Acarien domestique : Dermatophagoides pteronyssinus
Acarien domestique : Dermatophagoides pteronyssinus

Allergies : la guerre aux acariens est déclarée

16 juin 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 7 min

Dans nos sociétés modernes et aseptisées, les allergies ont le vent en poupe. Les allergènes sont potentiellement partout. Y compris sous la couette ! Demandez aux asthmatiques. Le contact avec de minuscules arachnides comme les acariens peut leur causer d’énormes soucis !

 

« Comme toutes les allergies, celles aux acariens se développent en Belgique », précise le docteur (en sciences) Anne-Catherine Mailleux. « Ils vivent dans la poussière domestique, ils apprécient les cheveux, les poils de chats et de chiens… Mais surtout, ils aiment nos matelas. Chaque nuit, il y fait doux, humide et la nourriture ne manque pas. C’est le paradis ! »

 

Les acariens se délectent de nos squames : ces particules de peau que nous perdons au rythme du renouvellement de notre épiderme. Un chiffre ? Un matelas peut héberger jusqu’à 2 millions de ces petites bêtes, paraît-il!

 

Une formation peaufinée à l’UNamur, l’ULB et l’UCL

 

A force de s’intéresser de près à ces bestioles quasi invisibles (les Dermatophagoïdes ptéronyssinus de nos matelas ont une taille de 0,2 à 0,4 millimètre), Anne-Catherine Mailleux a fini par les prendre en grippe. Elle a elle-même développé une allergie ! La guerre était dès lors clairement déclarée.

 

Pour mieux vaincre son ennemi, la biologiste issue de l’UNamur, de l’ULB et de l’UCL (si, si…) a commencé par les étudier sous toutes les coutures. Elle a d’abord tenté de s’en débarrasser avec des produits chimiques. « Cela marche assez bien », dit-elle. « Mais il s’agit de biocides. Je ne suis pas certaine que les personnes allergiques préfèrent ces poisons aux acariens ».

 

Celle qui a commencé son circuit académique par trois années de médecine à Namur a aussi testé une méthode de lutte plus classique : la machine à laver. « C’est clair, on peut en venir à bout en lavant ses draps à 60 degrés, avec du savon, dit-elle. Mais essayez de mettre votre matelas dans le lave-linge… » Quant aux housses de protection « anti-acariens », elle fait a moue. « Oui, cela fonctionne un temps… Mais certaines, surtout les moins chères, sont imprégnées d’insecticide ».

 

Le piège parfait a des relents irrésistibles.

 

Alors ? Alors, c’est simple ! Le Dr Mailleux a repris le problème à zéro. Au fil de sa thèse de doctorat à l’ULB, dans le laboratoire du Pr Jean-Louis Deneubourg (Unité d’écologie sociale), elle s’est intéressée au comportement le plus intime de ces minuscules animaux à huit pattes.

 

« Pour les éliminer, il faut tout simplement pouvoir les capturer », dit-elle. Voilà donc ce qu’elle s’est ingéniée à mettre au point : un piège à acariens. Et quel piège ! Ils tombent tous dans le panneau !

 

C’est lors de son passage à l’UCL, où elle a collaboré avec l’équipe de Thierry Hance (« Earth and Life Institute »), qu’elle a peaufiné la chose. Au point de développer un produit efficace, de le commercialiser et de créer une société (Domobios).

 

« Le principe est simple », explique la biologiste. « On étend sur le lit à traiter une couverture spécialement élaborée par Domobios. C’est du coton : ils adorent ! Sur le dessous, le tissage présente une série de bouclettes. Ce sont de véritables échelles à acariens. Sur le dessus, un grand quadrillage, lui aussi tissé, permet de répartir la dose idéale d’un parfum auquel ils ne peuvent résister. Le tout est calculé pour que le produit n’atteigne pas le matelas! Au risque sinon de ne pas inviter les acariens à changer d’habitat ».

 

On attend deux heures et hop ! Le tour est joué. Les acariens se sont massés sur la couverture aux attirants relents. Le piège peut se refermer. On replie la couverture et on la passe à la machine à laver (toujours à 60 degrés et avec savon). C’est l’hécatombe ! Un coup d’aspirateur sur la literie complète l’opération, histoire de capter les dernières particules allergisantes.

