Du biogaz wallon pour se chauffer, cuisiner et s’éclairer

16 mars 2022
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Alors que le prix de l’électricité et des carburants fossiles ne cesse de flamber, la biométhanisation continue son avancée en Wallonie. En 2020, ce procédé a converti quelque 640.000 tonnes de déchets agroalimentaires, de sous-produits agricoles (pailles, etc.), d’effluents d’élevage, de cultures dédiées (maïs et cultures intercalées entre deux cultures alimentaires), de déchets ménagers, de déchets verts et autres boues de station d’épuration, en 223 GWh d’électricité et 276 GWh de chaleur.

Fonctionnement d’une unité de biométhanisation © Valbiom

Obtention de deux produits de choix

Les matières à dégrader entrent dans le digesteur (cuve où a lieu la fermentation) et y subissent une dégradation biologique réalisée par des micro-organismes (bactéries et archées). Cette fermentation se déroule en absence d’oxygène (anaérobie) et à environ 40 °C. Au cours de la décomposition des matières, du gaz est produit. Ce dernier, appelé biogaz, est essentiellement composé de méthane (CH4) et de gaz carbonique (CO2).

Le second produit de la biométhanisation est le digestat. Représentant environ 80 à 90 % de la masse des matières organiques entrantes, il est composé de tous les nutriments (N, P, K…) présents au départ. Avec, en sus, l’intéressante caractéristique que l’azote est rendu plus facilement assimilable par les plantes. Le digestat peut être épandu sur les terres agricoles comme fertilisant et amendement.

Un secteur en pleine expansion

Dans son dernier rapport, Valbiom met en évidence l’évolution continue de la biométhanisation en Wallonie. Le nombre total d’unités de production est passé de 42 à 54 entre 2014 et 2020. « De nombreuses unités se développent en particulier dans le secteur agricole », explique Aurélien Bardellin, chargé de projet Biométhanisation (Valbiom).

Localisation des 54 unités de biométhanisation en Wallonie. AGRICOLE = Unité de biométhanisation utilisant notamment des intrants agricoles et portée généralement par un ou des agriculteur(s) ; MICROBIOMÉTHANISATION AGRICOLE = Unité de biométhanisation de moins de 50 kW (ou équivalent) visant l’autonomie énergétique de l’exploitation agricole ; FFOM = Unité de biométhanisation traitant la fraction fermentescible des déchets ménagers ; IAA (Industries Agroalimentaire ) EAUX USEES = unité de biométhanisation traitant les eaux de process de l’entreprise ; CET = Traitement des gaz de décharge ; STEP = Unité de biométhanisation installée dans une station d’épuration (intercommunale), destinée à la fermentation des boues de la STEP © Valbiom

Actuellement, la Wallonie compte 54 unités de biométhanisation. Dont 33 installées en milieu agricole, 7 dans des entreprises agroalimentaires – dans le but de traiter leurs eaux de manière anaérobie, permettant de produire du gaz renouvelable utilisé sur leur site – et 4 dans des stations d’épuration urbaines.

« Les déchets ménagers permettent également de produire de l’énergie. Nous avons désormais deux sites qui traitent les déchets ménagers issus de la poubelle organique des ménages (FFOM). D’autre part, 8 décharges (CET) valorisent le gaz issu de la dégradation des déchets ménagers enfouis avant 2010 », poursuit Aurélien Bardellin.

Si aucune nouvelle unité n’a vu le jour en 2020, cela va bouger à l’avenir. « Plusieurs sont actuellement en construction, tant au niveau agricole qu’au niveau d’entreprises agroalimentaires souhaitant traiter leurs eaux fortement chargées en matières organiques. »

Type de valorisation du biogaz en fonction du type d’unité de biométhanisation © Valbiom

La chaleur verte n’est pas soutenue en Wallonie

La grande majorité des unités valorise le biogaz via la cogénération, soit la production simultanée de chaleur et d’électricité. Comment ça marche ? L’électricité est produite soit suite à la combustion de biogaz dans un moteur qui actionne un alternateur ; soit par de la vapeur produite via une chaudière, entraînant une turbine, qui actionne également un alternateur. Et la chaleur émise lors de ce procédé est récupérée.

« Actuellement, la production de chaleur verte seule n’est pas soutenue financièrement en Wallonie. C’est probablement la raison de la faible proportion d’unités (8) optant pour une valorisation du biogaz via une chaudière », analyse Aurélien Bardellin.

Au contraire, certaines CET produisent uniquement de l’électricité. « Cela s’explique par leur localisation, rendant complexe la valorisation de chaleur à proximité. »

Injecter le biométhane dans le réseau

Autre possibilité : injecter le biométhane produit dans le réseau de gaz naturel. La législation concernant cette thématique est parue en 2018. « La première unité injectant du biométhane sur le réseau a été inaugurée en 2020. D’autres unités lui ont emboîté le pas en 2021. »

A noter que « la valorisation sous forme de bioCNG (biométhane) ne bénéficie actuellement pas d’aides à la production. Cela implique une rentabilité économique très peu intéressante par rapport aux autres voies de valorisation. »

Quelque 500 GWh produits annuellement

En 2020, la biométhanisation a produit 223 GWh-él (électrique), soit 60 % de la production électrique moyenne mensuelle en 2021 par les éoliennes (‘onshore’) plantées dans les champs belges, et 276 GWh-th (thermique). Parmi ceux-ci, et hors auto-consommation (donc hors énergie utilisée pour le process de biométhanisation lui-même) 212GWh-él ont été valorisés sur site (pour des activités autres que la biométhanisation) ou revendus, tout comme 162 GWh-th.

«  A l’heure actuelle, le coût de production du biogaz est moitié moindre que celui du gaz naturel. Et ce, sans considérer aucun autre bénéfice que sa valeur énergétique inhérente. Mieux : il apporte une sécurité dans le temps, tant en volume qu’en coût », notent Matthieu Schmitt et Philippe Taverniers, chefs de projet Biométhanisation chez Valbiom.

De quoi accélérer la construction d’unités de biométhanisation ? C’est le souhait de l’European Biogas Association (EBA)  qui a comme objectif la production de 35 milliards de m³ de biométhane européen d’ici à 2030. Soit l’équivalent de 20 % des importations actuelles de gaz de l’UE en provenance de Russie.

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