Cerhum a imprimé un nez en 3D

14 août 2023
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 5 min

C’est du laboratoire de Cerhum qu’est sorti le nouveau nez d’une patiente qui en était démunie suite à un cancer des fosses nasales. Cette entreprise spécialisée en production de greffon en os synthétique, sise au Sart-Tilman (Liège), est le fruit des recherches en biomatériaux menées par Dr Grégory Nolens. « Voilà 8 mois que l’intervention chirurgicale a eu lieu, et la patiente se porte bien. Après avoir passé 10 ans sans oser sortir de chez elle, elle va désormais se promener et cherche même un emploi. » C’est une réussite totale et une première mondiale.

Prévascularisation

La patiente avait été traitée en 2013 pour un carcinome épidermoïde par radiothérapie et chimiothérapie. Ces traitements lui ont fait perdre son nez ainsi que la partie antérieure de son palais.

« Pendant plus de quatre ans, elle a vécu sans nez, confrontée à des échecs de reconstruction nasale par greffe de lambeaux de peau et à une difficulté à supporter le port d’une prothèse faciale. Nous lui avons alors proposé une reconstruction nasale inédite, par un biomatériau sur mesure », expliquent Pr Agnès Dupret-Bories et Dr Benjamin Vaire, les deux chirurgiens qui l’ont opérée au CHU de Toulouse.

Dans un premier temps, les os de nez imprimés en 3D par le laboratoire liégeois ont été implantés sur l’avant-bras de la patiente. Et ce, afin que des vaisseaux sanguins colonisent le greffon. « Au bout des deux mois, le nez a été découpé avec la peau et les vaisseaux sanguins, et transplanté au niveau du visage de la patiente. Les chirurgiens ont alors connecté les vaisseaux sanguins de la peau du bras avec des vaisseaux de la tempe de la patiente ( on parle de microchirurgie par anastomoses, NDLR) », explique Dr Nolens.

La patiente est désormais capable de respirer par le nez et sent à nouveau les odeurs. « Les terminaisons nerveuses de l’odorat se trouvent au niveau des sinus. Le nez a une fonction d’humidification de l’air. Si on n’a plus de nez, l’air arrive asséché au niveau des récepteurs, et ceux-ci ne sont pas activés. En remettant un nez, les récepteurs se sont réactivés grâce à l’air humidifié, le corps s’est réadapté. » En plus de lui avoir redonné figure humaine, Cerhum et les chirurgiens ont rendu à la patiente un sens qu’elle avait perdu !

Mise en nourrice dans l’avant-bras de la patiente de l’implant osseux imprimé en 3D par Cerhum © CHU Toulouse / Cerhum

Des implants osseux sur mesure

Pour imprimer ses implants, Cerhum utilise une biocéramique dont la composition se rapproche très fort de l’os humain. Il s’agit d’hydroxyapatite, constituée d’hydroxyde de calcium et de phosphate.

Au contraire d’implants en plastique ou en métal, ce matériau conjugue durabilité et biocompatibilité. Et réduit fortement les risques d’infection ou de rejet. « L’impression 3D nous permet de réaliser des greffons osseux sur mesure pour chaque patient. Là où notre produit est le plus innovant, c’est par sa porosité. Nous l’avons développée au laboratoire pour que les cellules, qui adorent les courbes et une certaine rugosité, soient plus facilement vascularisées. Nos études ont montré que nos implants osseux poreux permettaient des reconstructions osseuses 5 à 7 fois plus rapides qu’avec d’autres produits et d’autres géométries imprimées en 3D. »

Chaque produit est une pièce unique, développé à façon pour un patient. Comment cela se passe-t-il ? « Le chirurgien avec lequel on travaille dépose sur notre plateforme on-line (développée par 3D-side, une start-up louvaniste spécialisée en solutions softwares pour interagir avec les chirurgiens), les CT-scans du patient. Aussi appelée tomodensitométrie, il s’agit d’une technique d’imagerie par rayons X qui découpe le corps en tranches. En compilant ces différentes couches, on reconstruit numériquement le squelette du patient en 3D. Sur cette base, on propose au chirurgien un greffon numérique. Il va le critiquer, et dire comment il veut le fixer. En fonction de cette discussion, on modifie la proposition et lui propose un volume 3D. Une fois accepté, il est imprimé, stérilisé puis envoyé à l’hôpital. Le chirurgien n’a qu’à ouvrir le patient, visser, et c’est fini », explique Dr Nolens.

Entre la demande d’un chirurgien et la réception du greffon osseux, il s’écoule généralement entre 2 à 4 semaines.

Dr Grégory Nolens © Cerhum

Applications maxillo-faciales, esthétiques et dentaires

Cerhum se focalise sur la reconstruction osseuse de grands défauts maxillo-faciaux. « Les patients que l’on contribue à réparer sont des personnes souffrant d’un trauma suite à un accident de voiture, d’un trauma balistique ou d’une maladie congénitale, comme cette jeune fille dont la mandibule n’avait pas grandi avec le reste de son visage. »

« En parallèle, nous développons des applications en chirurgie plastique : pour des personnes qui veulent avoir un menton plus en avant, des pommettes plus saillantes, un nez plus affiné. »

« Nous adaptons aussi le produit pour le marché dentaire. Après le retrait d’une ou plusieurs dents, l’os fond si on ne fait rien. Quand on veut remettre de nouvelles dents, on met un implant, qui est comme une vis qui supporte une fausse dent. Mais si on n’a pas assez d’os, cet implant ne tient pas. Le chirurgien doit alors remettre de l’os, soit en le prélevant sur le patient, soit en insérant un greffon d’os synthétique. Notre produit a de l’avenir dans ce domaine, notamment dans les reconstructions complexes. Nous réalisons actuellement des essais précliniques, et on est en discussion avec des chirurgiens pour valider notre produit en clinique », conclut Dr Nolens.

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