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Les étoiles aussi peuvent trembler

14 juin 2022
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

C’est une des surprises du troisième catalogue Gaia, cette vaste étude des étoiles de notre galaxie entamée depuis 2014 par le satellite Gaia, de l’ESA (Agence spatiale européenne), et dans laquelle une quinzaine de chercheurs belges sont impliqués. Les étoiles aussi peuvent trembler! Ces tremblements sont de minuscules mouvements à la surface d’une étoile qui modifient sa forme. Ce type d’observation constitue un tour de force pour le satellite, qui n’avait pas été conçu pour en réaliser de ce type.

Deux milliards d’objets célestes sous la loupe

Lancés en 2013, le satellite Gaia et ses instruments scrutent les étoiles de notre galaxie et effectuent toute une série de mesures. Son but: créer la carte multidimensionnelle la plus précise et la plus complète de la Voie lactée.

Cette carte comporte des informations sur la position, la vitesse et la direction du mouvement de divers objets célestes, mais aussi sur leur luminosité, leur température et leur composition. Près de deux milliards d’objets dans notre galaxie et au-delà sont ainsi scrutés. De quoi permettre aux astronomes de reconstituer l’évolution passée de la galaxie sur des milliards d’années et d’ainsi envisager son évolution.

En ce qui concerne les tremblements d’étoile, Gaia avait déjà détecté dans le passé des oscillations radiales qui faisaient gonfler et rétrécir les étoiles périodiquement, tout en gardant leur forme sphérique. Cette fois, l’engin scientifique a également repéré des vibrations qui ressemblent davantage à des tsunamis. « Ces oscillations non radiales modifient la forme globale d’une étoile et sont donc plus difficiles à détecter », indique l’Agence spatiale européenne.

Quinze scientifiques belges à la manœuvre

« Les tremblements stellaires nous apprennent beaucoup sur les étoiles, notamment leur fonctionnement interne », indique la Pre Conny Aerts, de la KULeuven, membre belge de la collaboration Gaia. « Ces observations sont une mine d’or pour l’astérosismologie des étoiles massives », estime la lauréate du Prix Francqui en 2012 et qui a tout récemment été récompensée par un prix Kavli en astrophysique.

Les chercheurs de l’Observatoire royal de Belgique, de l’ULiège et de l’UAntwerpen mais aussi de l’ULB ont également contribué à l’exploitation des données de Gaia.

Les étoiles binaires « pesées » par l’ULB

Spécialisés dans le domaine de la spectroscopie astronomique, les membres de l’Observatoire royal de Belgique (ORB) ont analysé, étudié et classé les spectres obtenus par le satellite Gaia.

« En termes du nombre d’objets concernés et de la qualité des mesures, cette troisième publication des données de Gaia représente une étape cruciale dans le domaine de l’étude des étoiles de notre galaxie, en particulier de ses étoiles les plus jeunes, les plus chaudes et les plus éloignées », affirme le Dr Yves Frémat. Les astronomes de l’ORB ont également contribué à la mesure de la vitesse d’éloignement de plus de 33 millions d’étoiles, un nombre sans précédent.

Les chercheurs de l’ULB ont concentré leurs efforts sur l’étude des étoiles multiples. 86.921 binaires à éclipses (objets dont la luminosité varie en raison des occultations mutuelles des composantes du système binaire) et 134.598 binaires astrométriques (détectées à partir de perturbations de leur mouvement spatial causées par le mouvement orbital) ont été étudiées.

« Les binaires offrent un modèle de structure indépendant pour obtenir la masse de chaque étoile de ces systèmes », indique le Pr Alan Jorissen (ULB). Les chercheurs ont pu déterminer la masse de chaque étoile composant ces couples en combinant la troisième loi de Kepler (qui donne la masse totale du couple) et le spectre lumineux de chaque étoile.

« Nous avons déjà fait les calculs pour 79 couples d’étoiles », précise-t-il. « Un des enjeux de cette technique est qu’elle nous donne désormais accès aux objets compacts non lumineux, comme les trous noirs stellaires. De quoi faire progresser encore un peu plus nos connaissances en ce qui concerne les ondes gravitationnelles. »

Les vitesses des couples stellaires surveillés à Liège

A Liège, les chercheurs de l’Institut STAR disposent d’une expertise bien établie dans la caractérisation des orbites d’étoiles binaires sur base de leurs vitesses radiales. À partir de l’effet Doppler induit par le mouvement de va-et-vient d’étoiles orbitant l’une autour de l’autre, Gaia peut mesurer la vitesse apparente de l’une ou des deux composantes du système. Les mesures répétées de ces vitesses radiales au cours du temps sont ensuite utilisées afin de prédire le rapport de leurs masses en plus de la période, de l’inclinaison et de l’excentricité de leurs orbites.

Ces mêmes chercheurs sont également impliqués dans la détermination des « redshifts » et des distances de sources extragalactiques extrêmement brillantes que sont les quasars. Du fait de l’expansion de l’Univers, la longueur d’onde de la lumière émise par de tels objets subit un étirement lors de son voyage à travers le cosmos. Cet effet, appelé décalage vers le rouge (« redshift »), fait paraître le quasar plus rouge que lorsque sa lumière a été initialement émise, il y a de cela plusieurs milliards d’années. Plus de 6 millions de candidats quasars voient leur « redshifts » publiés dans ce troisième catalogue.

Enfin, à Anvers, les scientifiques ont contribué à la mesure des vitesses radiales et à l’étude de la variabilité stellaire.

Mais pourquoi cet engouement pour ce troisième catalogue Gaia, tout juste rendu public? N’est-ce pas qu’une affaire de spécialistes? « Sans aucun doute », dit encore le Pr Jorissen. « C’est de la recherche fondamentale, de l’exploration galactique. Mais là où les deux premiers catalogues nous dressaient des cartes générales de la galaxie, nous entrons désormais dans le détail. Notre objectif est de réaliser une cartographie galactique la plus précise possible. Comme Magellan l’a initié jadis avec ses explorations terrestres. Avec ce troisième catalogue, nous ne nous intéressons plus aux contours des continents, nous étudions désormais le débit des fleuves qui s’en échappent ainsi que leur composition chimique », conclut-il.

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