Une molécule bloque les rechutes d’un cancer du sein agressif et ses métastases

15 mars 2022
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

À l’Institut de Recherche Expérimentale et Clinique (IREC) de l’UCLouvain, à Woluwe-St-Lambert, le Pr Pierre Sonveaux a le sourire. Après sept années de recherches, il vient de tester, sur des souris, avec son équipe une molécule capable d’empêcher l’apparition de métastases, mais aussi les rechutes d’un cancer du sein agressif: le cancer triple négatif.

« C’est la molécule MitoQ, testée sur des cancers du sein humains triple négatif induits chez des souris  qui est à l’origine de ces blocages», explique le directeur de recherche FNRS. « MitoQ s’est avérée très efficace. Dans certains modèles expérimentaux, elle empêche jusqu’à 75% de récidives locales après la chirurgie. Et son efficacité pour la prévention des métastases approche les 80%. »

Poumons traités avec MitoQ à droite, et sans cette molécule, à gauche © UCLouvain

Les images des poumons de souris porteuses de cancer du sein triple négatif humain parlent d’elles-mêmes. À gauche, on observe des poumons de souris traités par chirurgie et chimiothérapie conventionnelle, mais sans MitoQ. Les poumons ont été noircis pour des questions de contraste, afin de mieux observer les métastases. Ces métastases apparaissent blanches, car elles sont peu vascularisées. À droite, on observe également l’image des poumons d’une souris porteuse de cancer du sein triple négatif humain traitée par chirurgie et chimiothérapie conventionnelle, mais avec MitoQ. La différence est flagrante.

Une patiente sur deux fait une rechute ou développe des métastases

Actuellement, une patiente sur deux souffrant de ce type de cancer développera des récidives locales et des métastases, peu importe le traitement. « À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement spécifique capable d’empêcher ces événements. Dans le cas d’un cancer du sein triple négatif généralisé, seule une patiente sur 10 a une chance de guérir », précise le Pr Sonveaux.

Par ailleurs, MitoQ est une molécule ayant déjà fait l’objet de tests cliniques pour d’autres indications. Notamment des tests de phase II chez des patients humains, concernant la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson et l’hépatite C.

« L’entreprise qui est titulaire des brevets de MitoQ mène ses essais cliniques à l’étranger sur ces pathologies », indique Pierre Sonveaux. « Nous allons en faire de même à l’UCLouvain en ce qui concerne le cancer du sein triple négatif humain. Le panel de patientes est déjà déterminé. Nous commencerons cette étude dès que le contrat avec le propriétaire de la molécule sera signé. »

Si la molécule tient ses promesses en phase II, et empêche effectivement rechutes et métastases de se produire, les choses pourraient s’accélérer. Comme ces travaux portent sur un médicament déjà existant, compatible avec les traitements habituels de ce type de cancer et en train de passer les tests de validation pour d’autres pathologies, il pourrait rapidement arriver chez les spécialistes.

Un médicament qui cible les mitochondries

C’est en étudiant le mécanisme de fonctionnement de MitoQ que l’équipe bruxelloise a pu déterminer que la molécule empêchait l’activation des cellules souches cancéreuses dans le cancer du sein.

Tous les cancers contiennent deux types de cellules cancéreuses : celles qui prolifèrent et qui participent directement à la croissance des cancers (augmentation de taille), et les cellules souches cancéreuses. « Ces cellules pernicieuses sont dormantes. Elles attendent leur heure pour induire une rechute du cancer après traitement, pour générer des métastases dans différents tissus, et bien souvent pour faire les deux », indique le Pr Sonveaux.

« Au niveau moléculaire, MitoQ bloque un signal qui permet le réveil des cellules souches cancéreuses. Notre équipe a montré que ce blocage ne concerne que les cellules cancéreuses. Les cellules normales sont donc épargnées. La source de cette sélectivité est un fonctionnement anormal des mitochondries, les centrales énergétiques cellulaires, dans les cellules cancéreuses en général et dans les cellules souches cancéreuses en particulier. »

Suite à ces résultats, le Pr Sonveaux va poursuivre ses recherches sur MitoQ dans les cancers du pancréas et de la prostate.

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