Apparu en 1960, le laser ouvre des perspectives immenses en science fondamentale et en science appliquée. Cet amplificateur des faisceaux lumineux permet la lecture des CD, DVD et des codes-barres. L’accès à Internet. La correction de la vision. La destruction de tumeurs…
«Sans la lumière laser, je n’aurais pu faire aucune des expériences qui m’ont permis d’explorer le monde quantique», raconte Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012. «Après de longues années de recherche, je suis parvenu avec mon équipe à piéger pendant plus d’un dixième de seconde quelques photons de micro-ondes dans une boîte aux parois réfléchissantes.»
«En faisant interagir ces grains de lumière fragiles et élusifs avec des atomes excités par des faisceaux laser, nous avons observé le comportement à la fois ondulatoire et corpusculaire de la lumière dans des expériences qui illustrent les propriétés étranges du monde quantique. Au plaisir de la découverte s’est ajoutée l’excitation de penser que ces travaux mèneront peut-être un jour à des applications nouvelles. Même s’il est encore difficile de prévoir ce qu’elles seront vraiment.»
L’aventure quantique
Invité par l’Université libre de Bruxelles et l’Académie royale de Belgique, en partenariat avec les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Nobel a donné des cours sur le monde quantique. En publiant «La Lumière révélée» chez Odile Jacob, Serge Haroche évoque ses héros scientifiques. Revisite ses recherches et celles de ses contemporains. Pour partager sa passion. Avec les jeunes. Les chercheurs débutants.
«J’espère aussi intéresser ceux qui, dans le grand public, sont curieux d’en savoir plus sur une histoire qui a profondément influencé notre façon de voir le monde et nous a donné de puissants moyens d’action et de contrôle sur lui», ajoute le professeur honoraire au Collège de France. «Je souhaite aussi intéresser le lecteur qui connaît déjà les grandes lignes de cette histoire en lui apportant mon éclairage personnel.»
Les scientifiques ont besoin de temps et de confiance
Il reste beaucoup à découvrir. Les scientifiques demandent du temps, de la confiance… «Le temps est nécessaire, car la nature ne révèle pas facilement ses secrets», souligne le chercheur. «Elle nous conduit souvent vers de fausses pistes et met parfois à l’épreuve notre patience et notre résolution. La confiance, quant à elle, a de multiples visages. C’est d’abord celle que nous devons avoir en nous-mêmes, en notre capacité d’analyser, de comprendre et d’imaginer des approches nouvelles lorsqu’une situation inattendue se présente.»
«La confiance dont nous avons besoin, c’est aussi celle des institutions auxquelles nous appartenons, qui doivent nous apporter un soutien matériel et moral. La confiance, c’est enfin et surtout celle de la société qui doit partager notre soif de savoir. Et la conviction qu’elle constitue un élément essentiel de notre culture et de notre civilisation. J’ai personnellement travaillé dans un environnement où ces conditions étaient réunies.»
«Mon optimisme est cependant mis aujourd’hui à l’épreuve. Les difficultés économiques ont réduit les moyens alloués à la recherche en France et dans de nombreux pays. Rendant en particulier très difficiles les conditions de travail des jeunes chercheurs.»
La science est attaquée
La science est mal comprise. Attaquée par le grand public, par des politiques… «Les courants anti-scientifiques ont toujours existé», rappelle le Nobel. «Mais ils prennent maintenant une tournure particulièrement pernicieuse avec la montée de la « postvérité » et des faits alternatifs. La science n’est pas la seule visée par cette marée de fausses informations et de mensonges. Mais elle est particulièrement vulnérable.»
«Les théories du complot s’appuient sur une forme pernicieuse du doute, totalement opposée au doute rationnel et constructif de la méthode scientifique. En parodiant ainsi pour le dévoyer un élément essentiel de la démarche scientifique, les détracteurs de la science développent une stratégie perverse et efficace.»
La science est dénigrée sur le Web… «Les contre-vérités, propagées de façon redoutablement efficace sur Internet notamment, ramènent les théories scientifiques au rang d’opinions que l’on peut nier sans preuve et mettre sur le même plan que des croyances issues de traditions diverses. On voit là resurgir un relativisme culturel prôné par certains courants de la sociologie et de l’anthropologie.»
Que faire pour défendre la science et ses valeurs? «Il faut étudier les origines sociologiques et psychologiques profondes de ces mensonges», pense Serge Haroche. «Et analyser en particulier les conditions dans lesquelles les réseaux sociaux fonctionnent en favorisant l’enfermement de communautés d’internautes dans des délires qu’ils entretiennent entre eux.»