L’innovation au sein d’une entreprise n’est pas un processus monolithique. Encore moins une démarche de repli sur soi. Pour innover aujourd’hui, le maître mot est « ouverture ». « Qu’il s’agisse d’innovation incrémentale ou d’innovation de rupture, l’innovation devient « ouverte », souligne Ann Massij, de la société de consultance et d’audit Deloitte Belgium. « Cela signifie que les processus d’innovation dans une entreprise ne sont plus strictement internes ».
Invitée par essenscia Wallonie, la Fédération des entreprises du secteur de la chimie et des sciences de la vie (200 membres en Wallonie), elle précise ce que recouvre ce concept. « L’innovation ouverte, est une approche qui s’oppose au modèle traditionnel de R&D. Elle est fondée sur le partage volontaire d’informations, de compétences et de droits intellectuels ».
Bénéfices mutuels
Partager ses secrets d’entreprise avec la concurrence pour se développer? L’idée peut paraître étrange. Elle est pourtant loin d’être incongrue.
« Les avantages de l’innovation ouverte, celle qui se traduit par la mise en place de véritables partenariats, sont multiples », souligne Pascal Lizin, Président d’essenscia Wallonie.
« En bénéficiant des « découvertes » de partenaires, dans des domaines qui ne sont pas strictement de son propre ressort, cela permet de gagner du temps et des moyens », analyse-t-il. « Cela permet aussi dans certains cas de partager les risques, de créer des nouveaux domaines d’activités, de nouveaux produits « mixtes », d’avoir accès à de nouveaux marchés et bien sûr, de développer son propre domaine d’expertise ».
Quasi une habitude dans le secteur des sciences de la vie et de la chimie
Certaines entreprises seraient plus réceptives que d’autres à l’innovation ouverte. « 30% des entreprises du secteur des sciences de la vie et de la chimie en Belgique considèrent les alliances en R&D comme très importantes, contre 20% en moyenne dans l’industrie », indique encore Pascal Lizin, qui rappelle, en citant l’enquête européenne sur l’innovation de 2012, que les entreprises du secteur collaborent en priorité, en ce qui concerne la R&D, avec:
- – leurs fournisseurs (38%)
- – les hautes écoles et universités (34%)
- – leurs clients (33%)
- – les centres de recherches privés (30%)
- – et même « la concurrence », soit des entreprises du même secteur (17%)
Quatre leviers pour lutter contre la frilosité face à l’innovation ouverte
Ann Massij identifie cependant quatre freins face à l’adoption de l’innovation ouverte. Ils portent sur:
- Les changements de processus et de flux, qui impliquent de changer les façons de faire et de penser et de trouver un terrain d’entente entre différentes stratégies et cultures d’innovation.
- La méfiance envers les idées extérieures, qui nécessite un changement de culture au sein de l’entreprise.
- Le partage des droits de propriété intellectuelle. « La propriété intellectuelle doit être considérée comme la monnaie de l’innovation ouverte », dit-elle. « La valeur étant créée par la capacité d’utiliser cette propriété intellectuelle pour aboutir à des rendements supérieurs ».
- Les styles de management. « Ici, l’approche centralisée traditionnelle (top-down) doit être adaptée et évoluer vers un style plus collaboratif et entrepreneurial », précise la consultante.
Les probabilités de succès (re)bondissent
Les entreprises du secteur biopharmaceutique qui désirent réellement progresser grâce à l’innovation ouverte ont tout intérêt à se débarrasser de ces « freins ».
« Les probabilités de succès triplent quand le concept d’innovation ouverte est appliqué au développement d’un nouveau médicament », indique encore Ann Massij. Son graphique comparant les deux filières d’innovation (traditionnelle et « ouverte ») l’illustre parfaitement. L’avantage que procure l’innovation ouverte est présent dès la « phase 1 ».
Au sein des pôles de compétitivité BioWIN et GreenWin (technologies environnementales), cette stratégie d’innovation ouverte est parfaitement reçue.
« Cela permet de faire ensemble ce que l’on ne sait pas faire seul », estime Véronique Graff, managing director de GreenWin. « De développer des collaborations et des partenariats, et de bénéficier d’opportunités improbables, via les réseaux et carnets d’adresses des partenaires. Le tout en renforçant les chaines de valeur de chacun ».
Ces quatre dernières années, GreenWin a permis de développer 27 projets innovants dans la région.
Du côté de BioWin, ce sont pas moins de 36 projets de R&D qui ont été soutenus ces dix dernières années, lesquels ont généré quelque 90 brevets et la création de quatre plateformes technologiques.