Vue d'artiste de la mission EnVision © ESA -VR2Planets -Damia Bouic

La mission européenne EnVision ambitionne de percer les secrets de Vénus

14 juillet 2023
par Camille Stassart
Temps de lecture : 5 minutes

Série : Pleins feux sur notre Système solaire (3/5)

Malgré les nombreuses missions d’exploration lancées sur cet astre, Vénus continue d’intriguer les scientifiques. De nombreuses questions restent encore aujourd’hui sans réponse, les principales étant : pourquoi et comment cette planète, si semblable à la Terre par certains aspects, a-t-elle évolué de manière si différente ?

La nouvelle mission EnVision de l’Agence spatiale européenne (ESA) tentera de résoudre cette énigme en analysant le sous-sol, la surface et l’atmosphère vénusienne. Cette dernière sera, entre autres, sondée par un spectromètre actuellement développé à l’Institut d’Aéronomie spatiale de Belgique (IASB).

Les nouvelles connaissances qu’apportera cette mission constitueront une étape essentielle pour mieux comprendre les conditions de formation des planètes et de l’émergence de la vie.

Venus © ESA-MPS-DLR-IDA – M Pérez-Ayúcar et C Wilson

Une voisine inhospitalière

Astre le plus brillant de notre ciel, Vénus est observée depuis la nuit des temps par l’être humain. Etant la planète la plus proche de la Terre, elle devient logiquement la cible des premières missions d’exploration spatiale. Elle est ainsi la première planète à être survolée par un engin spatial, Mariner 2, en 1962. Son atmosphère est également la première atmosphère extraterrestre à être pénétrée dès 1967 par la sonde russe Venera 4. Trois ans plus tard, Venera 7 accomplit l’exploit de se poser sur sa surface, ce qui constitue le premier atterrissage réussi sur le sol d’une autre planète.

En 60 ans, une vingtaine de missions spatiales sont envoyées vers Vénus avec succès. Ces observations permettent de révéler un monde étonnement similaire à la Terre en termes de taille et de compositions chimiques, mais aussi particulièrement hostile au développement de la vie.

Son épaisse couche gazeuse est, en effet, composée essentiellement de CO2 et enveloppée de nuages riches en acide sulfurique. Sa température en surface dépasse les 450 °C, et la pression atmosphérique y est 90 fois plus forte que sur Terre. Son sol montre, par ailleurs, des signes d’une ancienne activité volcanique importante (et potentiellement toujours active). Son champ magnétique est aussi très faible, ce qui la protège peu du rayonnement cosmique.

Panorama de la surface de Vénus prise par la sonde Venera 14 en 1982 © Académie russe des sciences-Ted Stryk

Un dynamisme atmosphérique surprenant

De 2005 à 2014, la mission Venus Express de l’ESA – à laquelle a aussi participé l’IASB – permet de réaliser de nouvelles découvertes sur son enveloppe gazeuse.

« L’instrument SOIR (Solar Occultations in the InfraRed), un spectromètre développé par l’Institut, a notamment permis de scanner la composition de l’atmosphère avec une résolution phénoménale », indique Ann Carine Vandaele, responsable de l’unité de recherche sur les atmosphères planétaires à l’IASB. « Nous avons ainsi pu fournir les premiers profils verticaux d’un certain nombre de composés chimiques au-dessus des nuages, comme le monoxyde de soufre, le dioxyde de soufre, l’oxysulfure de carbone, etc. Des gaz qu’on ne trouve que sous la forme de traces, mais qui restent importants dans les processus chimiques de l’atmosphère de Vénus. »

Les chercheurs ont aussi découvert que les concentrations en CO2 étaient très variables. « Comme Vénus ne possède pas de saisons, la température en dessous des nuages n’évolue presque pas, et on imaginait que l’atmosphère devait aussi être très stable. Or, il s’avère qu’elle est étonnement dynamique.»

Illustration de l’instrument VenSpec H © IASB

Des processus volcaniques toujours en cours ?

Ces variations de gaz seront davantage étudiées lors de la mission EnVision. L’idée sera, notamment, de mieux comprendre les liens qui existent entre les processus qui ont lieu en surface et dans l’atmosphère. Cette mission étudiera ainsi l’activité et les caractéristiques géologiques de la planète, et leur influence sur son enveloppe gazeuse.

Pour ce faire, la sonde embarquera cinq instruments : deux radars et trois spectromètres, appelés VenSpec. « Le spectromètre VenSpec-H (pour High Resolution), actuellement développé à l’IASB, aura pour mission de mesurer les concentrations et les variations de certains gaz dans l’atmosphère, et particulièrement celles de la vapeur d’eau, du CO et du SO2, qui sont associés sur Terre aux émissions volcaniques », fait savoir Ann Carine Vandaele, à la tête de l’équipe chargée de concevoir l’instrument.

Carte relais de vol développée pour l’instrument SOIR © Camille Stassart

 

Circuit intégré développé pour l’instrument SOIR © Camille Stassart

Une architecture en phase de finalisation

Financé par la Politique scientifique fédérale (BELSPO) et le programme Prodex, le développement du spectromètre sera réalisé en collaboration avec l’entreprise belge OIP et d’autres partenaires espagnols, néerlandais, suisses, allemands et portugais. « Pour l’heure, nous sommes en train de finaliser le design de l’instrument. Cette phase se terminera en janvier 2024. On devra alors démontrer à l’ESA que l’instrument est non seulement constructible, mais qu’il remplira bien les objectifs scientifiques fixés par la mission », précise la scientifique.

Le lancement d’EnVision est actuellement prévu pour 2031, et mettra 15 mois pour atteindre la planète. Entre temps, le projet VAMOS, également coordonné par Ann Carine Vandaele, réexaminera les données récoltées lors de la mission Venus Express à l’aide de nouvelles méthodes d’analyses, dont le machine learning.

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