Quand le cœur passe en « courant alternatif »

14 février 2025
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Le bloc de branche gauche, vous connaissez? Il s’agit d’un trouble de la conduction électrique du cœur. Un trouble auquel le Dr Simon Calle vient de consacrer une thèse tout juste récompensée par le prix Jacqueline Bernheim. Ce prix est décerné chaque année par le Fonds pour la Chirurgie cardiaque. Il met à l’honneur la meilleure recherche ayant conduit au dépôt d’une thèse de doctorat réalisée dans une structure universitaire belge par un auteur qui n’a pas atteint l’âge de 40 ans.

« Le bloc de branche gauche fait référence à un des deux faisceaux de nerfs qui se situent entre les ventricules », explique le Dr Calle, cardiologue à l’hôpital universitaire de Gand. « Ce sont ces nerfs qui, via des signaux électriques, entraînent le cœur à se contracter. Il existe deux blocs de branche: un gauche et un droit. J’ai travaillé sur le bloc gauche. Quand il devient défaillant, cela peut déboucher sur de sérieux problèmes pour le patient. Même si le bloc restant, le droit dans ce cas, peut prendre le relais. »

Un « effet secondaire » devenu une source primaire de problèmes

Le bloc de branche gauche est un problème cardiaque moins fréquent que son problème « symétrique » : le bloc de branche droit. Il est néanmoins davantage préoccupant. « Les impulsions électriques dans le cœur, au niveau des ventricules, sont plus importantes dans le sens gauche-droite que dans le sens droite-gauche », résume le médecin. « D’où mon intérêt pour ce « BBG » (bloc de branche gauche, NDLR) comme on dit dans le jargon ».

« Dans le passé, le bloc de branche gauche était surtout diagnostiqué chez des patients présentant déjà l’une ou l’autre pathologie cardiaque, comme un problème de valve cardiaque ou un infarctus », détaille le cardiologue. « Depuis, on a découvert que le BBG pouvait être à l’origine de problèmes d’insuffisance cardiaque. Le problème que cela pose aux médecins porte sur l’identification de patients souffrant d’un problème de BBG susceptibles de développer ensuite une pathologie plus aigüe. C’est ici que se situe mon travail.»

Un premier diagnostic posé presque par hasard

Comme l’explique le Dr Calle, le bloc de branche gauche en lui-même ne pose pas nécessairement de souci. « Chez la plupart des patients, il n’est même diagnostiqué qu’à la faveur d’un autre problème, ou d’un électrocardiogramme chez un généraliste. Comme c’est un problème de nature électrique, on ne sait pas qu’on souffre de ce type de trouble de la conduction. » C’est en cas de complications que le risque pour la santé des patients augmente. Comment dès lors mieux identifier les personnes réellement à risque?

« Ce n’est pas évident », reprend-il. « Il n’existe pas vraiment de profil type de tels patients. Après la détection de cette pathologie à la faveur d’un examen de routine, un examen complémentaire réalisé par le cardiologue via une échographie va permettre de définir si réellement le cœur fonctionne de manière désynchronisée. Si la fonction cardiaque est affectée. Si le cœur n’éjecte plus autant de sang à chaque battement qu’il le devrait, surtout du côté du ventricule gauche. Dans ce cas, des examens complémentaires sont encore nécessaires. »

Les travaux du Dr Simon Calle qui viennent d’être récompensés ont permis de mieux cerner la physiologie pathologique du bloc de branche gauche. Ils ont aussi permis de mieux catégoriser les patients souffrant de BBG. Et ce, afin de proposer une intervention ciblée. Par exemple, en plaçant un stimulateur cardiaque spécifique, dit « à trois fils », aux patients qui pourront le plus en bénéficier. « Un stimulateur plutôt onéreux », concède-t-il.

Ses résultats encourageants ne signent pas la fin de l’exercice de recherche du médecin. « Mes résultats demandent maintenant à être confirmés par une étude clinique à plus vaste échelle », dit-il. « Cela appelle des travaux complémentaires. Ceux-ci sont déjà lancés à l’hôpital universitaire de Gand. Ces études complémentaires vont dès lors pouvoir profiter du montant financier (30.000 euros) qui accompagne le Prix Bernheim que je viens de recevoir », se réjouit le médecin qui a également pu partager ses bons résultats avec ses pairs, lors du Congrès annuel de la Société belge de cardiologie, qui vient de se tenir à Bruxelles.

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