Bruxelles veut devenir une « ville à 10 minutes »

16 juin 2023
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Une ville apaisée, moins bruyante, où le trafic automobile est moins dense, mais aussi moins nécessaire pour accéder aux commerces et aux services utiles à ses habitants : voilà quelques éléments-clés du concept de « ville à dix minutes ». Un concept (aussi appelé ville du quart d’heure) qui a été remis au goût du jour en 2016 par Carlos Moreno, directeur scientifique à la Sorbonne.

Le concept de cette ville se base sur une logique de temps d’accès aux services, plutôt que sur une notion de distance. La « ville à dix minutes », c’est une cité qui offre à ses habitants un accès à l’ensemble des services, des équipements ou des commerces répondant à leurs besoins quotidiens, et ce en moins de dix minutes… à pied !

« Comprenez-moi bien. Je ne cherche pas à ce que les villes deviennent des hameaux ruraux. La vie urbaine est animée et créative. Les villes sont des lieux de dynamisme économique et d’innovation. Mais nous devons rendre la vie urbaine plus agréable, agile, saine et flexible. Pour ce faire, nous devons nous assurer que tout le monde puisse avoir accès à tous les services-clés dans leur voisinage », précise Carlos Moreno.

Mobilité active

« C’est avant tout un concept qui permet non seulement d’améliorer la qualité de vie des habitants, mais qui offre également de nombreux autres avantages pour plus de mobilité active, de mixité fonctionnelle, de lieux de rencontre et de cohésion sociale luttant ainsi, notamment, contre l’isolement des personnes fragilisées », indique la Ville de Bruxelles, séduite par ce concept depuis 2018.

Depuis fin 2020, une équipe de chercheurs issus de six centres de recherche relevant de cinq universités membres du Brussels Studies Institute (BSI) planchent sur le concept. Ils viennent de livrer leurs premiers résultats.

Cette première carte (heatmap) illustre les résultats de l’étude pour l’ensemble des services de proximité de la ville de Bruxelles. Elle indique les taux de « dotation en services ». Par exemple, en orange, la fourchette 20-30 signifie que 20 à 30 % des services intégrés dans le modèle sont accessibles à moins de 10 minutes à pied © BSI

Une cartographie visuelle

Crèches, écoles, commerces, hôpitaux, salles de sport, médecins, espaces verts, arrêts de transports publics, boxes à vélos, bulles à verre, piscines, cinémas, salles de théâtre : au total, quelque 180 indicateurs ont été définis et mis en carte par les chercheurs de l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire (ULB), du Laboratory on Landscape, Urbanism, Infrastructures and Ecologies (ULB), du Spatial Applications Division Leuven (KU Leuven), du Centre de recherches et d’études pour l’action territoriale (UCLouvain), du Centre de recherches et d’intervention sociologique (USL-B) et de Cosmopolis (VUB).

La carte qui en résulte permet de visualiser, pour le territoire de la Ville de Bruxelles, l’intensité de la dotation en services de proximité. On parle de « heatmap » dans le jargon. Cette carte permet de comparer synthétiquement les différents quartiers.

Le modèle est, avant tout, conçu comme un outil d’aide à la décision en matière de développement territorial. Il pourra également devenir un support à l’information des citoyens de la Ville de Bruxelles en matière de services de proximité.

On notera aussi que cette modélisation tient compte des zones accessibles à pied (à du 4,3 km/h) ou à vélo (11 km/h), en moins de 10 minutes.

Un podcast du bourgmestre

Philippe Close, bourgmestre de la Ville de Bruxelles, explique : « la ville à 10 minutes est au cœur de notre projet de ville depuis des années. Nous avons déjà équipé de nombreux quartiers d’équipements collectifs. Nous en sommes au stade d’affiner les besoins par quartier et de veiller que tous soient équipés. Nous voulons le faire à l’aide de cartographies reflétant la situation actuelle de chaque quartier afin d’identifier les équipements manquants et de les y développer.»

Pour éclairer sur ces phénomènes urbains, le bourgmestre vient également de se lancer dans la mise en ligne de podcasts (de trente minutes !) intitulés « La ville à dix minutes ».  Des podcasts qui abordent aussi des sujets peu abordés, mais qui affectent, comme il le dit, « notre urbanité ».

La ville à dix minutes, une voie révolutionnaire pour les cités de demain? Les avis divergent. Alain Bertaud, chercheur à l’institut Marron de gestion urbaine (Université de New York), estimait dans un essai de 2021 qu’il s’agit plutôt d’une nouvelle « utopie urbaine ».

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