L’exemple de la vallée de la Drôme a été une grande source d’inspiration pour une mission réalisée dans l’arrondissement de Verviers en janvier 2019 par les chercheurs de LPTransition. « Durant une semaine, une dizaine de chercheurs et de chercheuses de différentes disciplines ont stimulé une réflexion sur la transition écologique conçue sur le mode territorial à partir des innovations sociales des acteurs locaux », précise le Pr De Shutter.
Une cartographie détaillée des initiatives de transition sur le territoire a été dressée. Les points forts et les points faibles de celui-ci ont été listés, afin d’y mener un projet sur le long terme s’inscrivant dans la transition écologique et sociale. Le rapport de recherche devrait être finalisé dans les prochains mois.