Le chiffre est interpellant: 37,9% des doctorants inscrits à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et à l’Université Catholique de Louvain (UCL) ont jeté l’éponge en cours de route. Après huit années de suivi, alors qu’un doctorat se boucle en général en quatre ans, ces chercheurs disparaissent des radars sans défendre leur thèse. Un taux d’abandon élevé.
Ce chiffre est un des enseignements clés du projet ROPe (Research on PhD), qui vient de se terminer. ROPe est un projet de recherche conjoint mené par des équipes de chercheurs de l’ULB et de l’UCL et financé par le Fonds de la Recherche scientifique FRS-F.N.R.S.
Une recherche, trois volets
« Lors de nos travaux, nous avons réalisé une analyse du parcours de l’ensemble des étudiants ayant entamé un doctorat entre 2004 et 2012 au sein de nos deux universités », précise le Pr Olivier Klein, qui dirige le centre de psychologie sociale et interculturelle, à l’ULB, un des quatre coordinateurs du projet.
Le projet ROPe ne s’est bien entendu pas limité à la seule collecte et analyse des chiffres d’inscriptions au doctorat dans ces deux universités. Il a été complété par des entretiens avec d’anciens doctorants de l’UCL et de l’ULB qui ont obtenu leur doctorat ou qui ont arrêté en cours de route. Il a également donné lieu à une étude via un questionnaire en ligne.
Identification des facteurs de risques
Les chercheurs ont tenté de déceler les raisons qui mènent un doctorant à persévérer ou au contraire à abandonner en cours de route. De multiples facteurs ont été étudiés: leur environnement sociodémographique, leur parcours antérieur (leur grade en fin de master notamment), leur contexte professionnel, les domaines dans lesquels ils mènent leurs recherches.
Les chercheurs identifient les principaux facteurs de risques qui peuvent mener à l’abandon d’une thèse.
- – Le financement du doctorat: les doctorants disposant d’une bourse ont davantage tendance à boucler leur thèse
- – La vie de famille: le doctorant en couple est davantage persévérant
- – l’âge: les chercheurs qui entament une thèse avant l’âge de 26 ans présentent moins de risques d’abandon
- – Le grade en fin de master: au plus bas est ce grade, au plus le risque d’abandon augmente
- – La nationalité: les « Belges » bouclent davantage leur doctorat que les Européens, qui se classent eux mieux que les étudiants étrangers non européens
Bien entendu, l’accumulation de facteurs de risques fait grimper le taux d’abandon
Le doctorat, un risque… pour la santé mentale
En Flandre, les études de l’Ecoom livrent une autre information intéressante concernant les doctorants. Elle concerne les risques qui les guettent en matière de santé mentale.
L’Ecoom (Expertisecentrum Onderzoek en Ontwikkelingsmonitoring) est un consortium interuniversitaire du nord du pays chargé d’alimenter le gouvernement flamand en indicateurs relatifs à la recherche et à l’innovation.
“Entreprendre un doctorat expose le chercheur à toute une série de problèmes potentiels”, indique Karen Vandevelde (Université de Gand/Ecoom). Parmi les principaux, pointons:
- – un stress constant (40,8%)
- – un état dépressif (30,3%)
- – des troubles du sommeil (28,3%)
- – une perte de confiance en soi (24,4%)
Une situation qui affecte aussi les doctorants en FWB, révèle pour sa part le volet « qualitatif » de l’étude ROPe.
Le doctorat en Belgique : comparaisons nord-sud
Combien de doctorants compte la Belgique? Lors de la rentrée académique 2015-2016, Daily Science avait consacré une série d’articles au doctorat en FWB. Le constat y était limpide. En vingt ans, le nombre de doctorants inscrits dans nos universités a doublé, pour s’élever à quasi 7.000 doctorants pour l’année académique 2013-2014.
En Flandre, au cours de cette même période, les chiffres de l’Ecoom montrent que ce n’est pas par deux, mais par sept que le nombre de thèses défendues annuellement a bondi!
En chiffres absolus, on passe de 200 nouveaux docteurs en Flandre en 1995-1996 à 1.400 pour l’année académique 2012-2013!
« En Fédération Wallonie-Bruxelles, le nombre de diplômés en doctorat était de 891 lors de l’année académique 2013-2014 », rappelle le Dr Véronique Halloin, Secrétaire générale du F.R.S.-FNRS.
Les raisons de cette vertigineuse évolution au nord du pays ? « Cela s’explique en partie par le mode de financement des universités en Flandre », souligne Karen Vandevelde (Université de Gand/Ecoom). « Au plus elles produisent de la science, des articles, des doctorants… au mieux elles sont financées ».