« Voilà un outil simple qui nous sert au quotidien en nous permettant de vaincre notre isolement », explique Francis Delorge, atteint de la maladie de Parkinson comme 50.000 autres Belges. Avec des chercheurs de l’Université de Mons et de l’Université Polytechnique Hauts-de-France, il a participé à la construction de ParkinsonCom, une application gratuite d’aide à la communication pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson et leurs aidants.
Ce projet a été financé à hauteur de 1,638 million d’euros par l’Union Européenne et l’Agence wallonne pour une vie de qualité (AViQ) dans le cadre du programme de coopération transfrontalière INTERREG France-Wallonie-Vlaanderen.
La parole qui s’en va
La maladie de Parkinson est connue à travers ses symptômes moteurs. Toutefois, un quart des patients souffrent en sus de troubles cognitifs, majoritairement des difficultés de communication.
Ce trouble de la motricité de la parole s’installe petit à petit, et réduit progressivement l’intelligibilité. « Au début, les Parkinsoniens ont encore la parole fluide, quoiqu’un ton plus bas, puis cette fluidité cesse », explique Francis Delorge.
Les conséquences de cette communication déclinante vont de l’anxiété au retrait social complet, et nuisent à la qualité de vie des patients.
« Ces syndromes apathiques concernent 25% des patients dès les premiers stades de la maladie, et 40% dans les 5 à 10 ans. L’apathie est aussi liée à une moins bonne réponse aux traitements pharmacologiques et un sentiment de détresse plus important chez les aidants proches. Or, le soutien social est positivement corrélé avec la qualité de vie de la personne parkinsonienne », notent les chercheurs.
« Jusqu’à aujourd’hui, si des technologies ont été élaborées pour les symptômes moteurs, elles l’ont été au détriment d’une réponse pragmatique aux plaintes liées à la communication. »
Recherche participative
Face à ce constat, des chercheurs du service d’orthopédagogie clinique de l’UMons ont travaillé de concert avec des collègues du Laboratoire du transport et de la mobilité humaine du département d’informatique de l’Université Polytechnique Hauts-de-France. En 3 ans de recherche, ils ont créé un logiciel pour faciliter la communication des patients parkinsoniens.
« Pour une pertinence maximale du produit fini, des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ont été impliquées dans chaque étape du développement du logiciel : l’identification du besoin, la conception du logiciel, l’évaluation du prototype et l’évaluation du logiciel final », explique Pre Kathia Oliveira, chercheuse en informatique qui a dirigé ce projet.
« La consultation de personnes atteintes de la maladie de Parkinson, c’est-à-dire des futurs utilisateurs, ainsi que la prise en compte des remarques qu’ils émettent ont été primordiales pour le succès final. De manière conviviale et simple, une réponse est apportée au besoin de communiquer. Une fois le prototype du programme disponible, il a été présenté aux différentes associations de patients des pays impliquées. La mise à l’essai a permis un certain nombre de modifications nécessaires et d’ajustements utiles au niveau du confort », explique Lut Moereels, membre de la Vlaamse Parkinson Liga. Il est à noter que l’application est disponible tant en français qu’en néerlandais.
Au total, 99 patients ont échangé avec les professeurs, médecins, ingénieurs et autres membres de l’équipe projet pour coconstruire cette application innovante, désormais mise gratuitement à disposition du public.
Phrases pré-écrites et clavier adapté
Quels sont les avantages de cette application ? Elle permet d’écrire des messages à l’avance, lorsque le patient se sent bien, et de les enregistrer pour les utiliser plus tard, quand il est moins en forme. « En un minimum d’action, 3 clics sur la tablette, on peut déclencher une phrase préprogrammée avec les informations que l’on souhaite. Ces phrases sont saisies à l’avance par soi-même ou par un des soignants, et constituent la base d’une conversation que l’on souhaite avoir dans son propre intérêt », poursuit Lut Moereels.
« Imaginez un couple dont la femme est parkinsonienne depuis 20 ans. Grâce à l’application, et au clavier, elle pourra enfin répondre aux questions que lui pose son mari : soit par messagerie soit en utilisant la fonction audio qui prononcera la phrase qu’elle aura choisie sur l’interface. Cela leur permettra de communiquer à nouveau », enchérit Christophe.
Jeune parkinsonien, il n’éprouve pas encore de difficultés à communiquer oralement ou par message écrit. Mais de temps en temps, ses doigts se perdent sur le clavier, et poussent plusieurs touches en même temps. Pour lui faciliter la vie, les chercheurs ont développé deux systèmes de clavier numérique : l’un est un AZERTY avec une police et un espacement entre les touches personnalisables, l’autre est un clavier alphabétique ABCDE, en 4 lignes, conçu à la demande expresse des patients.
Alarme pense-bête et appel à l’aide
Aurélie Régent est orthophoniste au sein de l’APF France Handicap. Elle a testé l’application. « Bien pensée, intuitive, facile d’utilisation, elle est intéressante pour les patients afin de réaliser une communication alphabétique en direct, mais aussi à distance grâce à l’envoi d’email et de sms. De plus, elle permet l’accès à des fonctions de détente : écouter de la musique ou la radio, visionner des photos, lire ou écouter des phrases réflexives, cela contribue au bien-être au quotidien. Et quand un malade de Parkinson, souvent rigide et tendu, est détendu, il communique mieux. »
« Une autre fonction très intéressante de l’application est le rappel de la prise de médicaments et de soins médicaux hebdomadaires. Cette alarme, c’est un souci en moins. »
L’interface propose aussi une fonction « appel d’urgence ». Lorsque le patient clique dessus, la personne qu’il a précédemment encodée comme contact principal reçoit l’appel à l’aide. Si celle-ci ne réagit pas, cinq contacts secondaires préalablement définis seront contactés un à un.
« L’application ParkinsonCom est un outil abouti, simple d’utilisation et gratuit, loin des outils de communication chers que l’on trouve sur le marché. Les Parkinsoniens sont majoritairement des personnes âgées : il y avait une nécessité que l’outil soit adapté à leurs réalités et à leurs moyens, qui, souvent, sont maigres. Voilà qui est chose faite. Jusque-là, c’était une niche de patients abandonnés », conclut la Dre Anne Blanchard, du Service de Médecine physique et réadaptation au CHRU de Lille.