Les menus spatiaux vont se mitonner à Gembloux

14 mars 2022
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

On ne mange pas dans un vaisseau spatial comme sur Terre. « Or, le succès des longues missions spatiales passe aussi par l’estomac des astronautes », estime le Pr Éric Haubruge, co-fondateur du Smart Gastronomy Lab et conseiller auprès du recteur de l’Université de Liège. Le chercheur belge est actuellement aux États-Unis. Il vient de visiter le « Food technology facility for electron beam and Space food research » de l’Université Texas A&M et son centre  de recherche spécialisé dans ce domaine. Des collaborations pourraient suivre.

Apporter la meilleure des nourritures aux équipages de la Station spatiale internationale ou à ceux qui pourraient voyager vers Mars, est un critère primordial pour la réussite de la mission. « Il ne s’agit pas simplement de bien calculer les quantités de protéines et les apports d’autres éléments nutritionnels de chaque repas », précise Éric Haubruge. « Il faut aussi que les aliments soient agréables à consommer et aussi frais que possible. C’est ici que se situent nos travaux concernant la nourriture spatiale. »

Des algues, des insectes et des champignons au menu

Cette dimension plaisir des repas joue énormément sur la psychologie de la personne, et donc sur ses performances. Cela passe par la qualité des ingrédients, leur préparation et leur présentation, leur texture, leur goût, leur odeur. Or, actuellement, ces différents paramètres sont réduits à leur plus simple expression. Irradiés et emballés sous vide avant d’être expédiées dans l’espace, les rations des astronautes ne ressemblent guère à ce qu’on retrouve sur Terre.

L’option étudiée au Smart Gastronomy Lab ? « Elle passe par la disponibilité de trois types d’aliments de base frais qui devraient être produits et préparés à bord même des vaisseaux spatiaux », détaille le scientifique. « Des algues (comme la spiruline), des insectes et des champignons, des aliments dont on pourrait modifier la structure, le goût, façonner l’apparence et la texture, mais qui conservent leurs qualités nutritionnelles. »

« Cuisiner dans ce type d’environnement, avec des contraintes spécifiques liées à la microgravité, cela représente un défi », dit le Pr Haubruge. « On ne sait pas bien émulsionner dans l’espace. Le cisaillement dans la structure des aliments pose également un problème. La cuisson ne peut pas se faire comme sur Terre. »

« Pour l’instant, nous travaillons sur les textures des aliments reconstitués au départ de ces ingrédients de base », continue-t-il. « Dans nos restaurants terrestres aussi, la cuisine, c’est de la science. Une science qui vise à construire un aliment qui plaît.»

« Au ‘Food technology facility for electron beam and Space food research’ de Texas A&M, on produit les rations alimentaires envoyées sur la Station spatiale internationale », poursuit le chercheur du laboratoire gembloutois qui accompagnait une mission de l’Awex, l’Agence wallonne aux exportations) et de WBI (Wallonie-Bruxelles International).

Cuisson par extrusion

« On y effectue aussi des recherches plus fondamentales. Des collaborations sont envisageables. D’autant plus que, comme nous, ils travaillent sur les diverses dimensions de cette problématique. Il y a la production de matière fraîche, sa transformation et sa préparation, mais également les aspects technologiques qui y sont liés. »

« On ne cuisine par en microgravité comme on le fait sur Terre : pas question d’y faire bouillir une marmite d’eau, par exemple. Il faut passer par un système de cuisson par extrusion, une technique qui rappelle l’impression en trois dimensions. Il y a aussi la question des déchets et de leur recyclage, des cycles de productions des matières premières, de l’énergie disponible pour faire fonctionner les bio et les photo-réacteurs.»

Pour mener ses recherches à bien, Éric Haubruge espère pouvoir bénéficier du soutien de l’Agence spatiale européenne (ESA). Celle-ci s’intéresse depuis longtemps à la problématique alimentaire dans l’espace. Elle a lancé un nouvel appel aux chercheurs à ce propos. Sa sélection de projets devrait être connue dans les semaines qui viennent. A Gembloux, les cuistots de l’espace ont déjà enfilé leur tablier.

 

Haut depage