Deux conférenciers au Collège Belgique, l’historien des sciences Jacques Arnould et l’astrophysicien Jean-Pierre Bibring scrutent l’espace. Dans «Qui va là? L’humanité face à l’extraterrestre» de la collection l’Académie en poche. Et dans «Seul dans l’Univers» aux éditions Odile Jacob.
Une idée séduisante et effrayante
«Sommes-nous seuls dans l’Univers?». Le livre de Jacques Arnould s’ouvre sur cette interrogation. Selon le docteur en histoire des sciences et en théologie, «l’idée que nous puissions être les seuls organismes dotés d’intelligence et de conscience, d’arts et de cultures est aussi séduisante qu’effrayante. Et les progrès accomplis depuis la fin du XIXe siècle par l’astronomie puis, à partir du milieu du XXe siècle, par l’astronautique n’ont fait que renforcer cette fascination.»
Le membre associé de la Classe technologie et société à l’Académie royale de Belgique évoque Théodore Sturgeon qui publie, en 1953, «A Saucer of Loneliness», «Une soucoupe de solitude». Une jeune femme est arrêtée, jugée, malmenée pour n’avoir pas révélé spontanément qu’une soucoupe lui a dit: «Sachez qu’au sein de l’immensité, il existe plus solitaire que vous». En 2017, Oliver Jenkins, autiste Asperger, gagne le concours de la National Aeronautics and Space Administration étatsunienne (NASA) avec son message transmis à la sonde Voyager 1: «Nous offrons l’amitié à travers les étoiles. Vous n’êtes pas seuls.»
Respecter l’imagination
Pour Jacques Arnould, «avant d’acquérir une réponse qualifiée de scientifiquement et raisonnablement certaine au problème de l’existence d’êtres extraterrestres, il convient de tenir compte et même de respecter tous les produits de l’imagination humaine qui ont proposé et proposent aujourd’hui une réponse à cette question.»
«Jamais nous ne pourrons être assurés, jamais nous ne pourrons affirmer que nous sommes réellement seuls au sein de notre Univers», ajoute l’expert éthique au Centre national d’études spatiales à Paris.
Réunissant astronomes, biologistes, chercheurs en histoire des sciences, en sciences humaines et en philosophie, l’astrobiologie ou l’exobiologie étudie l’origine, l’évolution de la vie dans l’Univers. La NASA finance des recherches en laboratoire, dans les missions planétaires.
«Les nouveaux entrepreneurs de l’espace ne feront appel aux connaissances acquises et produites par l’astrobiologie que pour gérer à leur profit l’éventuelle présence de formes vivantes sur les corps célestes qu’ils auront décidé de conquérir ou pour limiter les dangers associés à l’importation sur Terre de produits extraterrestres», pense l’expert. «Pouvons-nous attendre davantage de la part des héritiers des chercheurs d’or de l’Alaska?»
D’autres formes de vivant
Jean-Pierre Bibring, spécialiste de l’exploration du système solaire, considère «qu’il ne s’agit plus, à ce stade, de partir à la recherche d’êtres intelligents, voire d’êtres tout court, par un réflexe anthropocentré couplé à une vision offrant à l’humanité la marche supérieure d’une échelle évolutive hiérarchisée! La simple présence de vie ailleurs, sous quelque forme que ce soit, constituerait déjà une découverte aux conséquences immenses!»
Le vivant sur Terre ne serait pas la seule forme de vivant? «Il nous serait la seule aujourd’hui accessible… jusqu’à ce que d’autres formes de vie soient identifiées ailleurs. Des disciplines entières, regroupées au sein de l’exobiologie, se donnent cet objectif de les concevoir. Voire de les détecter. Et de les caractériser.»
Objectif Mars
On parle de migrer sur une autre planète, Mars… «Loin de ne s’agir que d’une perspective de tourisme spatial, d’un luxe extrême et insolent, l’objectif mêle une préoccupation montante», pour le professeur de physique à l’Université Paris-Sud. «Offrir de fuir un environnement devenu impropre à l’homme, par sa propre activité!»
Le scientifique relève que «c’est bien l’homme dans un certain processus de production qui malmène la biosphère. Ce qui ouvre la possibilité qu’en changeant celui-ci, puissent naître des perspectives autres que de tristes fatalités. Ou de fuite désespérée!»
«Plus fondamentalement, il ne fait aucun sens d’imaginer créer, ailleurs que sur Terre, l’ensemble des propriétés construites en plus de 4 milliards d’années d’évolution singulière de la Terre. Et qui ont conduit à la diversité biologique, nécessaire en particulier à l’existence même de l’humanité.»
«Hors de son environnement, sur Mars comme sur la Lune, en avion ou en station orbitale, l’homme, terrien par essence, ne peut vivre qu’en des bidons pressurisés d’air de Terre. Et alimenté de nourritures terrestres!», conclut l’expert qui travaille pour la NASA. Et l’Agence spatiale européenne (ESA).