Série (3/5) : “Le retour des animaux sauvages”
Après plus d’un siècle d’absence, le retour de ce grand carnivore dans les forêts belges réjouit autant qu’il inquiète. Observé depuis maintenant 5 ans en Wallonie, le loup gris (Canis lupus lupus) y est suivi à la trace par le Réseau Loup, un groupe d’experts piloté par le Département de l’Étude du Milieu Naturel et Agricole du Service Public de Wallonie.
Jusqu’à présent, un seul couple s’est établi dans les Hautes-Fagnes. Mais il est pressenti que ce nombre augmentera rapidement. Aussi, les autorités wallonnes ont décidé de prendre les devants en adoptant un plan d’action, dont le but sera de faciliter la cohabitation entre loups et humains.
Un animal qui se disperse dans toute l’Europe
Au milieu du 19e siècle, après des décennies de surexploitation et de déboisement, la forêt belge s’est retrouvée réduite à peau de chagrin. Un phénomène qui se note dans toute l’Europe occidentale.
Cela a eu pour effet de réduire drastiquement l’habitat du loup. Mais aussi celui de ses proies de prédilection : le gibier. L’animal s’est alors mis à attaquer plus fréquemment des herbivores domestiqués.
En réponse, les humains ont massivement chassé l’espèce, jusqu’à sa complète disparition de nos régions. Seules quelques populations ont subsisté en Europe, notamment en Italie et en Pologne.
Par la suite, le loup a bénéficié du statut d’espèce protégée, ce qui a permis de favoriser sa reproduction et sa réinstallation naturelle dans les endroits qu’il occupait autrefois.
« Ce sont des animaux territoriaux », rappelle Violaine Fichefet, biologiste au SPW Environnement, et coordinatrice du Réseau Loup. « Quand les louveteaux atteignent l’âge adulte, ils partent chacun de leur côté en quête de leur propre territoire. Celui-ci peut se trouver à proximité du territoire des parents, comme se situer à des milliers de kilomètres. C’est durant cette période dite de « dispersion » que l’on peut apercevoir des loups parcourir, seuls, des pays entiers. »
Les loups rétablis dès 1992 dans les Alpes françaises venaient d’Italie. Quant à ceux réapparus en Allemagne en 2000, ils étaient originaires d’Europe de l’Est.
« Le retour du loup en Belgique, confirmé depuis 2016, n’était donc pas une surprise, puisque le pays se trouve au carrefour des voies de dispersion des populations de lignées germano-polonaises et italo-alpines », informe Violaine Fichefet.
Par ailleurs, notre pays dispose aujourd’hui de conditions favorables à la réhabilitation de l’espèce, comme une abondance de proies sauvages, et une meilleure superficie forestière, avec une augmentation de 25% du couvert forestier au cours des 150 dernières années.
Akela, Maxima, Noella et August, les nouveaux hôtes de nos forêts
Le tout premier individu à s’être établi en Belgique était la louve dénommée Naya. Illégalement abattue alors qu’elle attendait sa première portée, elle aurait parcouru jusqu’à 700 km depuis le nord de l’Allemagne avant de se fixer dans le Limbourg.
En Wallonie, le Réseau Loup a confirmé – sur base de traces ADN, de photos ou de vidéos – le passage d’une dizaine de loups depuis 2016. Pour l’heure, seuls deux couples se sont établis en Belgique.
Côté wallon, on retrouve le loup Akela, observé dans les Hautes-Fagnes depuis 2018, qui a été rejoint par Maxima, à la fin 2020. Une première portée est attendue dans les mois à venir.
En Flandre, le Limbourg accueille déjà une première meute, composée du couple Noella et August, et de leurs petits.
« On suppose néanmoins que ce nombre va aller en augmentant au vu des populations présentes chez nos voisins, notamment en Allemagne », signale la coordinatrice du Réseau Loup. De fait, d’après le monitoring de 2019/2020, 128 meutes y ont été recensées.
L’installation d’autres loups est imminente. D’autant qu’il existe peu d’obstacles à leur retour. « Ils n’ont, en effet, aucun prédateur naturel chez nous. L’animal est, ce qu’on appelle, un ‘superprédateur’. Pour autant, il est peu probable qu’on arrive un jour à une surpopulation. Comme c’est une espèce territoriale, les zones d’habitat ne vont jamais se couvrir. Dès lors, quand il n’y aura plus de place chez nous, les loups en dispersion iront ailleurs.».
Pour une cohabitation harmonieuse, la Wallonie a un plan
Le retour de ces canidés en Belgique s’avérera utile pour réguler les populations de gibiers, lesquelles sont en augmentation continue depuis plusieurs décennies. Il permettra, surtout, d’assainir ces populations. Le loup a, en effet, tendance à chasser les proies les moins rapides d’un groupe : les plus jeunes, les plus vieilles ou les malades.
Le tout sera de l’inciter à rester en forêt, et à se nourrir de proies sauvages. D’où la création d’un « Plan pour une cohabitation équilibrée entre l’homme et le loup en Wallonie ». Celui-ci a pour objectif de suivre la présence et l’installation des loups en Wallonie, et de renforcer la protection de l’espèce. Mais aussi de soutenir la protection des troupeaux d’élevage, en mettant à disposition de kits de protections temporaires, et en finançant des moyens de prévention plus durables. Tout en élargissant les possibilités d’indemnisation en cas de pertes.
« Pendant plus d’un siècle, les Belges et les loups ont vécu séparément et doivent aujourd’hui réapprendre à vivre ensemble. L’objectif du Plan Loup sera donc de faciliter au maximum leur coexistence », conclut Violaine Frichefet.
Assurer dès aujourd’hui une cohabitation harmonieuse est d’autant plus nécessaire que d’autres grands carnivores pourraient très bientôt s’installer dans nos contrées, tels que le lynx boréal ou le chacal doré.