 

Une efficacité validée l’hiver dernier à Bruxelles

 

« Ce traitement est à répéter une semaine plus tard pour s’assurer ensuite plusieurs mois de tranquillité », précise la biologiste qui bien entendu ne nous livre pas le secret de son parfum à acariens !

 

« Ces bestioles ne résistent pas à l’appel de certaines phéromones d’agrégation », lâche-t-elle quand même. « Pour survivre, ces arachnides ont besoin de chaleur et d’humidité. Lorsqu’il fait trop sec, ils s’agrègent, ils forment une sorte de boule afin de maintenir une certaine hygrométrie », indique la scientifique. « Ces êtres, rustres et aveugles, se repèrent dans leur environnement par des signaux chimiques. Nos recherches nous ont permis d’identifier et de copier ces composés moléculaires qui donnent le signal du rassemblement. Mieux encore, nos études nous ont également permis d’identifier des molécules identiques dans le monde végétal. Notre produit à vaporiser est donc un extrait très particulier de plantes. »

 

Et ça marche vraiment ? « Evidemment ! », clame-t-elle. « Nous avons voulu le prouver scientifiquement. Une première étude a donc été réalisée en collaboration avec le Dr Evelyne Jonniaux, spécialiste en oto-rhino-laryngologie à l’Huderf, l’hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola, à Bruxelles. L’hiver dernier, une quarantaine d’enfants allergiques aux acariens, et bénéficiant d’un traitement classique, ont pu utiliser « Acar Up » (le nom commercial du « piège »). Résultat : chez ceux qui ont utilisé ce produit, le médecin a constaté une nette amélioration des symptômes induits par les déjections d’acariens, et ce dès la première utilisation ».

 

A l’hôtel, pour le chien et… pour les ours aussi !

 

Cette étude demande maintenant à être confirmée. « Ce sera pour l’hiver prochain », espère Anne-Catherine Mailleux. « Avec un échantillon d’une centaine de patients ».

 

D’ici là, la scientifique ne reste pas les bras croisés. « Nous voulons améliorer notre cocktail, afin de capturer plus rapidement les acariens », reprend-elle. « Le temps de pose optimal du piège imprégné sur un lit est actuellement de deux heures. A la maison, cela ne pose pas de problème. Mais dans les hôtels, qui voudraient proposer à leurs clients des chambres sans acariens, c’est beaucoup trop longs. On cherche donc un parfum encore plus attirant pour ces petits… »

 

Dans les cartons de la jeune entreprise (qui totalise déjà six collaborateurs), on s’intéresse aussi aux animaux: les chiens et les… ours principalement. « Les chiens aussi risque de devenir allergiques aux acariens », indique Anne-Catherine Mailleux. « Quand leur panier est infesté, ils peuvent présenter des pelades. C’est une autre famille d’acariens qui est ici en cause. Nous aimerions proposer une solution efficace à leurs maîtres ».

 

Mais les ours ? S’agit-il d’une nouvelle affaire de panda ? « Il s’agit des ours en peluche, et plus globalement de toutes les peluches qui passent par les mains des enfants allergiques », sourit la scientifique. « Le traitement de ces peluches suit le même principe que les literies, à la différence qu’ici, c’est un sac en coton spécialement conçu pour ce traitement qui est utilisé. La peluche y est enfermée et le traitement peut commencer. La peluche ne doit dès lors plus passer à la machine. Ce qui, vu les températures à utiliser, ne leur laissait guère de chances de s’en sortir indemnes! »

 

Les ours comme les allergiques peuvent dire merci à Anne-Catherine. D’autant qu’avec l’hiver doux qu’on vient de connaître, les acariens affichent une insolente santé. Un hiver doux, cela veut dire moins de chauffage dans les maisons, moins de chaleur desséchante et donc un meilleur taux de survie pour ces petits monstres…

 

L’Avant-Garde

Magazine L'Avant-Garde du journal L'Echo (14 juin 2014)
Magazine L’Avant-Garde du journal L’Echo (14 juin 2014)

Le magazine l’Avant-Garde, livré ce samedi 14 juin avec le journal L’Echo vous en dit (encore) plus sur la guerre sans merci que livre  le Dr Anne-Catherine Mailleux aux acariens.
Tout comme il vous propose aussi de découvrir 19 autres projets innovants et insolites lancés par des entrepreneurs belges.

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