Chaque minute, dans le monde, un million de déchets plastiques sont jetés après un temps d’utilisation moyen de 15 minutes … Que faire face à cet amoncellement de détritus ? Une solution est d’y séquestrer le CO2, gaz à effet de serre honni, pour transformer ces déchets plastiques en matériaux davantage performants et à longue durée de vie, le tout avec une empreinte carbone négative. C’est en tout cas le but poursuivi par le projet PLUCO (Plastic Waste Upcycling by CO2 Valorization), qui vient de bénéficier d’une subvention du Fonds AXA pour la Recherche d’un million d’euros sur 5 ans. Il est dirigé par Professeur Olivier Coulembier, maître de recherches FNRS au sein de Laboratoire Matériaux Polymères et Composites de l’Université de Mons.
Le recyclage par voie mécanique n’est pas la panacée
En 2018, en Europe, environ 18 millions de tonnes de plastiques usagés ont été collectées pour être traitées. Près de 19 % sont allés en décharge. Près de 40 % ont été incinérés et l’énergie produite a été récupérée. Et 42 % ont rejoint la filière des plastiques recyclés.
Le recyclage se fait soit par pyrolyse soit par recyclage mécanique. La pyrolyse consiste à chauffer le plastique à une température élevée afin de casser les macromolécules qui le composent en molécules plus petites. Celles-ci sont alors récupérées, et éventuellement purifiées, pour être utilisées notamment comme carburant de synthèse.
Quant au recyclage mécanique, il consiste à trier les plastiques par famille, à les laver avant de les chauffer pour les faire fondre (à une température moins élevée que la pyrolyse). Ensuite, le plastique fondu est moulé dans une nouvelle forme ou réinjecté dans une nouvelle matrice de polymères, formant alors un plastique partiellement composé de matière recyclée.
« Simple et économiquement viable, le recyclage par voie mécanique est plus intéressant que la pyrolyse. Mais il faut noter que chauffer les plastiques et les faire fondre engendre une dégradation du polymère, qui se répercutera sur les propriétés finales du matériau. Donc après avoir soumis le plastique au chauffage un certain nombre de fois, ce type de recyclage s’essouffle et ne peut plus être appliqué. De plus, 2 tonnes de plastique traitées par voie mécanique libèrent une tonne de CO2 dans l’atmosphère. Ce n’est donc pas la panacée», explique Pr Coulembier.
Catalyse organique et conditions douces
Le projet PLUCO s’inscrit en alternative aux méthodes de recyclage classiques. « Nous voulons développer une voie de recyclage avec l’empreinte carbone la plus faible possible, voire une empreinte carbone nulle. Et pourquoi pas négative, c’est-à-dire que l’émission de CO2 en fin de course est inférieure à la quantité de CO2 utilisée au début du processus de recyclage », poursuit-il.
Pour obtenir ce bilan négatif, les scientifiques ont imaginé un procédé de recyclage séquestrant le CO2 dans un plastique à longue durée de vie.
L’équipe va tout d’abord travailler sur la transformation du CO2 en molécules pouvant être utilisées ultérieurement dans le processus de recyclage. Pour être plus précis, le CO2 sera converti en sels de carbonate, selon une réaction simple, en une seule étape, connue depuis longtemps.
Mais alors que celle-ci est généralement réalisée en présence de catalyseurs métalliques toxiques et de hautes pressions et températures, le projet PLUCO, riche de l’expertise du Laboratoire Matériaux Polymères et Composites de l’UMons dans ce domaine, va utiliser de petites molécules organiques non toxiques en guise de catalyseurs. Et ce, à températures et pression ambiantes.
« Cette catalyse organique permettra de produire rapidement et efficacement divers sels de carbonate : de quoi être compétitif. » Ces sels de carbonate, de structures moléculaires différentes, seront utilisés dans la deuxième étape du processus de recyclage du plastique.
Des thermoplastiques améliorés
Les matériaux entrant dans le projet PLUCO sont des polyoléfines non dégradables, plastiques parmi les plus responsables de la pollution environnementale. Il s’agit de thermoplastiques, comprenant notamment le polypropylène et le polyéthylène, deux composés très populaires en raison de leur grande diversité d’applications.
« Les voies de traitement et de recyclage classiques conduisent inévitablement à la dégradation des longues chaînes hydrocarbonées, ce qui fragilise à terme le produit final obtenu. Nous allons développer une méthode de transformation plus douce, permettant de préserver leur structure et d’ajouter des points d’ancrage sur ces macromolécules. » Et sur ces points d’ancrage, viendront se lier les sels de carbonate produits lors de la première étape.
« Nous travaillerons en conditions peu énergivores, non destructives, sélectives aux liaisons entre carbone et hydrogène, et tolérantes aux additifs et colorants présents dans le plastique à transformer et recycler. En effet, aux hautes températures de la pyrolyse (300 à 450 °C) et du recyclage mécanique (150 – 250 °C), additifs et colorants peuvent catalyser la dégradation du plastique. Afin d’éviter cette dégradation, et donc de garder les propriétés intrinsèques du matériau, nous voulons travailler à température plus basse. Grâce à la catalyse organique, on devrait pouvoir y arriver », analyse le Pr Coulembier.
Suite à l’ajout de divers sels de carbonate, le déchet plastique recyclé se trouve transformé, et doté de nouvelles fonctions aux propriétés chimiques encore inconnues. Un nouveau terrain d’investigation pour les chercheurs.
L’espoir de matériaux de construction durables
Quel matériau, les chercheurs, espèrent-ils concevoir au départ des thermoplastiques? « Ce qui serait fantastique, et contribuerait à ralentir les changements climatiques, ce serait un matériau de construction. En effet, séquestré de la sorte, on estime qu’il faut un million d’années au CO2 pour regagner l’atmosphère ! » A titre de comparaison, du CO2 transformé en carburant de synthèse est rejeté dans l’air un an à peine après en avoir été extrait.